Messe du 2e dimanche de Carême et dimanche des malades

 

Abbé Bernard Jordan, à l’église Saint-Jean, Echallens, VD, le 4 mars 2007
Lectures bibliques :
Genèse 15, 5-18; Philippiens 3, 17-21; 4,1; Luc 9, 28-36 – Année C

 

Chers amis,

Lorsque nous rencontrons des personnes qui souffrent, combien de fois nous entendons de leur bouche ces deux petits mots « Pourquoi moi ? » Cette interrogation embarrassante et contraignante nous est proposée comme réflexion, cette année, par les initiateurs de la journée des malades en Suisse.

Oui, pourquoi moi ? Avouons tout simplement que nous ne pouvons pas répondre à cette question et que nous ne le pourrons jamais. Il faut du temps et beaucoup d’humilité pour accepter cette réalité.

Cependant, nous ne pouvons pas quitter, pour autant, la personne qui souffre et la laisser toute seule avec cette question lancinante.  Nous sommes invités à rester auprès d’elle, sans rien dire peut-être, nous regardant sereinement l’un et l’autre, muets, mais parfois et je dirais souvent avec un geste amical tout simple, celui qui nous vient spontanément, c’est-à-dire du cœur. Ainsi la solitude devient moins oppressante.

Je sais que, dans une telle situation, j’aurais pu combler le silence par quelques paroles qui m’habitent grâce à ma foi. Je vous en livre quelques unes :

 Dieu ne nous abandonne jamais…
– Dieu ne punit pas par une maladie  (quel Dieu serait-il ?)
– Nous sommes tous aimés de Lui d’une manière particulière
– Oui chaque prière est exaucée, mais à la manière de Dieu…
– Le bonheur est devant nous tous, qui que nous soyons,
nous marchons vers lui.
Et je pourrais continuer.

C’est vrai, toutes ces réalités me font vivre, j’y crois, mais je ne peux pas les dire tout de go comme ça. C’est d’une autre manière que le Seigneur nous attend quand Il nous dit « J’étais malade et vous êtes venus Me visiter. »

Dans son questionnement, la personne qui souffre, la personne qui est dépendante, doit sentir qu’elle n’est pas seule, qu’elle n’est pas isolée, qu’elle n’est pas abandonnée ou laissée pour compte. Nous devons par tous les moyens le lui prouver. Je crois que cette démarche est dans nos possibilités. La pire attitude des bien portants c’est de négliger nos présences, nos signes d’amitié, auprès des souffrants.

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus nous montre une face de sa divinité qui a terrassé d’émerveillement ses disciples. Par la suite, cette vision les a souvent aidés à passer le cap du doute, du désespoir, de la peur.

 Souvent, auprès des souffrants, il est important de parler avec eux des moments de transfiguration, de joie, qu’ils ont vécus, qui leur ont fait du bien, dans lesquels le bonheur était presque palpable, dans lesquels ils se sentaient quelqu’un d’unique, dans lesquels ils sentaient que la vie valait la peine d’être vécue, que l’on est fait pour le bonheur, pourquoi ne pas le dire. Nous nous rappelons tous, en ce moment, de tels événements qui nous réchauffent encore le cœur.  Par exemple une naissance, un beau voyage, un beau concert, la réussite d’un examen, la rencontre avec une personne engagée, une fête de Noël, une vigile pascale, une randonnée à ski, le retour à la maison d’un être cher parti au loin durant plusieurs mois ou années ou bien rentrant de l’hôpital guéri. Alors nous réalisons que dans ces moments-là, dans ces moments de transfiguration, nous ne nous sentions pas abandonnés, au contraire. Et loin de faire plonger les souffrants dans une nostalgie morbide, aidons-les à puiser dans cette source de bonheur qu’ils ont vécue, la force pour vivre mieux l’instant présent, nous assistons souvent à de vrais petits miracles. Mais, nous sommes témoins aussi d’autres attitudes que nous accueillons avec respect.
Je pense à ce jeune papa de 36 ans, atteint d’un cancer, merveilleusement entouré de sa famille, de ses contemporains, de ses amis de travail, mais lui ne pouvait pas prier, me disant, jusqu’à son dernier souffle, « Bernard, fais-le pour moi ». Le contentieux qu’il avait avec son Seigneur, comme je le comprenais ! Il est mort sereinement, avant la naissance de son 3ème enfant.
Comment prier pour aider quelqu’un à reprendre pied ? dans « Dans les expériences difficiles, écrit Lytta Bassa, je prononce le nom de la personne en disant à Dieu : hâte-toi, elle n’en peut plus. Lui sait ce qu’il faut à la personne. Cela nous sort de nous-mêmes, car nous ne sommes plus là à nous noyer dans notre chagrin… en même temps, on n’est pas leur sauveur : on confie la personne à plus grand que nous. C’est apaisant. »

Cette parole, je la dédie à tous les malades bien sûr, mais aussi à tous les prisonniers que je visite depuis 2 mois dans mon nouveau ministère ; je sais que certains prient en ce moment avec nous : merci à vous de vivre avec nous ce moment de transfiguration.            

Je pense qu’il y a assez de lumière d’espérance autour de nous  et en nous pour ne pas nous perdre sur le chemin, qui que nous soyons. Nous sommes tous invités à dire un jour à Dieu, d’une manière ou d’une autre, je ne comprends pas tout ce qui m’arrive mais je te fais confiance. C’est ça l’épreuve de la foi.

Oui, les souffrants ont besoin de sentir autour d’eux des présences bienfaisantes, comme vous, qui allez recevoir, en communauté, dans cette église, l’onction des malades. Cette célébration est un moment de transfiguration sur votre chemin de foi. Qu’il fait bon d’être ici, ensemble, me direz-vous !

Tout comme ce moment privilégié que j’ai vécu au CHUV à Lausanne, il y a quelques mois. Un jeune couple ami m’appelle, « Nous avons besoin de toi, Bernard, on vient de découvrir une grave maladie chez notre petite Lara de 7 ans ». Le jour suivant, nous sommes autour du lit de Lara, la perfusion indique que le traitement est commencé, nous avons les yeux quelque peu mouillés, mais Lara, tout sourire, décolle deux petites fleurs sur un papier gras, pour les déposer l’une sur le badge de l’infirmière et l’autre sur la croix que je portais autour du cou. Elle est là, aujourd’hui encore cette petite fleur, Lara, et je la porterai jusqu’à ce que tu sois totalement guérie. C’est ce que tu désires et, grâce à toi, je pense plus souvent à tous les enfants malades et à leur famille.

« J’étais malade et vous êtes venus me visiter, » nous redit Jésus, aujourd’hui.

Amen

 

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