Jean Paul II, sur la prairie de l’Allmend, Berne, le 6 juin 2004 Lectures bibliques : Proverbes 8, 22-31; Romains 5, 1-5; Jean 16,12-15 |
«Béni soit Dieu le Père, et le Fils unique de Dieu, ainsi que le Saint-Esprit, car il nous a traités avec amour» (Antienne d’ouverture)
1. En ce premier dimanche après la Pentecôte, l’Église nous invite à célébrer le mystère de la Sainte Trinité. Nous le faisons, chers Frères et Sœurs, dans un décor superbe de sommets enneigés, de vertes vallées riches en fleurs et en fruits, de nombreux lacs et de torrents, qui rendent admirable votre terre. Notre méditation est guidée par la première lecture, qui nous amène à contempler la Sagesse divine «lorsque Dieu affermissait les cieux… chargeait de puissance les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme; lorsqu’il imposait à la mer ses limites… lorsqu’il établissait les fondements de la terre» (Pr 8, 27-29).
Cependant, notre regard ne doit pas uniquement se tourner vers la création, «œuvre des mains de Dieu» (Psaume responsorial); il se rend spécialement attentif aux personnes qui nous environnent. Je vous salue avec affection, chers Frères et Sœurs de cette merveilleuse région située au cœur de l’Europe. J’aimerais serrer la main à chacun de vous pour le saluer personnellement et lui dire : «Le Seigneur est avec toi et il t’aime !».
Je salue fraternellement les Évêques de Suisse, avec leur Président Monseigneur Amédée Grab, Évêque de Coire, ainsi que Monseigneur Kurt Koch, Évêque de Bâle, que je remercie pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom à tous. J’adresse mes salutations déférentes à Monsieur le Président de la Confédération Helvétique ainsi qu’aux Autorités, qui nous honorent de leur présence.
Enfin, j’adresse un salut particulier et plein d’affection à tous les jeunes catholiques de Suisse, que j’ai rencontrés hier soir au Palais Bern Expo, où nous avons écouté ensemble l’invitation exigeante et enthousiasmante de Jésus : «Levez-vous!». Chers jeunes amis, sachez que le Pape vous aime, qu’il vous accompagne par la prière quotidienne, qu’il compte sur votre collaboration pour l’annonce de l’Évangile et qu’il vous encourage avec confiance à avancer sur le chemin de la vie chrétienne.
2. «Ce que nous croyons de ta gloire, parce que tu l’as révélé», dirons-nous dans la Préface. Notre assemblée eucharistique est le témoignage et la proclamation de la gloire du Très-Haut et de sa présence agissante dans l’histoire. Soutenus par l’Esprit que le Père nous a envoyé par l’intermédiaire de son Fils, «la détresse elle-même fait notre orgueil, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance; la persévérance produit la valeur éprouvée; la valeur éprouvée produit l’espérance» (Rm 5, 3-4).
Chers Frères, je demande au Seigneur de pouvoir être au milieu de vous un témoin de l’espérance, de l’espérance qui «ne trompe pas», parce qu’elle est fondée sur l’amour de Dieu qui «a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint» (Rm 5,5). C’est de cela que le monde a aujourd’hui particulièrement besoin: d’un supplément d’espérance!
3. «Tu es un seul Dieu, tu es un seul Seigneur» (Préface). Les trois Personnes divines, égales et distinctes, sont un seul Dieu. Leur distinction réelle ne divise pas l’unité de la nature divine.
Cette communion profonde, le Christ nous la propose comme modèle, à nous ses disciples : «Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé». (Jn 17, 21). La célébration du mystère de la Sainte Trinité constitue chaque année pour les chrétiens un pressant appel à l’engagement pour l’unité. C’est un appel qui nous concerne tous, pasteurs et fidèles, qui nous incite à une conscience renouvelée de notre responsabilité dans l’Église, Épouse du Christ. Comment ne pas voir, avec ces paroles du Christ, l’impérieuse préoccupation œcuménique ? J’affirme aussi de nouveau, à cette occasion, notre volonté d’avancer sur le chemin difficile, mais riche de joie, de la pleine communion de tous les croyants.
Toutefois, il est certain qu’une forte contribution à la cause œcuménique viendra de la volonté des catholiques de vivre l’unité entre eux. Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j’ai souligné la nécessité de «faire de l’Église la maison et l’école de la communion» (n. 43), tenant le regard du cœur fixé «sur le mystère de la Trinité qui habite en nous, et dont la lumière doit aussi être perçue sur le visage des frères» (ibid.). C’est ainsi que se nourrit «la spiritualité de la communion», qui, partant des lieux dans lesquels se façonne l’homme et le chrétien, rejoint les paroisses, les associations, les mouvements. Une Église locale dans laquelle fleurira la spiritualité de la communion saura se purifier constamment des «toxines» de l’égoïsme, qui engendrent jalousies, méfiances, replis frileux, oppositions nuisibles.
4. L’évocation de ces risques suscite en nous une prière spontanée à l’Esprit Saint, que Jésus a promis de nous envoyer : «Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière» (Jn 16, 13).
Qu’est-ce que la vérité, Jésus a dit un jour: «Je suis le chemin, la vérité et la vie» (Jn 14, 6). La juste formulation de la question n’est donc pas «Qu’est-ce que la vérité ?», mais «Qui est la vérité ?».
Telle est la question que se pose aussi l’homme du troisième millénaire. Chers Frères et Sœurs, nous ne pouvons pas nous taire, parce que nous la connaissons. La vérité est Jésus Christ, venu dans le monde pour nous révéler et nous donner l’amour du Père. Nous sommes appelés à témoigner de cette vérité par la parole mais surtout par notre vie !
5. Chers Amis, l’Église est mission ! Elle a besoin, aujourd’hui encore, de «prophètes» capables de réveiller dans la communauté la foi dans le Verbe, révélateur de Dieu riche en miséricorde (cf. Ep 2,4). Le temps est venu de préparer de jeunes générations d’apôtres qui n’auront pas peur de proclamer l’Évangile. Pour tout baptisé, il est essentiel de passer d’une foi de convenance à une foi mûre, qui s’exprime clairement dans des choix personnels clairs, convaincus et courageux.
Seule une telle foi, célébrée et partagée dans la liturgie et dans la charité fraternelle, peut nourrir et fortifier la communauté des disciples du Seigneur et construire l’Église missionnaire, libérée des fausses peurs parce qu’assurée de l’amour du Père.
6. «L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint» (Rm 5, 5). Ce n’est pas un mérite qui nous revient; c’est un don gratuit. Malgré le poids de notre péché, Dieu nous a aimés et nous a rachetés par le sang du Christ. Sa grâce nous a guéris en profondeur.
C’est pourquoi nous pouvons proclamer avec le Psalmiste: «Comme il est grand, Seigneur, ton amour, dans tout l’univers !». Comme il est grand en moi, dans les autres, en tout être humain !
Telle est la véritable source de la grandeur de l’homme, telle est la racine de son indestructible dignité. En tout être humain se reflète l’image de Dieu. C’est ici la plus profonde «vérité» de l’homme qui, en aucun cas, ne peut être niée ou violée. En définitive, tout outrage fait à l’homme constitue un outrage à son Créateur, qui l’aime avec un amour de Père.
La Suisse a en effet une grande tradition de respect pour l’homme. Il s’agit de la tradition qui est placée sous le signe de la Croix: la Croix-Rouge !
Chrétiens de ce noble Pays, soyez toujours à la hauteur de votre glorieux passé ! En tout être humain sachez reconnaître et honorer l’image de Dieu ! En l’homme, créé par Dieu, se reflète la gloire de la Sainte Trinité.
Disons donc: «Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit: au Dieu qui est, qui était et qui vient» (Acclamation à l’Évangile). Amen !