Messe de l’Epiphanie

Abbé Roland Häfliger, à l’église du Sacré-Coeur, Lenzburg, le 8 janvier 2012
Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12 – Année A

 

Une lumière est apparue aux mages de l’Orient. Ils ont découvert une nouvelle étoile.
Très rapidement, ils ont décidé de se mettre en chemin, de suivre l’étoile, de quitter leur environnement habituel et sortir dans la nuit noire, illuminés par la lumière du firmament, qui les a conduits et à qui ils ont fait confiance.
Adoration des Rois mages, Cappadoce, XIIe siècle. [Wikipédia]
Cette nouvelle étoile a rendu possible une rencontre entre trois types de rois, avec trois façons différentes d’exercer le pouvoir.
Commençons par le royaume où le pouvoir exercé est celui de la sagesse. Les mages de l’Orient en sont les représentants. Ils observent la nature, la nuit, le firmament. Ils lisent des livres saints, ils sont intelligents et bien formés. Ce ne sont pas « des idiots compétents » qui se laissent enfermer par ce qu’ils connaissent déjà, qui ne s’en tiennent qu’à ce qu’ils comprennent et analysent ou ce qu’ils sont à même de compter.
Une vraie sagesse peut s’émerveiller de ce qui est inconcevable, mystérieux, par une nouvelle étoile qui les met en mouvement, on ne sait ni comment ni pourquoi.
Une vraie sagesse se laisse bouger en dehors du laboratoire, d’une salle d’études. Depuis un dos d’un chameau ! Laissant tous les livres et les instruments à la maison.
Une vraie sagesse sait que la vérité peut aussi se trouver complètement ailleurs, bien loin, dans un autre pays, au sein d’un autre peuple, et même dans une autre religion.
Une vraie sagesse est conduite par un profond désir, l’attente du salut pour tous les hommes, le désir d’une vraie lumière pour tous.
Cependant, toute sagesse qu’elle soit, une sagesse humaine ne s’interdit pas de penser de manière très humaine quand même. C’est ainsi que les mages commence par se rendre à Jérusalem dans le palais royal ostentatoire pour chercher le vrai roi, le messie.
Et là ils rencontrent alors un deuxième type de royaume, où le pouvoir s’exerce par la force, le pouvoir de la tyrannie et de la terreur : Hérode le Grand. Le royaume d’Hérode est un royaume qui ressemble à notre monde, on lit le journal, on regarde la télé. Un monde dans lequel les hommes se dominent les uns les autres et parmi eux, quelques-uns ne sont rassurés que lorsqu’ ils en tourmentent d’autres. Pour ceux qui possèdent le pouvoir comme Hérode, les êtres humains ne sont que de la marchandise, des pions, que l’on déplace ici ou là, que l’on dresse avec le fouet de la peur, que l’on force à obéir.
C’est un monde qui trahit l’essence de l’être l’humain. Pourtant il nous apparait normal, si horriblement normal qu’aucune nouvelle du téléjournal ne nous fait bondir de notre fauteuil.
Ce royaume de l’abus arrogant du pouvoir, on ne le trouve pas seulement chez les puissants de ce monde. Non, il se niche aussi dans notre propre cœur, nous domine partout où nous considérons les autres comme de la marchandise, comme moyen pour notre fin, que ce soit dans notre famille, à notre travail ou dans nos loisirs. Des sortes de Mini-Hérode. La religion n’est pas épargnée par eux. D’ailleurs Hérode lui-même utilise la religion comme moyen de pression. Hérode prétend aux trois rois mages qu’il souhaite lui-aussi adorer l’enfant-roi et les envoie à Bethléem.
Et là se trouve le troisième type de royaume, le pouvoir du sans-pouvoir, de l’impuissance. Le royaume d’un enfant sur la paille, le royaume de l’étable.
Dieu n’a mis en valeur ni la sagesse, ni le savoir avec son royaume et encore moins le pouvoir arrogant de la tyrannie. Non, Dieu a donné son royaume à ce qui ne vaut pas grand-chose dans le monde : la pauvreté, la faiblesse, les petits.
Le Dieu tout puissant choisit l’impuissance d’un enfant, le fort sera faible, le grand petit, le riche pauvre. Ça c’est le royaume de Dieu, le royaume qui n’est pas de ce monde. La toute-puissance de l’impuissant, la toute-puissance de l’amour.
Hérode le roi de la terreur va envoyer l’épée contre le royaume de Dieu en tuant les enfants à Bethléem.
Les trois mages, les rois de la culture, de la sagesse et du savoir vont s’agenouiller devant cet illettré, devant cet enfant couché dans une mangeoire.
Ils font confiance à l’étoile qui reste et prennent en compte ce qui est inconcevable : un roi dans une étable, le messie, le sauveur pour tous dans une mangeoire.
Ils vont ainsi être capables de deviner les intentions de la tyrannie, la démasquer et, comblés de cadeaux, ne pas retourner chez Hérode en choisissant de repartir par un autre chemin.
Les mages de l’Orient doivent aussi être pour nous des modèles.
Soyons nous aussi ouverts à ce qui n’est pas concevable, à la lumière qui nous oriente pour trouver l’enfant, masquée par la tyrannie – même en nous-mêmes, et croire que ce royaume d’un autre monde confère de la dignité aux pauvres et aux faibles, aux victimes du monde.
(Traduction : Evelyne Oberson)

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