Messe télévisée de la fête de la Sainte Trinité

 


Abbé Claude Ducarroz, à l’église Saint-Jean, Vevey, le 10 juin 2001.

Lectures bibliques : Proverbes 8, 22-31; Romains 5, 1-5; Jean 16, 12-15

I. Samedi 12 mai dernier. A la faveur d’une petite semaine de vacances de Pâques – quelque peu retardées -, je me trouvais au Maroc, plus exactement à Marrakech. Je visitais l’ancien quartier juif de cette ville magnifique en compagnie de quelques amis lorsque soudain, sur le trottoir d’en face, un monsieur se met à crier, en s’adressant visiblement à nous : »Allah est grand et Mahommed est son prophète. Dieu seul est Dieu. Il est le Dieu unique. Il n’a pas engendré, il n’a pas de fils. Seuls ceux qui croient au Dieu de l’Islam peuvent être sauvés ».
Cet homme sincère voulait sans doute nous offrir une dernière chance de salut. Il nous proposait vigoureusement de croire au Dieu unique en polémiquant contre le Dieu des chrétiens, contre le Dieu-Trinité.
Nous croyons que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit. Il n’est pas mauvais qu’au détour d’un chemin de vacances – je l’eus souhaité avec moins d’agressivité – quelqu’un remette en question notre foi et nous invite à retrouver les sources vives qui nous font croire, espérer, aimer.

II. Dieu est Trinité. C’est un mystère qui nous dépasse et nous dépassera toujours. Nous ne pouvons que le contempler de loin dans un regard priant; nous ne pouvons essayer de le comprendre et, si possible, de l’expliquer, qu’avec une très profonde humilité.
Seul l’Esprit de vérité peut nous guider vers la vérité toute entière, vers la vérité trinitaire (Cf. Jn 16,13). Parce que cet Esprit a été répandu dans nos cœurs (Cf Rm 5,5), parce qu’il reprend ce qui vient de Jésus pour nous révéler le Père (Cf. Jn 16,15), il nous est permis de balbutier quelque chose sur les profondeurs divines. A genoux, en tremblant, en admirant, en rendant grâces.

III. Il n’y a qu’une manière d’entrer quelque part en Dieu, c’est de frapper à la porte de l’amour, l’Amour qu’Il est. Dieu EST Amour, répète l’apôtre Jean (Cf. I Jn 4,8 et 16).
Parce que Dieu est Amour, il n’est pas un solitaire éternel, il n’est pas un divin célibataire esseulé. Il y a en lui, à l’infini certes, le mystère de l’amour, de tout amour : quelqu’un qui aime, comme source de vie, quelqu’un qui est aimé et rend son amour à sa source, et le fruit savoureux de cet amour réciproque. Il y a le Père, il y a le Fils, il y a l’Esprit (Cf Mt 28,19).
Bien sûr, nous les nommons avec nos mots humains – comment faire autrement ? Bien sûr, il faut imaginer ses relations fécondes dans l’unité parfaite, dans l’éternité toujours immédiate, dans l’égalité de la majesté. Autrement dit en effaçant de notre esprit l’espace et le temps, en découvrant, tant bien que mal, la trinité des personnes dans la communion de la nature divine, une, unique, unie.

IV. Ceci étant précisé, en demandant pardon d’oser le dire, avec la seule excuse de la révélation par Jésus-Christ, nous devons atterrir avec ce mystère divin dans nos réalités terrestres et quotidiennes. Ou alors la Trinité ne sert à rien. Elle devient une obscure algèbre pour théologiens spéculatifs, une énigme pour initiés mystiques.
Or, que Dieu soit Trinité, ça change tout pour nous, ici et maintenant.

– Parce que Dieu est Trinité, nous comprenons que la plus belle image de Dieu en ce monde, ce sont l’homme et la femme ouverts sur l’enfant. « Faisons l’homme à notre image », dit Dieu. Et il le créa homme et femme en leur disant : »Croissez, multipliez » La famille humaine, c’est un merveilleux décalque de la Trinité sur cette terre (Cf Gn 1,26-28)

– Parce que Dieu est Trinité, l’Eglise est une communion. Baptisés en son nom, nous ne pouvons accueillir la révélation du mystère de Dieu, nous ne pouvons en vivre et en témoigner que dans l’expérience de véritables communautés d’Eglise. Là, l’unité et la diversité sont réconciliées dans l’amour fraternel. Elles rayonnent en joies, en célébrations, en prières, en fêtes.

– Parce que Dieu est Trinité, les hommes et les femmes, depuis toujours et même s’ils ne le savent pas, sont aimantés par l’amour, la solidarité, le dialogue, le partage. En un mot, en étant filles et fils de Dieu, ils sont enfants de la Trinité. Ils ne peuvent pas ne pas en laisser voir quelques traces, quelques silhouettes dans leur façon de vivre en famille, dans la cité, dans le travail, dans les loisirs, dans la vie de chaque jour.
Frère anonyme de Marrakech, avec tout le respect que je te dois, permets-moi de te dire à mon tour humblement – sans hurler – , cette bonne nouvelle qui est aussi pour toi : Dieu est unique, certes, mais Dieu est aussi Amour. Dieu est donc Trinité.

 

 

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