Messe du dimanche des Vocations et 4e de Pâques

 

Père Jean-René Fracheboud, Foyer Dents-du-Midi, Bex le 25 avril 2010
Lectures bibliques :
Actes 13, 14. 43-52; Apocalypse 7, 9-17; Jean 10, 27-30 – Année C

Au simple énoncé du mot « vocation »,
je vois des visages qui s’assombrissent et deviennent tristes et amères,
je vois des maisons qui se ferment, des séminaires qui se regroupent,
j’entends une litanie de lamentations plus défaitistes les unes que les autres.
Il n’y a plus de vocations ! Il y a moins de vocations ! …
et celles qui existent soulèvent beaucoup de questions.
Cela est vrai au moins chez nous, sous nos latitudes européennes et dans les pays les plus économiquement développés.

Est-ce que c’est cela que l’Eglise nous propose de fêter à travers ce traditionnel dimanche de prière pour les vocations, d’autant plus, au cœur d’une année sacerdotale ?
Est-ce que nous sommes rassemblés pour un enterrement de 1ère classe et pour un concert de jérémiades sinistres ?
Bien sûr que NON !

Votre seule présence ici, au Foyer « Dents du Midi », vous la vingtaine de couples accompagnés de vos enfants, vous retraitants d’un week-end venus pour approfondir votre vie de couples à la lumière de la foi et de Pâques, votre présence est un gigantesque démenti à une forme de catstrophe annoncée et programmée à plus ou moins long terme : la fin de l’Eglise !

« Il suffit d’un regard » est le thème de ce week-end d’approfondissement,
« Il suffit d’un regard » pour que tout change,
                                     pour que la perspective soit totalement transformée.
Vous en savez quelque chose vous les couples…
C’est ce que vous vivez tous les jours entre vous, avec vos enfants.
Il suffit d’un regard pour stopper une dégringolade de reproches, d’accusations, d’enfermement et pour retrouver une complicité positive, constructive d’échange, de dialogue, de compréhension mutuelle.
Il suffit d’un regard qui ENVISAGE l’autre pour que tout change et que tout se resitue dans une dynamique de vie, d’harmonie et de bonheur.
Entre le sommet le plus élevé – l’hymalaya de bonheur dont je rêve – et l’abîme catastrophique où la relation pourrait sombrer, il y a la petite, l’infime parcelle du moment présent, il y a mon regard qui, ou bien ouvre à quelque chose de constructif, ou bien génère une forme de poison destructeur.

Il suffit d’un regard…
Il suffit d’une parole…
Il suffit d’une pensée…
Il suffit d’une décision pour que ou bien le ciel s’ouvre ou bien l’enfer menace.
C’est impressionnant.
C’est vertigineux, dans une relation, de se dire que tout dépend d’un petit rien, d’une succession de petits riens. L’amour se joue à ce niveau-là.

N’en serait-il pas de même pour les vocations et la réflexion et la prière qui nous sont proposées aujourd’hui ?
Il suffit d’un rien, il suffit d’un regard, celui que le Christ est venu et vient inscrire dans la trame de notre histoire, encore aujourd’hui, surtout aujourd’hui au lendemain de Pâques.
Le regard de la foi nous pousse à dire que tout est en état de vocation, que tout est en situation de vocation.
Ca veut dire que le monde, les êtres, l’histoire, le cosmos ne sont pas posés dans l’existence comme ça, arbitrairement, sans raison, mais que tout ce qui existe est saisi, traversé par un projet d’Amour, un projet grandiose, un projet fou, celui de Dieu qui se donne dans sa création, dans ses créatures et qui oriente tout vers une destinée de lumière et de bonheur.
Parler de vocation, c’est parler d’une attraction de grâce, c’est parler d’une passion amoureuse de Dieu à faire surgir la VIE et l’AMOUR au cœur de notre histoire.
Le Christ ressuscité est venu sceller définitivement la victoire du projet de Dieu.
Désormais, rien, ni personne, ni la mort, ni les échecs apparents, ni les évolutions sociologiques, ni les sentiments d’impuissance, ni les pâles figures de certaines de nos communautés ne pourront empêcher le Seigneur d’entraîner toute l’humanité vers l’accomplissement final. La vie en vocation de bonheur a réussi et réussira.

Il reste bien sûr deux choses inconnues sur ce fond apaisant de certitude :
c’est le choix de nos libertés – nos réponses – et c’est la dimension pascale de toute vocation.

Le Seigneur ne nous sauve pas en notre absence. Il y a toujours un appel qui retentit.
Il s’agit de l’entendre au plus profond de notre être.
La lecture des Actes des Apôtres d’aujourd’hui est très claire : c’est le refus des auditeurs juifs de Paul et Barnabé qui ouvre aux « païens » l’espace de l’Evangile :

«  C’est à vous d’abord qu’il fallait adresser la Parole de  Dieu.
Puisque vous la rejetez
et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle,
eh bien ! nous nous tournons vers les « païens ».

La Parole qui ouvre l’espace de la vie et de la vocation ne peut être mise en échec.
Elle est incompressible…. elle jaillira ailleurs, autrement…

Même écho dans l’Apocalypse évoquant la joie éternelle des rachetés :

« Ils viennent de la grande épreuve ;
 ils ont lavé leurs vêtements ;
 ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau ».

Il ne faut pas que ceux et celles qui suivent le Christ, qui répondent à leur vocation, s’imaginent un parcours linéaire, sans histoire. Ce chemin passe inmanquablement par la croix, par le désert, par la nuit.
Le Berger qui nous guide est l’Agneau égorgé.
Sûrement que ce que nous vivons en Eglise aujourd’hui à propos des vocations est de l’ordre de la croix, de cette épreuve incontournable.
Il nous provoque à un sursaut d’audace, d’enfouissement, de dépouillement,
de recentrement sur le VISAGE du Christ. Il est le Bon pasteur. Il est le Vrai Berger.
Il suffit que son regard rejoigne le nôtre pour qu’un appel naisse ou renaisse.

Toute vocation a quelque chose à voir avec une forme de matrice originelle qui comprend trois choses, selon l’Evangile de St Jean :
                                               un REGARD, une VOIX, une MAIN.

« Mes brebis écoutent ma voix
moi, je les connais et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle :
jamais elles ne périront,
personne ne les arrachera de ma main ».

Tout est dit, tout est là,
toute vocation prend sa source et se renouvelle dans cet espace de vie.
Nous sommes brebis, dans la mesure où nous demeurons à portée de voix, à portée de main, à portée de regard du Christ, le vrai berger.

C’est dans ce triangle : VOIX-MAIN-REGARD, que nous avons à planter la tente de nos vocations respectives et à retrouver le dynamisme et la sérénité de l’espérance.

Il suffit d’un regard…

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