Messe du 23e dimanche ordinaire

 

Abbé Paul Bruchez, le 5 septembre 2004, à l’église de Erde-Conthey, VS
Lectures bibliques : Sagesse 9, 13-18; Philémon 9…17; Luc 14, 25-33

Introduction en patois :

Mi bràvè dzin, d’jntche, û, d’ayeu.
Li Jorganjateu, m’on démandô de fire on chormon, vouaï, întche. Chin me fi to drôle dè revèni, întche , yô,i n’i dza chërmouonô,è, mandzèya pindin, mi dé djië j’an ~ 1 chaï in trin dé, vère kè chin kë ni chènô, è beïn, i I’è pà to (troua) pardiù !

Ye, n’i 1 apraï la rèlijîyon, avoui gran-mame, è pouaï, avoui mame. …Chtèche, i tè fajyâv’on dé kont’è chu la via di, mârtire … Vouin dé kont’è, kë mè fajâvon drèshië li paï, chu la tite

A pà, yon, û, dou velâdze, vouaï-, le patoué l’ prëchke, in trin dé trèyë li daraï rank-ouo!

Eureujamin, dè dzin, ardan è kouëradzoeü, i chè boeüdz’on pouo mantèni in via le

patoué. Mi, i mè krèy’è kë l’è dza,, pëchke troua tâ ! Domâdze … pouorchin chë

chin, chay’è, vèré, adon, n~arây’in pardjû, na grant’a valeu, dé noutri Janfian 1

1 m’in chevëgn’è onkouo proeü di fèchprèchon, de shioeü dé Primple û, de Dâdon! … Chin l’érè mi kè…konkrè ! Chin i no fajaï kafoulâ dé rire…

Mi to chln tsandze,è chè pé! Mîme la rèlijyon,i daïtsandzë,i daï ch’adaptâ,…û,adon i charè dabouo dèfouotaite!… Vouo vaïd’è. i l’è fran pâ éjâ…. li rèjan d’on yâdze, l’on inpatsâ li maïnô di j’ék-oule,.,. dè prèdzë le patoué- è vouor »a…shioeü dè la radijô, i m’on démandô dè fir~è le chonnon- .. in franché!!! Adon, kè fir’è .

Traduction :

Mes chers d’ici et d’ailleurs,
Les organisateurs m’ont demandé de faire un sermon ici aujourd’hui.

Ça me fait tout drôle de revenir ici, où j’ai sermonné et gesticulé pendant plus de dix ans. Je suis en train de voir que ce que j’ai semé, eh bien n’est pas tout perdu.

Moi (YE) j’ai appris la religion avec maman et grand-maman: Celle-ci . (Chtèche) me racontait des histoires sur la vie des martyrs, qui me faisaient parfois dresser les cheveux sur la tête.

A part un ou deux villages, aujourd’hui le patois est presque en train d’agoniser (rankouo)

Heureusement, des gens ardents et courageux se bougent pour maintenir en vie le patois. Mais , je crois (kreye) qu’il est déjà presque trop tard. Dommage! Parce que nous avns perdu une grande valeur léguée par nos ancêtres(j’anfian)

Je me souviens encore des « expressions » de ceux de Premploz ou de Daillon . c’était concret et me faisait éclater de rire (kafoula).

Mais tout change et se perd (pé). Même la religion change et doit s’adapter, ou alors ce serait vite délaissée (défouotaite).

Vous voyez, ce n’est vraiment pas aisé(éjâ). Les régents , il y a une centaine d’années , ont empêché les enfants (maino) des écoles de parler le patois. Et aujourd’hui, on me demande de faire un sermon, à la radio, heureusement en français. Alors que faire ?

Homélie en français :

Où situer cet Evangile de Luc que nous venons d’écouter ? Jésus est en marche vers Jérusalem. Le texte précise que des grandes foules faisaient route avec lui. C’est une montée non pour être couronné roi, comme beaucoup d’enthousiastes le souhaitent, mais une lente montée vers sa Passion annoncée, vers sa mort atroce, et son exode, comme il est dit dans le réciter de la Transfiguration. Alors que les trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean sont sidérés de la fulgurance du visage de leur Maître sur le Thabor, lui, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de son départ de son exode.

Aussi cette pensée devait l’accompagner . Alors se retournant, il tempéra l’enthousiasme de cette foule en leur donnant des conditions précises pour être son disciple. Jésus s’adresse à tout le monde, donc aussi à nous aujourd’hui. Il faut y réfléchir car c’est à prendre ou à laisser.

Si quelqu’un vient à moi… Les paroles de Jésus sont tranchantes comme une épée. Elles sont aussi comme un exode, c’est-à-dire à la fois un arrachement à notre terre et une délivrance, une libération à la manière de l’Exode de l’Egypte. On se souvient combien les Israélites râleurs regrettaient souvent les oignons d’Egypte, quand ils marchaient dans le sable à perte de vue. L’Exode était une libération de l’esclavage où ils devaient fabriquer des briques sous les fouets des gardes-chiourme.

Alors quelles consignes Jésus donne-t-il à celui qui veut être son disciple ?

La première, vous l’avez entendue c’est un arrachement aux liens de la famille.

Il s’agit de préférer le Christ, à son père, sa mère, ses sœurs, et même à sa femme et à ses enfants.

Christ, premier servi toujours et partout…

La famille est très belle. C’est le creuset où s’épanouit et se purifie l’amour entre les humains. C’est même un commandement divin d’honorer ses parents. Mais le Seigneur sait aussi que la famille, si bonne soit-elle peut devenir accaparante et égocentrique et constituer un grand obstacle à la vie chrétienne.

Il le sait pour l’avoir expérimenté quand il débute sa mission, Il fut traité de fou par qui ? par sa famille qui voulait le ramener de force…

Que d’enfants, limpides comme des lacs de montagnes sont empêchés de pratiquer, de suivre sérieusement la catéchèse par le désistement des parents.

Le Seigneur sait ce qu’il dit : pour être son disciple, il faut s’arracher aux liens familiaux pour les vivre librement.

Un exemple glorieux de cet arrachement familial est celui de Sainte Perpétue de Carthage. J’ai même eu le bonheur de contempler le lieu de son martyre, du moins ce qu’il en reste.

Perpétue vivait en l’an 200 en Afrique du Nord. De naissance distinguée, mariée à un homme de condition, mère d’un enfant qu’elle allaitait encore, quand elle fut arrêtée parce que chrétienne se refusant de sacrifier à l’empereur.

Le premier qui lui fit une visite en prison fut son père qui chérissait sa fille et la supplia d’apostasier. Celle-ci écrivit elle-même ce dialogue pathétique.

Elle lui dit : « Mon père. Vois-tu ce vase, qui est là par terre?  » Oui, dit-il, je le vois ». « Peut-on lui donner un autre nom que celui qu’il a ? – Non ». Eh bien moi je ne puis me dire autre chose que chrétienne.

Son père païen s’en retourna furieux. Lors d’un nouvel interrogatoire du procurateur, son père lui apparut soudain portant le propre enfant de Perpétue et lui dit d’un ton suppliant :

Aie pitié de ton enfant, Aie pitié des cheveux blancs de ton père, sacrifie, renie. Elle répondit : Je ne sacrifierai pas, je suis chrétienne. Le juge alors prononça la sentence : Etre livrée aux bêtes du cirque. et être égorgée. C’est ce qui advint. Perpétue s’est arrachée aux liens familiaux pour suivre héroïquement le Christ

La seconde consigne est de porter courageusement sa croix, à la suite du Christ.

Porter sa croix c’est accepter tous les ennuis de la vie causés pour rester fidèle. Aller à contre-courant des opinions païennes qui nous entortillent si bien, accepter des moqueries par attachement au christ et détachement de l’esprit mondain. Vivre sa foi pour certains aujourd’hui tient du parcours du combattant.

Le regard et l’opinion d’autrui sont souvent paralysants.

Je vois encore ce garçon resté fidèle à la messe dominicale, alors que ses copines s’étaient émancipées. Un jour elles le surprennent sur le chemin de l’église et lui disent avec un sourire moqueur. Toi, tu vas encore à la messe ? Il rougit, disparut et je ne l’ai plus revu dans l’assemblée dominicale… Il y a des paroles ou des regards assassins. Suivre un Maître crucifié, c’est s’attendre à porter la croix comme Simon de Cyrène.

Troisième consigne : renoncer à tous ses biens. Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tous ses biens ne pouvez être mon disciple : parole du Seigneur.

Le Seigneur sait aussi à quel point la possession des biens est un obstacle sur le chemin.

Il s’agit ici de possession égoïste et non de gérance.

Ou plaçons-nous nos priorités, nos sécurités ? Dans les richesses insatiables. .

Si le Christ est tout, on ne peut aller à lui, encombré. Passer par le trou de l’aiguille, selon la parabole, exige tôt ou à la fin de se déposséder jusqu’au dernier atome. Evidemment un père ou une mère n’ont pas à vivre la renonciation aux biens indispensables, ce qui n’empêche pas d’apprendre la générosité envers tant de malheureux qui frappent nos boîtes aux lettres… On ne fait tout de même pas de poches au linceul qui recouvre les défunts.

Heureux les pauvres, c’est la première des béatitudes. J’admire ceux ou celles qui font le vœu de pauvreté : ils sont rayonnants et non fatigués de jalousie envers les possesseurs. Ceci n’empêche pas d’avoir de petits riens auxquels on tient, telle cette sœur qui collectionnait dans une boîte des ficelles inutilisables ! Ou cet autre religieux mort avant d’avoir pu classer ses milliers d’étiquettes de sortes de vins… il pouvait toujours répondre que c’était pour le bien de sa communauté.

En bref, on ne peut pas nous arracher aux liens familiaux, à tous ses biens, si on n’a as le feu sacré, le feu du Saint Esprit qui nous inspire à aimer Jésus, notre Seigneur, à le préférer à tout si nécessaire, ce qui suppose parfois prendre sa croix, son exode de libération vers le bonheur qui ne s’use pas auprès de notre Dieu Père. Amen

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