Messe du 3e dimanche de l’Avent

Bâtir une civilisation de l’amour
Vivre et partager son temps comme un présent

 

Abbé Michel Salamolard, église Sainte-Catherine, Sierre, le 17 décembre 2000

Lectures bibliques : Sophonie 3, 14-18; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18

Que devons-nous faire ? Sous-entendu : pour nous convertir, pour grandir en enfants de Dieu, pour devenir plus humains, réussir notre vie et bâtir une civilisation de l’amour.
Si nous nous posons cette question, réjouissons-nous ! Elle signifie qu’un appel profond nous a touchés, que notre cœur est en éveil. C’est un peu comme si notre conscience avait reçu la visite d’un ange. L’ange des bonnes questions !
A nous de chercher les bonnes réponses. Ce n’est pas toujours facile. Devant les problèmes du monde, nous nous sentons souvent désemparés. Que faire pour qu’il y ait plus de bonheur parmi les hommes ? Comment puis-je influencer le sort du monde, moi qui ne suis qu’un simple citoyen; moi, malade ou âgé; moi, jeune; moi qui ai déjà tant de peine à résoudre mes petits problèmes quotidiens ?

Oui, que devons-nous faire ? Personne ne peut répondre à la place d’un autre. Et pourtant, des gens viennent poser la question à Jean-Baptiste. Sans doute pas pour trouver des recettes toutes faites, mais pour nourrir leur réflexion et pour éclairer leur choix.
Spontanément, Jean-Baptiste les invite au partage concret des biens matériels : vêtement, nourriture. Dieu sait que ce partage-là reste important aujourd’hui et que nous sommes appelés, nous aussi, à le pratiquer davantage. Mais nous pouvons y ajouter un autre partage, celui des biens spirituels.

Vous connaissez le proverbe russe : « Partage ton pain, il diminue. Partage ta joie, elle augmente. » Ce dicton rejoint l’invitation pressante que Paul nous adresse aujourd’hui. Soyez dans la joie, nous dit-il. Et le psaume de renchérir : Laissons éclater notre joie, Dieu est au milieu de nous. Dans un monde si souvent triste et désabusé, ces paroles résonnent comme un cri prophétique.

Oui, nous le savons d’expérience, notre joie augmente quand elle est partagée. On pourrait dire la même chose de beaucoup d’autres richesses, que chacun possède, même le plus pauvre : nos bonnes idées, nos paroles d’amitié, notre espérance, nos bons souvenirs et nos expériences de vie. Tous ces trésors grandissent dans le partage.
Aujourd’hui, je voudrais attirer votre attention sur ce que nous avons de plus précieux. C’est tout simplement notre temps. Lui aussi s’enrichit quand nous le partageons. Le temps donné aux autres, c’est du temps gagné, du temps qui se transforme en joie de vivre.

Or, précisément, nous avons tous un immense problème avec le temps. Que de gens pressés, stressés, fatigués d’eux-mêmes et des autres ! Dans cette course affolante contre la montre, nous sommes perdants. Il faut parfois, hélas, un accident, une maladie, une déprime pour nous obliger à nous arrêter, à respirer, à prendre soin de nous.
Comment trouver un rapport meilleur avec le temps que nous vivons ? Notre foi suggère une première réponse, que nous sommes précisément en train de vivre. Prends du temps pour te jeter dans les bras de Dieu, pour te laisser aimer de Dieu, pour permettre à sa parole de vie de résonner en toi, profondément. Ouvre, dans tes journées et dans tes nuits, des plages de silence, où tu pourras te reposer en Dieu, comme une eau agitée se calme et retrouve sa transparence.
Quand tu sortiras de ces zones de silence et de prière, tu seras plus fort et plus serein pour remplir tes obligations sans panique, sans nervosité, sans peur. Le souvenir de Dieu, de son amour, t’accompagnera en tout ce que tu fais, comme une mélodie secrète dans ton cœur.

Tu deviendras plus disponible pour les autres : ta femme ou ton mari, tes enfants, tes amis. Tu apprendras bien vite que tu ne perds rien, au contraire, à leur donner un peu de ce temps précieux qui est le tien. Du temps pour les écouter et t’intéresser à eux, pour leur dire que tu les aimes ou, tout simplement, pour être avec eux.
Dans ton agenda, tu feras place à tes rendez-vous d’amitié, sans oublier les malades et les isolés. Pour ta propre joie, tu prendras du temps pour admirer la nature, te balader, lire un bon livre, rencontrer quelqu’un qui t’écoute et recharge tes batteries.

Petit à petit, tu ne seras plus embarrassé par ton passé ni obsédé par ton avenir. Tu habiteras le présent, rempli de tes bons souvenirs et de tes meilleurs projets. Le présent n’est-il pas le plus beau cadeau que Dieu te donne et que tu peux donner aux autres ? Un vrai présent, dans tous les sens du mot !

A Noël, Dieu est entré corporellement dans l’histoire, il est venu remplir le temps de sa présence. Jésus nous a donné et nous donne tout son temps, le temps de Dieu, autrement dit son éternel présent, temps d’un amour sans limite et sans fin.
Un jour, nous entrerons pleinement dans ce temps de Dieu que nous appelons l’éternité. Pour le moment, c’est l’éternité qui entre en nous, par l’Eucharistie que nous célébrons, par la Parole que nous accueillons, par l’Esprit d’amour qui nous transforme.

Le temps de notre vie n’a qu’un but : apprendre à aimer. Et, pour cela, apprendre à nous laisser aimer de Dieu. Ici et maintenant. Chers amis, prenons à pleines mains le bon temps que Dieu nous offre. Et demandons-lui la grâce de partager le nôtre avec nos frères. A pleines mains aussi.
Amen.

 

 

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