Messe du 5e dimanche de Pâques

 

 

Frère Masseo Caloz, Capucin, au Séminaire Valaisan, Givisiez, FR, le 13 mai 2001.

Lectures bibliques : Actes 14, 21-27; Apocalypse 21, 1-5; Jean 13, 31-35

On pourrait être surpris par le choix de l’évangile qui vient d’être lu : en effet, alors que nous célébrons le cinquième dimanche après Pâques, la liturgie nous propose un passage emprunté au dernier discours de Jésus, juste avant sa Passion. Ainsi en plein Temps pascal, nous sommes ramenés, dans les heures qui précèdent immédiatement la mort de Jésus.

Pourtant ce choix liturgique est riche d’enseignements et de significations. Par là, la liturgie nous rappelle l’unité de tout le mystère pascal. Ce que nous avons célébré depuis le Jeudi-Saint et que nous continuons à célébrer jusqu’à la Pentecôte ne forme qu’un seul et unique mystère : celui de l’amour inouï de Jésus et du Père pour nous. Ce mystère, nous l’abordons successivement sous différentes facettes, mais c’est toujours le même : la révélation de l’amour de Jésus pour nous, tel qu’il s’exprimait déjà dans l’Institution de l’Eucharistie ou, chez saint Jean, dans la scène si expressive du lavement des pieds; cet amour que Jésus a vécu concrètement dans les événements du Vendredi-Saint. Mais aussi révélation de l’amour du Père qui répond à celui de Jésus par la Résurrection et par le don de l’Esprit. Et tout cela pour nous, comme nous le rappelle saint Paul dans la Lettre aux Romains : Jésus Christ, livré pour nos fautes, ressuscité pour notre justification (Rm 4, 25).

De cet amour de Dieu, la liturgie de ce Dimanche nous invite à contempler plus particulièrement deux aspects : la glorification de Jésus et du Père et le commandement nouveau que Jésus nous a laissé.

Maintenant le Fils de l’Homme est glorifié et Dieu est glorifié en lui dit Jésus au moment où, par le départ de Judas, la Passion commence. Quand la Bible nous parle de gloire ou de glorification, ces termes ont alors un contenu bien différent de celui que nous leur donnons habituellement. Pour nous, la gloire de quelqu’un, c’est sa célébrité, la renommée, plus ou moins fondée qu’il a, le prestige qui l’entoure.

Pour la Bible, la gloire n’appartient qu’à Dieu; elle est la manifestation de sa sainteté et de tout son être. Quand Dieu se glorifie, il se révèle. Une manifestation que nous pouvons découvrir dans la création, mais qui éclate surtout dans l’histoire de Dieu avec son peuple.

Ainsi pour saint Jean, la croix de Jésus devient le lieu par excellence, où se révèle, pour celui qui croit, le véritable visage de Dieu. La croix, c’est-à-dire la mort et la Résurrection de Jésus, est la révélation de l’amour inouï du Père qui, comme le dit saint Jean a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne se perde pas, mais ait la vie éternelle (Jn 3, 16). C’est aussi et en même temps, la révélation de l’attitude filiale de Jésus qui se remet entièrement aux mains du Père, exprimant ainsi, de la manière la plus parfaite, ce que devrait être le comportement de chacun de nous, de chaque homme face à Dieu : une attitude d’ouverture, d’offrande totale et de confiance qui lui permette d’accueillir la vie même de Dieu.

La deuxième parole de l’évangile de ce jour résume en une phrase le testament que Jésus nous a laissé : Je vous donne un commandement nouveau et il ajoute : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés; ce qui pourrait se traduire aussi par : « de l’amour dont je vous ai aimés, aimez-vous aussi les uns les autres ». Malheureusement en français le verbe « aimer » a une signification très large – et très vague -on peut l’employer, comme on le dirait familièrement « à toutes les sauces » : on peut dire j’aime les fraises ou la musique; j’aime mes parents ou un ami, j’aime Dieu.

D’autres langues sont plus riches sur ce point que le français et elles disposent de plusieurs mots pour parler de l’amour, suivant qu’il s’agisse d’un amour qui ramène tout à soi ou d’un amour qui est, au contraire, tourné vers l’autre. Et pour parler de l’amour, au sens où Jésus l’entend dans ce passage de l’évangile, on dirait par exemple : vouloir le bien de l’autre, être prêt à se sacrifier pour l’autre.

Aimez-vous les uns les autres nous dit Jésus; il parle ici de l’amour dont devrait témoigner toute communauté chrétienne, un amour simple mais vrai, capable de transformer les rapports que nous avons les uns avec les autres. Un amour qui n’aurait pas besoin d’explication, mais qui pourrait transparaître au quotidien, sans vouloir donner de leçon à qui que ce soit.
Voyez comme ils s’aiment pouvait-on dire des premières communautés chrétiennes et ce témoignage de vie a été, nous le savons, une des causes du rayonnement extraordinaire de l’évangile dans un monde qui n’était pas
plus facile ni plus ouvert au message de Jésus, que celui que nous connaissons aujourd’hui.

Jésus ajoute : Aimez-vous … comme je vous ai aimés, c’est-à-dire en ne mettant aucune limite à cet amour. Un amour qui s’étend à tous sans exception et qui peut aller, le cas échéant, jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême du don de soi.
L’amour dont parle Jésus dépasse donc tout amour humain, même le plus généreux. Il prend modèle sur celui de Jésus, lui qui pouvait dire : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15, 13).

Aimez-vous comme je vous ai aimés. Dans le langage de l’évangéliste, ce « comme » est beaucoup plus qu’une comparaison. Certes l’amour de Jésus est le modèle du nôtre, mais il en est surtout la source. Ce que Jésus demande, dans ce passage d’évangile, ne peut être vécu que dans la mesure où nous acceptons de recevoir en nous, de laisser passer en nous, l’amour que lui-même nous donne.

Cet amour est donc moins un commandement que l’on devrait suivre qu’un don qui nous est fait et qu’il nous faut savoir accueillir.

 

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