Célébration oecuménique dans le cadre de FestiBible, à Fribourg

 

Abbé Claude Ducarroz, Pasteure Liliane Himbaza-Mouron. Noël Ruffieux, Diacre orthodoxe, à FestiBible, Fribourg, le 19 septembre 2010  Année C

Interventions

Abbé Claude Ducarroz :
Luc 16, 1-13

Je vous prie de m’excuser. Mais je vous assure qu’on n’a pas fait express. L’évangile que vous venez d’entendre était prévu dans la liturgie de ce dimanche. C’est comme ça.

C’est vrai : le jeûne fédéral est une célébration tout à fait helvétique. Et voilà qu’on croirait lire nos journaux en entendant cet évangile. Des magouilles financières, des gérants malhonnêtes, des dénonciateurs et des redresseurs de tort : n’est-on pas au plus fort de certains scandales qui ont marqué l’actualité suisse ces derniers temps ?
Mais la comparaison s’arrête là puisque le maître du gérant retors « fit son éloge » parce qu’il s’était montré habile en mauvaises affaires.
Vous l’aurez déjà compris : Jésus ne veut pas louer les apprentis sorciers de la finance nauséabonde ni canoniser les systèmes qui permettent de telles méchantes combines. Bien au contraire.
                      
Que veut-il nous dire en somme, qui demeure d’actualité pour nos personnes et pour nos communautés ?
A ses disciples d’abord, et à celles et ceux qu’il appelle « fils de la lumière » parce qu’ils cherchent un sens à leur vie à la clarté de l’évangile, Jésus propose ce qu’il nomme de l’habileté. Pas celle des micmacs financiers ou autres, mais celle qui permet de mettre son imagination, ses talents, ses ressources au service de l’amour de Dieu et du prochain. En un mot trouver toujours de nouveaux chemins, sans négliger les anciens, pour faire connaître la Parole de Dieu et la mettre en pratique dans l’actualité de notre temps. C’est ce qu’ont essayé de proposer les personnes qui ont imaginé, préparé et vécu FestiBible ce week-end à Fribourg. Que Dieu bénisse cette initiative œcuménique et bilingue.

Et puis il y a un deuxième message. Il vaut pour tous, quelles que soient nos conditions sociales ou nos convictions religieuses. « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. »
L’argent est utile et même nécessaire. Ceux qui, chez nous ou ailleurs, n’en ont pas ou pas assez pour vivre, le savent et nous le rappellent. Il y a encore tant à faire pour mettre en pratique la solidarité économique sans laquelle la justice et la paix ne peuvent régner entre les peuples d’une même terre, d’une commune humanité.
Mais servir l’Argent comme on sert un dieu, tout soumettre au rendement, au profit, à l’accroissement des richesses à tout prix, y compris au prix de sa santé, de sa famille ou de ses relations avec Dieu, ça, c’est le dessèchement du cœur, c’est l’extinction de la foi, c’est la mort d’une société vraiment humaine.

Dieu nous garde de telles dérives en nous rendant toujours plus disciples de Celui qui nous rappelle, à travers  Marie de Nazareth, la petite servante du Seigneur, si pauvre et pourtant si riche : « L’amour de Dieu s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Il déploie la force de son bras. Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes. Il élève les humbles. Il comble de biens les affamés. Il renvoie les riches les mains vides. »
J’ose le dire : Vive la révolution évangélique !

Pasteure Liliane Himbaza-Mouron :
1 Timothée 2, 1-8

Chers frères et sœurs en Christ,

Un des sens du jour du Jeûne fédéral, nous l’avons rappelé, c’est de jeûner et prier pour l’ensemble du peuple suisse et ses autorités. L’invitation de l’apôtre Paul tombe donc à point : « J’insiste avant tout pour qu’on fasse des prières de demande, d’intercession et d’action de grâces pour tous les hommes, pour les chefs d’Etat et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité… ».

Il vous est sûrement déjà arrivé d’enfiler un habit fraîchement lavé et de vous rendre compte qu’il avait rétréci : impossible de le mettre !
En écoutant l’appel de Paul à prier pour tous les hommes, je me suis demandé si comme chrétiens nous ne vivions pas quelque peu rétrécis !
Rétrécis par notre égoïsme, notre individualisme, nos préjugés, nos jugements discriminatoires…

Parce que prier, prier pour nous-mêmes, avec nos soucis, nos problèmes, pour notre famille, nos proches,…oui, mais prier pour tous les hommes, y sommes-nous prêts, n’est-ce pas un peu trop demander ?
La rencontre avec le Christ nous ouvre à une nouvelle dimension. Car, comme le souligne l’apôtre Paul, ce qui sous-tend cet appel à la prière, c’est l’universalité de l’Evangile : notre prière s’élargira naturellement, si nous prenons conscience de l’universalité de l’Evangile. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Il y a un seul Dieu, un seul intermédiaire entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ. La foi chrétienne se trouve ainsi comme résumée : l’amour et le salut de Dieu sont offerts à tous, sans distinction. Tout être humain est digne, de par son humanité même, d’être aimé et accueilli.

Quel regard portons- nous sur notre frère, notre sœur en humanité ?
Une nuit, j’ai été réveillée par les cris d’une femme, qui passait près de notre maison, cela devait être environ 4h00 du matin, elle parlait et criait tellement fort… Le premier réflexe chez moi a été de penser : « voilà quelqu’un qui a trop bu », le jugement monte vite, puis je me suis dit « je ne sais pas, en fait, ce que vit cette femme », j’ai prié pour elle et je me suis rendormie…

Comme chrétiens, nous avons une responsabilité : celle de prier les uns pour les autres sans mettre de barrière, sans autre critère que celui de l’amour du Christ. Prier pour celles et ceux qui ont l’autorité et dirigent notre pays. L’enjeu est de taille : vivre dans le calme et la sécurité. Dans notre monde secoué par des crises de tous ordres, la prière des chrétiens de toute confession est un combat, une nécessité, un appel aussi à ceux qui détiennent le pouvoir à œuvrer pour la paix et la justice.

L’amour de Dieu pour tout homme porte et rend notre prière possible. Et parfois, dans des situations où le sentiment d’impuissance domine en nous, rappelons-nous qu’il nous reste une puissance, celle de la prière.
Amen

Noël Ruffieux, Diacre orthodoxe :
Amos 8, 4-7    

Telle est la parole d’un prophète qui dérange et que les autorités de l’époque prient d’aller prophétiser ailleurs.
Parole d’Amos au peuple d’Israël il y a 2800 ans. Les déséquilibres sociaux divisent alors le peuple, multipliant les pauvres, favorisant le goût du luxe et du tape-à-l’œil chez les nantis. La solidarité se brise, le peuple est divisé.

Amos s’adresse aux hommes d’affaires. Pour eux, « le temps, c’est de l’argent ». Ils pestent contre les jours fériés – fête mensuelle de la nouvelle lune, sabbat hebdomadaire – où il est interdit de « faire des affaires ». L’appât du gain les pousse à tromper les clients, à fausser les prix et les poids. Tout se vend et tout s’achète sous le seul pouvoir de l’argent.

Ose-t-on dire que le prophète exagère, caricature ? Les récents événements économiques nous ont appris que la réalité dépasse bien souvent la fiction biblique. Or, selon Amos, toute justice sociale, toute équité commerciale, toute rigueur financière s’appuient sur le Seigneur, seul fondement du peuple. « C’est moi, le Seigneur votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d’Egypte. » (Lv 19,36) C’est moi qui vous ai rendus à la liberté : ne vous laissez pas enchaîner à nouveau !

Parole d’il y a 2800 ans. Mais aussi parole pour aujourd’hui,  qui retentit dans ce lieu, dans les églises, dans les rues, sur les ondes. Vous avez peut-être remarqué, au-dessus de cette salle, contre la façade du centre commercial, l’énorme affiche qui annonce le film Wall Street.  Elle proclame : L’argent ne dort jamais.  Face à ce message, ici, enfouie encore, une autre parole, dérangeante, certes.
Le pire qui pourrait arriver : que cette Parole ne retentisse plus ! Que ceux qui sont chargés de la porter au monde ne la proclament plus ! Que le bruit et la fureur de nos vies l’étouffent ! Amos évoque ailleurs ces jours où Dieu pourrait se taire, faisant du monde un désert stérile :

« Voici venir les jours – dit le Seigneur –
où j’enverrai la faim dans le pays,
non pas une faim de pain ni une soif d’eau,
mais la soif et la faim d’entendre la Parole du Seigneur.
En titubant, on ira d’une mer à l’autre,
on errera du nord au sud,
cherchant la Parole du Seigneur,
et on ne la trouvera pas. »
(Am 8,11-12)

Il y a 518 ans, celui qui fut un prophète pour nous, habitants de ce pays, Nicolas de Flue, était habité lui aussi par la crainte que le peuple, oubliant ce qui le fonde, s’éloigne du Seigneur et n’entende plus sa Parole.  Avec une certaine audace, il écrivait aux autorités de Berne :

« Que le nom de Jésus soit votre salut !
La paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix.
Gardez la paix ! Protégez les veuves et les orphelins.
Opposez-vous au péché public,
prenez toujours le parti de la justice.
Portez dans vos cœurs la passion de Dieu. »

Si cette Parole ne retentit plus, si nous, qui en sommes les haut-parleurs, si nous nous taisons, nous aurons beau chanter dans nos églises et dans nos fêtes : « Oracle du Seigneur, dit Amos : Les cantiques de vos temples ne seront que hurlements ! Il y aura partout des cadavres et Dieu fera silence. » (Am 8,3)

 

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