Messe du 28e dimanche ordinaire

 

 

Abbé Wolfgang Birrer, le 10 octobre 2004, à la basilique Notre-Dame, Lausanne
Lectures bibliques : 2 Rois 5, 14-17; 2 Timothée 2, 8-13; Luc 17, 11-19

« L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce ».

Voilà ce que fait un seul des dix lépreux guéris. Pour bien saisir, pour bien comprendre la valeur, le prix de cette guérison, il est nécessaire de replacer la lèpre dans son contexte biblique au temps de Jésus. D’une part, dans la loi de Moïse, on mettait sous la lèpre toutes les maladies de la peau qui sont repoussantes à voir. D’autre part, la lèpre ramenait au péché de l’homme. C’est-à-dire à sa capacité de se détourner librement et en pleine connaissance de cause de Dieu. Un refus de Dieu de la part de l’homme qui défigure sa dignité d’enfant de Dieu, créé à son image et aimé par lui.

Etre lépreux au temps de Jésus, c’est se trouver dans une situation désespérée et dramatique. Les lépreux sont exclus de la population, des lieux habités et aussi des lieux de culte. Ils sont les plus pauvres et les plus rejetés parmi tous. Preuve en est à Lausanne, la chapelle de la Maladière, à l’entrée de la ville du côté de Genève. Cette chapelle était située au 15ème siècle totalement à l’extérieur de la cité et destinée aux seuls malades de la lèpre.

Ces dix lépreux viennent à Jésus lui demander la miséricorde, la guérison de leur maladie, la délivrance du mal qui les ronge. Ils n’hésitent pas à implorer Jésus dans leur état catastrophique. Et ils ont raison de croire en l’efficacité, en la force du Christ qui peut tout sauver.

De fait, Jésus, en les envoyant vers les prêtres pour constater leur rétablissement selon les prescriptions de la loi de Moïse, leur promet la guérison. Ce miracle nous redit combien Jésus est venu pour les malades, pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en plénitude. De ces dix lépreux qui ont été guéris, sauvés et rétablis dans leur dignité, un seul revient à Jésus, pour glorifier Dieu et le remercier.

A quelque part, il en va de même pour nous aujourd’hui, à notre époque. On dit volontiers que l’être humain se tourne plus facilement vers Dieu, plus spontanément vers Dieu quand il se trouve dans une impasse, dans une situation difficile. Et sitôt l’obstacle franchi et disparu, il « oublie » à nouveau le Seigneur, il ne pense pas à rester auprès de lui pour le remercier, pour lui rendre grâce. Il agit un peu comme les neuf lépreux purifiés qui, à l’étonnement de Jésus, ne reviennent pas vers lui pour lui manifester leur reconnaissance. Ils n’agissent pas comme ce samaritain, lépreux guéri comme eux, qui est conscient du bonheur dont il est le bénéficiaire.

C’est peut-être ce que nous pouvons retenir de cet évangile aujourd’hui : la redécouverte de la prière de remerciement. La prière d’action de grâce comme quelque chose à redécouvrir, à revivre gratuitement avec le Seigneur, à l’exemple de l’unique lépreux guéri qui revient sur ses pas dire sa profonde reconnaissance au Christ.

Nous pouvons, dans notre prière ce matin, demander à Dieu cette intention les uns pour les autres : savoir retrouver, savoir garder cette attitude essentielle du croyant, du « sauvé », rendre grâce à Dieu, remercier le Seigneur des bienfaits qu’il nous donne.

En ce mois d’octobre, mois du rosaire, nous pouvons demander à Jésus d’avoir quelque chose de la mémoire du cœur, quelque chose de la qualité du cœur de Notre Dame. Elle a retenu dans son cœur les merveilles que Dieu lui a donné de vivre. Elle les a reconnues et sa réaction était l’exultation de joie, de reconnaissance dans le Seigneur : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, saint est son nom ». Son action de grâce se transforme en une contemplation de l’agir de Dieu dans sa vie et dans l’histoire de l’humanité.

Et si nous vivons des circonstances de vie trop difficiles pour pouvoir exulter dans le Seigneur, l’action de grâce, les remerciements à Dieu peuvent aussi se résumer à tout ce qui nous permet de croire malgré tout en l’amour de Dieu, d’espérer envers et contre tout. La prière d’action de grâce peut aussi commencer pour tous ces petits riens qui nous font tenir bon.

Que notre participation et notre prière commune de ce matin nous enracinent dans le cœur de ce que nous célébrons : dans l’Eucharistie, c’est-à-dire dans l’action de grâce du Christ à son Père dans laquelle le Seigneur nous entraîne et nous donne de voir son visage. Amen.

 

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