Célébration oecuménique

 

Christine Lany Thalmeyr et Maurice Gardiol, aumônerie oecuménique des prisons, Champ-Dollon, Genève, le 22 janvier 2012
Lecture biblique : Marc 10, 46-52

 

A partir du texte de l’Évangile de Marc que nous venons d’entendre, nous vous proposons un dialogue imaginaire entre deux des personnages concernés par ce qui s’est passé. Tout d’abord bien sûr l’aveugle Bartimée et ensuite Marie de Magdala, qui aurait bien pu se trouver aussi dans le groupe des disciples de Jésus ce jour-là.

Bartimée

Je suis le fils de Timée. On m’a dit que mon père était de son vivant un homme honorable. Mais voici déjà bien longtemps que je suis sans famille et jusqu’à ce jour j’étais devenu un homme déshonoré à cause de mon infirmité qui m’a exclu et m’a obligé à mendier ma maigre pitance chaque jour à la porte de Jéricho. Il y avait parfois quelques personnes bien intentionnées qui acceptaient de me faire l’aumône, mais, même si je ne les voyais pas, je sentais aussi tous les regards méprisants de celles qui considéraient que j’étais l’objet d’une punition ou d’une malédiction divine. J’entendais les pas de tous ceux qui détournaient leur chemin pour ne pas s’approcher de moi.

Marie

Moi, c’est Marie, celle dite de Magdala. Jésus, cela fait maintenant plus de deux ans que je l’accompagne. Il a changé ma vie. Depuis que je l’ai rencontré, tout s’est transformé en moi. Avec tant d’autres qui ont croisés sa route, je crois que Jésus est le Messie, l’envoyé de Dieu. Mais depuis quelques jours, alors que nous montons vers Jérusalem pour y fêter la Pâque, l’atmosphère est tendue. Jésus semble préoccupé. A plusieurs reprises, j’ai surpris son regard sur nous, un regard triste. Il nous parle de plus en plus souvent de sa vie donnée, livrée pour nous, d’une coupe à laquelle il devra boire. Il nous parle comme s’il allait mourir. Mais Jésus est si débordant de vie, il a encore tant à donner; et le Fils de Dieu ne peut pas mourir. C’est dans cette ambiance pesante que nous traversons la ville de Jéricho.

Bartimée

Ce jour là aussi je m’étais assis au bord du chemin pour mendier. En fin de journée il y eut une agitation inhabituelle. Il me semblait qu’il y avait plus de monde que d’habitude. J’ai demandé à une personne qui venait de poser une pièce dans ma main ce qui se passait. Elle m’a dit qu’un certain
Jésus sortait de la ville avec ses disciples et qu’il était entouré d’une grande foule. J’avais déjà entendu parlé de ce Jésus. Quelqu’un m’avait même raconté qu’un jour il avait lu dans une synagogue cette parole du prophète Isaïe :  » L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a appelé pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue… » Et si c’était vrai pour moi aujourd’hui ? Il faut que je trouve un moyen de le rencontrer.

Marie

Et il y a eu ce cri, le cri de cet homme, cet aveugle, assis et mendiant au bord du chemin. « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » Plusieurs essaient de le faire taire. C’est qu’ils n’ont pas encore compris.

Ils s’agitent, leur coeur est aveuglé, comme les yeux de cet homme ! Mais, je le connais bien mon Jésus, mon Seigneur, et je sais qu’il a entendu – il entend toujours – et je sais qu’il a vu et qu’il a déjà tout compris. Et c’est là qu’il fait appeler cet homme.

Bartimée

J’ai beau m’égosiller, j’ai l’impression que personne ne veut m’entendre. On me juge indigne d’intérêt, je suis une personne à terre et qui doit y rester car c’est dans l’ordre des choses. Ma présence et mes cris dérangent, tous me passent à côté et me laissent de côté. Tout à coup j’entends des pas qui viennent vers moi, probablement pour me prier de débarrasser le plancher ! Qu’elle n’est donc pas ma surprise lorsque cette personne me dit: « Confiance, lève-toi, il t’appelle ! » Ces seules paroles me donnent une force extraordinaire, elles me redressent et me font d’un coup retrouver mon honneur perdu: Jésus m’appelle moi le marginal, l’oublié, le délaissé, le découragé; moi que la maladie, le handicap, les préjugés et les peurs ont dépouillé de sa dignité. Jésus appelle Bartimée et lorsque je me trouve devant lui il me demande ce que je veux !

Marie

« Confiance, lève-toi; il t’appelle. » Ces paroles résonnent encore en moi et je me souviens. Je me souviens de ce jour où Jésus a posé ses mains sur moi; de ce jour où il a expulsé tous ces démons qui m’empêchaient d’être moi-même; qui m’empêchaient de vivre. Ce jour-là, Jésus a ouvert en moi un chemin; un chemin vers moi-même, un chemin vers les autres, un chemin vers la vie, un chemin vers ma vie !

Bartimée

« Va, ta foi t’a sauvé » Une parole d’amour, une parole de vie. Rien d’autre. Rien à mériter, rien à payer. J’ai simplement fait confiance à cette parole et j’ai retrouvé la vue. Jésus n’a rien fait d’extraordinaire, il a juste été à l’écoute de mon cri et il m’a laissé dire ma souffrance et il a reconnu ma foi nouvelle. Cela a suffit pour me relever et me remettre en marche sur le chemin. Certain vous diront que c’est un peu simple et alors ?

Marie

Bartimée marche maintenant avec nous. Je le revois, ce fameux jour où il a crié vers Jésus; je le revois, assis au bord du chemin, le regard tourné vers la poussière; et je revois surtout cette manière extraordinaire qu’il a eue de se lever, de bondir et de courir vers son Sauveur qui le fait appeler. Imaginez : un aveugle qui court ! Icône magnifique de la confiance, de l’élan vers la vie. Oui, Bartimée, tu es devenu mon frère et bien souvent nos regards se croisent comme pour dire ce qui nous lie désormais : une rencontre avec le Nazaréen. Et de cette rencontre, une trace, laissée au plus intime de nous. Comme une deuxième naissance. Un retour vers la communauté des vivants. Un retour à la vie. Tout simplement.

interlude musical

Cette rencontre entre Jésus et Bartimée nous rappelle que Dieu n’est pas indifférent à notre misère. Lorsque nous nous trouvons au bord du chemin, victimes des injustices et des violences, celles que nous avons commises ou celles que nous avons subies, sa parole peut mobiliser notre force d’aimer et de croire, rallumer en nous l’espérance et nous faire retrouver notre dignité d’enfants de Dieu. Il nous engage aussi à ne pas céder à la peur ou à l’indifférence. Etre ses disciples, c’est savoir entendre les cris et les appels de ceux qui se trouvent sur le bord de nos routes, percevoir leurs souffrances et leurs besoins, accueillir et soutenir celles et ceux qui leur viennent en aide, ne serait-ce que pour leur redire ce message d’espoir: « Confiance, lève-toi, il t’appelle. »

 

 

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