Messe du dimanche de la Mission

 

Soeur Marie-Gabrielle Bérard, à l’église St-Michel, Martigny, le 22 octobre 2006
Lectures bibliques : Isaïe 53, 10-11; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45 – Année B

Célébrant : Jean-Michel Girard

« Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi ». Cette parole de Jésus éclaire magnifiquement notre dimanche de la Mission. Elle corrige de fausses images que nous pouvons avoir quand nous parlons des missionnaires.

Sœur Marie-Gabrielle Bérard, supérieure générale des sœurs Ursulines de Sion, se dit volontiers « missionnaire en Suisse et missionnaire itinérante en Afrique tropicale ». Elle vient de rentrer de Côte d’Ivoire et partage avec nous ce qu’elle vient d’y vivre.

Sr Marie-Gabrielle

Chers frères et sœurs,
Mon dernier séjour en Côte d’Ivoire, en août septembre, a coïncidé avec l’affaire des déchets toxiques dont vous avez eu des échos. Combien de questions j’ai entendues, là-bas et ici :

– Qui a ouvert le port d’Abidjan au bateau pollueur ?

– Quelle société s’est enrichie dans le déchargement du navire, etc.
Mais avons-nous posé les vraies questions ?

– D’où provenaient ces déchets ?

– Quels pays sont impliqués dans cette affaire ?
Ne cherchons pas d’abord qui s’est laissé corrompre mais plutôt qui a corrompu ? Ainsi, nous rejoignons l’Evangile : malheur à celui qui se sert lui-même au lieu de servir ses frères.

Jésus, venu parmi nous « pour servir » nous demande de poursuivre sa mission aujourd’hui : »Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Regardons comment agissait Jésus ? Le soir, il se retirait dans la solitude pour prier le Père mais le matin, il traversait les campagnes, il entrait dans les villes, à la rencontre de chacun : il bénissait les enfants, consolait la veuve de Naïm, enseignait ses auditeurs, guérissait tous les malades.
La mission universelle, c’est Jésus qui l’a commencée. A nous, baptisés, il demande de rendre présent son Amour par notre manière de vivre, proche des autres.

Souvent, les personnes qui souffrent se montrent les plus attentives. Pendant la guerre en Côte d’Ivoire, combien j’en ai vu qui ont apporté de l’huile, une cuvette de riz, quelques ignames pour les populations déplacées ? Les gens se réfugient dans des campements précaires sur les champs pour échapper aux dangers des villages ou des villes, souvent pillés. Après des mois de vie difficile, des maladies réapparaissent. La lèpre resurgit, la tuberculose regagne du terrain, sans parler des ravages du SIDA.
Au dispensaire, je rencontre une petite fille de deux ans, toute recroquevillée, les poings fermés. Doucement, l’infirmière déplie ses doigts : la gale les envahit et la petite ne pleure même pas. A la campagne comme à la ville, bien des gens mangent mal, manquent de soins, de médicaments, souffrent de la pauvreté, ne peuvent plus envoyer leurs enfants à l’école … Toute une société dégénère.
Comment se fait-il que cette situation « ni paix, ni guerre » mais « insécurité et précarité » continue à sévir en tant de pays du Sud, surtout en Afrique ? Les gens en sont fatigués, même les militaires sont fatigués, sauf peut-être certaines forces d’occupation qui vivent de ce métier. Comme dans les romans policiers, il faut chercher à qui profite le crime … On en vient toujours à des intérêts économiques. Il n’y a que deux voies : Dieu ou Mammon, « servir ou se servir ! »
Dans ces situations de difficulté vitale, j’ai découvert une foi en Dieu émouvante. Tous croient en un Etre suprême, même s’ils ne lui donnent pas le même nom. L’homme n’est pas la mesure de toute chose. Il y a Quelqu’un, une Force plus grande qui passe l’homme.
Le matin, au réveil des coqs, les muezzins appellent les musulmans à la prière. A partir de 6 heures, les communautés paroissiales célèbrent une messe fervente qui rassemble les gens avant le travail. A midi, sur le Plateau d’Abidjan, l’église proche des bureaux des Ministères, s’emplit de fonctionnaires cravatés. Combien m’ont dit : « ma Sœur, priez pour la paix ». Souvent, la messe s’achève par une prière pour la patrie, composée par les évêques. En voici un passage :
« Seigneur … pardonne à ceux qui activent les tensions et le pouvoir par tous les moyens au mépris de la dignité de la personne humaine et de l’intérêt de la Nation. »

Visiblement, l’Evangile de ce jour a inspiré les évêques quand ils parlent de ceux qui recherchent le pouvoir, qui pillent le pays, qui se servent plutôt que de servir…

Ce qui me frappe dans ces situations difficiles, vécues par tant de frères et sœurs, c’est l’espérance joyeuse qui anime leurs célébrations. Le 2 septembre, à Yamoussoukro, j’ai reçu la profession perpétuelle de 5 Sœurs Ursulines. Je voyais des visages rayonnant de joie : en costumes traditionnels de mariage, les parents et les familles exprimaient devant tous, le sens d’une consécration à la suite du Christ.
Le 23 septembre, j’ai participé à l’intronisation du nouvel Evêque de Yamoussoukro. En bon Pasteur, Mgr Joseph AKE s’est adressé à la foule : « Chrétiens, musulmans, animistes, adeptes des religions traditionnelles, non croyants, hommes et femmes, enfants, jeunes et vieux … je viens vous apporter l’Evangile de Jésus Christ qui est bonne nouvelle pour tous ; l’évangile nous invite à l’amour, à la paix, à la joie, à la solidarité, à la fraternité, au partage. Je viens donc pour expérimenter avec vous le programme de vie que nous propose Jésus … »
Chers frères et sœurs, vivre la mission, n’est-ce pas pour nous aussi, en Suisse comme partout, « expérimenter le programme de vie que nous propose Jésus » ? Alors, nous répondrons au souhait de la chorale dans le chant d’entrée : « Etre, avec le Christ, serviteurs de l’Evangile pour le monde ».

 

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