Messe de MINUIT

Adrian Ackermann, théologien laïc, à l’église de la Trinité, Berne, le 24 décembre 2010
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Tite, 2, 11-14; Luc 2, 1-14 – Année A

 

Chers enfants, chers frères et sœurs présents ici ou devant votre écran de télévision,
En se promenant ces derniers jours dans les rues de nos villes on a pu voir en plusieurs endroits cette image de Noël très célèbre: elle représente l’adoration des trois rois, qui est une reproduction d’un chapiteau taillé dans la pierre en l’église d’Autun en Bourgogne.
On voit les trois mages avec leurs présents qui se tiennent devant l’Enfant Jésus assis sur les genoux de sa mère. Détail savoureux, l’enfant, curieux, soulève le couvercle du coffret du premier roi pour voir ce qu’il lui a apporté. C’est avec la même curiosité que d’autres ont ouvert leurs paquets cadeaux ce soir.
Marie, l’enfant, les mages, tous sont là, mais il manque quelqu’un. Qui ça ? Joseph bien sûr.
Mais il est impossible de voir Joseph. Car il est assis dans son coin, les jambes serrées et la tête entre les mains, en état de méditation. Ce n’est pas quelque chose de spécial. Sur beaucoup de reproductions de la Nativité, Joseph est assis au second plan, apparemment détaché et comme perdu.
Pauvre Joseph, l’histoire ne t’a pas gâté, elle t’a fait apparaître en marge de l’histoire du salut.
Pour moi, c’est tout à fait injuste et le récit de la Nativité dans l’évangile de Matthieu le montre bien.
Cette histoire de Noël d’un autre genre ne présente pas comme acteurs principaux des anges joyeux, des bergers jouant de la flûte et des parents pauvres mais si heureux. Au contraire, elle présente une profonde tragédie humaine.
La tragédie d’un fiancé profondément déçu dans son espérance, la tragédie d’une jeune fille déboussolée par la force du destin ou par la volonté de Dieu.
Marie devait avoir entre 14 et 16 ans au moment de la naissance de Jésus, comme cela était courant à cette époque.
Cette histoire de Noël me plaît particulièrement car elle est tellement humaine. Qui ne pourrait pas comprendre que Joseph, dans sa déception, veuille vraiment répudier Marie ?
Qui d’entre nous serait prêt, dans un cas pareil, à dire oui à l’enfant ? Dans son rêve, Joseph s’est souvenu de la sagesse des prophètes et y a puisé de la confiance et de la force. Et il s’est forgé une décision de laquelle tout découlait pour Marie et l’enfant.
Cette décision de Joseph est admirable et courageuse, mais tout aussi sublime est la volonté de Dieu de faire dépendre tout l’avenir de son fils et ainsi toute l’œuvre du salut de la décision d’un seul homme.
Que nous ayons de la difficulté ou non avec cette naissance mystérieuse n’est pas vraiment important.
Ce qui est important, c’est de reconnaître que Dieu accomplit par Jésus quelque chose de tout à fait nouveau, il crée l’homme nouveau, l’homme réconcilié.
Dans son récit de la Nativité, Matthieu utilise le mot Genèse, un mot qui provient du début de la Bible, au moment où Dieu crée le ciel et la terre, les animaux et les humains. De la même façon qu’il a tout créé au commencement, Dieu a créé en Christ l’homme nouveau et c’est là l’œuvre de l’Esprit saint au moment de cette naissance.
Au centre du récit de la Nativité de Matthieu, trois choses apparaissent : l’appel de Dieu à Joseph, un homme à l’espoir déçu; la foi et la confiance de Joseph et en troisième lieu – et c’est là l’essentiel – la décision de Joseph en faveur de sa fiancée et de son enfant. Joseph est la figure centrale de cette histoire de Noël et il devient ainsi une figure exemplaire pour nous tous.
L’appel de Dieu nous est aussi adressé, au milieu de notre vie et de notre quotidien, l’appel à donner nous aussi une chance à l’homme nouveau, sauvé, et à un nouveau monde plus juste. La décision est toujours la même : est-ce que je me tourne uniquement vers moi-même ou est-ce que je fais de la place à Dieu dans ma vie?
Pour les uns c’est plus facile, à savoir ceux qui ont peu ou qui n’ont pas grand-chose à dire, pour d’autres c’est plus difficile.
Celui qui fait le choix de Dieu prend des distances avec une société qui tourne de manière toujours plus extatique sur elle-même et les veaux d’or actuels.
La décision nous appartient et c’est le sens de la question de Jésus au jeune homme riche : veux-tu me suivre ou continuer à danser?
Par ailleurs, c’est aussi la question adressée à Joseph : est-ce que tu veux rester campé sur tes droits, renvoyer la femme et l’enfant ou bien vas-tu dire oui aux chemins mystérieux de Dieu?
Dieu veut devenir homme en toi comme il s’est déjà fait homme dans la femme enceinte et fragile, dans l’affamé, le réfugié, le drogué, le malade ou le mendiant de la rue, bref dans tous ces humains qui se tiennent en marge comme Joseph sur notre représentation.
Si Joseph avait simplement cru, rien ne se serait passé. Mais Joseph a agi selon sa foi. Il a pris parti pour le faible et ainsi Marie et l’enfant ont eu un avenir et Dieu a eu un avenir.
Celui qui croit et agit selon sa foi, celui-là donne à Dieu la chance de se faire homme aussi aujourd’hui.
Amen.

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