Abbé Léonard Kamalebo, à l’église Saint-Pierre, Yverdon, 29 avril 2001. Lectures bibliques : Actes 5, 27-41; Apocalypse 5, 11-14; Jean 21, 1-9 |
Chers aînés, chers paroissiens et paroissiennes, vous tous qui nous rejoignez ce matin sur les ondes de la Radio Suisse Romande, et chers enfants,
On rapporte que Mozart, tout petit garçon, quand il se produisait dans les salons de Vienne, se suspendait au cou des princesses qui l’admiraient et l’applaudissaient en leur demandant : « Est-ce que vous m’aimez vraiment ? »
Jésus, au lendemain de sa Résurrection, au lever du jour, après le déjeuner, nous précise Saint Jean, se tourne vers Pierre et lui adresse des paroles fort bouleversantes, lui demandant par trois fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? (…) m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21, 15). Serait-ce pour effacer, par là, les trois reniements de Pierre ?
Cette question grave que les fiancés (ceux qui se donnent, fiance, confiance) se posent l’un l’autre lors de leur engagement, Jésus nous la pose à chacun et chacune d’entre nous, aujourd’hui, dans le quotidien de notre vie : « Est-ce que tu m’aimes vraiment ? ». L’Amour, on ne peut répondre que par amour. Jésus se fait mendiant. Il a faim, non du menu du jour aux poissons des disciples, mais de leur amour. Il s’agit ici d’une question existentielle, une question de vie ou de mort. Il s’agit d’être aimé ou de n’être pas aimé. Sans quoi la vie ne vaut pas la peine d’être vécue.
Au matin de Pâques, Jésus nous demande une adhésion d’amour, non à des idées, mais à Quelqu’un de Vivant, Mort et Ressuscité, Homme et Dieu, Jésus-Christ. Croire, finalement, c’est la plus belle histoire d’amour entre l’homme et Dieu. La longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de notre foi, c’est la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de notre amour envers Jésus Ressuscité.
Il est frappant que cela soit Jean qui se dit lui-même : « le disciple que Jésus aimait » qui soit le premier à reconnaître cet Inconnu sur le rivage. « C’est le Seigneur ! » : le cœur de l’être aimé sent le divin amant et le reconnaît au moindre signe, au plus simple geste. Pierre est lent à re-connaître le Maître. Il doit l’entendre de Jean. Il sera aussi lent, en retard, pour arriver au tombeau. Seuls les yeux de l’amour voient mieux l’être aimé. L’amour ouvre les yeux de la foi. La foi comme l’amour c’est la connaissance de quelqu’un, la vie avec quelqu’un, l’engagement envers quelqu’un. Pour toujours.
Pierre après sa chute, comme Adam au Jardin d’Eden, se voit nu et cherche à cacher sa nudité. Il se revêt d’une tunique, nous dit Saint Pierre Chrysologne, et se jette à la mer comme pour s’y laver des souillures de son reniement. Ainsi revenu, quand Jésus va l’interroger par trois fois s’il l’aimait. Pierre dira OUI. Un oui inconditionnel. Il confessera sa foi au Christ Ressuscité. Il comprendra comme le dit si fort bien Saint Bernard que « la mesure d’aimer est d’aimer sans mesure. »
« Oui, tu sais bien que je T’aime. Tu sais tout, Tu sais jusqu’où mon amour envers Toi va : ses faiblesses, ses limites …, mais Tu sais que je T’aime. » Ce credo d’amour va l’amener plus loin, jusqu’au don total de lui-même. « Quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. Pierre deviendra responsable de Celui qu’il a apprivoisé (cf. Antoine de Saint-Exupéry). Il deviendra Responsable du troupeau, Responsable de l’Eglise, … Il suivra Jésus jusqu’au bout, jusqu’au témoignage du martyr. Oui, croire, c’est aimer. Et Pierre a aimé de tout son être.
Comme prêtre-aumônier, j’étais chargé d’annoncer à une dame le décès de son époux. Elle me dit : « Non, il ne peut pas mourir. Mais non Monsieur l’abbé, il ne peut pas mourir. Il ne mourra pas. Il ne mourra jamais. Je l’aime, je l’aime, je l’aime. »
Oui, puisque je l’aime, il ne mourra jamais (cf. Gabriel Marcel). L’Amour, nous dit Saint Jean, nous fait déjà passer de la mort à la vie. L’amour est définitif, éternel comme la foi qui reste un engagement sans retour pris en réponse à une parole donnée. La foi est une réponse d’amour à quelqu’un de vivant qui nous invite à s’engager avec lui pour la vie et contre la mort.
Redisons encore notre credo, notre amour au Seigneur, cet amour, comme le dit Charles de Foucauld, qui est exprimé avec peu de mots ; toujours les mêmes et toujours répétés. Amen.