Célébration de la Parole – 3ème dimanche de Pâques

Sepp Riedener, à l’église St-Jean, Lucerne, le 26 avril 2009
Lectures bibliques : Actes 3, 13-19; 1 Jean 2, 1-5; Luc 24, 35-48 – Année B

 

Sepp Riedener axe son homélie à partir d’une expression allemande, difficile à traduire en français : « Auf die Fahne schreiben », littéralement écrire sur le drapeau. Cette expression, qui ne veut rien dire en français, signifie par contre en allemand « se battre pour quelque chose». Et on se bat tous pour quelque chose ! Parfois à coup de slogans, notre époque aime les messages clairs.

« Yes we can ! ». Un slogan qui a fait gagner Barak Obama.
Ou encore :

« Dieu n’existe probablement pas. Pas de raison de s’en faire. Profite bien de la vie. » Cette phrase-là, on ne la trouve pas sur un drapeau, mais est clairement visible sur des bus à Londres et dans d’autres villes.

« Fini les bonus ! » : un cri que nous connaissons ces temps-ci et que reprennent différentes couleurs politiques.
Se battre, défendre ses idées au travers de slogans ou de paroles fortes, ce n’est pas nouveau. Jésus déjà était doué pour s’exprimer de manière claire et concise. Dès son premier retour dans sa ville de Nazareth, il utilise une citation d’Isaïe pour présenter de façon très courte mais très claire sa mission : « L’Esprit du Seigneur est sur moi. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » et de conclure :
« Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».
C’est difficile d’être plus clair. Il faut dire que ce message représentait une provocation pour les gens de son temps. N’est-ce pas le Fils de Joseph ? Pour qui se prend-il ce type ?
Et c’est déjà le début d’une poursuite acharnée contre lui. Il doit partir, car il met sens dessus dessous l’ordre établi : le pauvre doit rester pauvre et le riche riche.
Sa mission reste tout entière pour nous, même s’il a été tué.
« Aujourd’hui la parole s’accomplit ». Nous l’avons entendu dans l’Evangile. Et ce n’est pas par hasard que nous chantons des Negro Spirituals dans cette célébration. Ces chants des Noirs qui d’Afrique ont été déportés en Amérique et qui, même condamnés à l’esclavage, ont entendu et cru à cette parole.
Elle les a délivrés de l’injustice, de leur misère et de l’exploitation. Et cette espérance passionnée, ardente, nous la percevons bien dans tous leurs chants.
Mais cette parole n’est pas seulement valable pour l’époque de Jésus ou du temps de l’esclavage. Elle vaut aussi pour nous. Elle doit toujours être réinterprétée, aujourd’hui encore. Théoriquement le message de Jésus est limpide. Et c’est tout le sens de la diaconie de l’Eglise. Cette mission n’est pas négociable comme par exemple le secret bancaire.
Je ne parle pas ici des services qui sont offerts par n’importe quel conseil ou équipe de paroisse. Mais il s’agit bien du cœur de la tâche des Eglises chrétiennes.
Mais au fait qu’est-ce que signifie aujourd’hui, pour nous, « aujourd’hui s’accomplit la parole » ? L’économie est en crise et nous n’avons pas encore atteint le fond. Le nombre des sans-emplois va encore augmenter. Les personnes en marge de la société et celles qui sont concernées par la pauvreté vont encore plus expérimenter l’exclusion. S’ajoute à cela le fait que ce sont d’abord les pays pauvres qui souffrent de la crise. Ils deviendront encore plus pauvres et encore plus de gens vont mourir de faim.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous ?
Si nous prenons au sérieux ce que Jésus a dit, je dirais, en simplifiant un peu, qu’il y a deux tâches à accomplir :
D’abord nous devons regarder de près.
Observer, c’est faire ce que Jésus a aussi fait. Il a pris en compte la misère des gens avec compassion. Cela n’a rien à voir avec de la pitié. Nous devons être une Eglise sensible à la souffrance. Nous devons crier, quand l’injustice augmente et quand l’écart entre pays pauvres et riches s’agrandit.
Voir, c’est un aspect, mais nous devons aussi agir.
Agir, c’est aussi faire ce que Jésus a fait. Il a aidé. Pas tous. Quelques uns. Il n’a pas seulement livré un message de libération mais il a aussi soigné l’homme à la main desséchée, remis debout la femme recourbée, éloigné de la mort la femme pécheresse. Il a aussi ouvertement remis en cause les structures gangrenées.
Que reste-t-il à faire ?
Augustin a écrit un traité impressionnant sur l’espérance. Il dit que l’espérance a deux filles : la colère et le courage. Nous pouvons parfaitement utiliser l’un et l’autre aujourd’hui :
La colère face à des injustices dans le secteur d’argent, la colère face à l’exploitation sexuelle des enfants et des femmes, la colère sur le fait de détruire la création, la colère sur le fait que chaque jour en Suisse plus de 600 tonnes de nourriture sont détruites.
On peut éprouver de la colère face à tant de choses… et alors ? Cela doit nous faire réagir. Nous devrions nous sentir concernés.
Mais attention, il est important de ne pas rester dans la colère, pour qu’elle ne favorise pas la destruction en devenant une violence aveugle.
De la colère doit naître le courage. Guido Huser en a fait la preuve, lui qui est un habitué de la GasseChuchi – un lieu qui offre des repas pour personnes en marge à Lucerne – Guido avec tout son courage et son espérance a créée cette banderole qui est suspendue ici. Lui est assis parmi nous et se réjouit que sa banderole, une banderole issue des rangs des exclus ait trouvé une place dans l’Eglise et qu’elle devienne un message, une parole. Sur cette banderole, il a dessiné des signes et des symboles. Des signes comme dans l’Evangile d’aujourd’hui.
Cette parole doit toujours être réinterprétée. A nous de la décoder et de la mettre en œuvre. Moi qui suis depuis longtemps aumônier de rue, je comprends dans une certaine mesure cette langue. Quand je regarde ces signes, je les relie à la prochaine chanson « Thy Word » : « ta Parole est comme une lumière, elle me révèle ma route ». Je pense comprendre ces signes.
Tout est dans : « Fais ce que Jésus a fait. Porte la bonne nouvelle aux pauvres ». Maintenant.
Amen
Traduction : Evelyne Oberson

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