Messe de Pâques

 

Mgr Kurt KOCH, évêque de Bâle, le 23 avril 2000, en la cathédrale de Soleure pour la messe de PÂQUES

Lectures bibliques : Ac 10, 34-43; Jn 20, 1-9

… Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait…

Chercher en pleurant le vivant parmi les morts

La fête de Pâques survient aujourd’hui à une époque qui n’est pas précisément à la joie, tant dans la société que dans l’Eglise. Pour beaucoup de raisons, nombre de personnes – et parfois les chrétiens eux-mêmes – sont enclines plus aux pleurs qu’au courage. Il est vrai que pleurer n’est ni éloigné, ni étranger à la fête de Pâques. Car les pleurs jaillissent toujours du plus profond de l’âme et en sont en même temps la nappe phréatique. Au cœur de cet évangile de Pâques se trouve une femme qui pleure. Et pour que nous ne l’oublions pas, ce fait de pleurer est expressément mentionné quatre fois : Marie-Madeleine se tient devant le tombeau et pleure.

Il est vrai que cette femme ne pleure pas simplement sur elle-même. Ses larmes ont une cause précise. Elle pleure sur Jésus qui pour elle était « l’Un et le Tout ». Elle l’a maintenant perdu dans la mort. En même temps que le corps de Jésus, elle a dû ensevelir toute son espérance. La perte de Jésus l’a touchée au plus profond d’elle-même. C’est pourquoi Marie-Madeleine pleure. Cette femme de l’évangile de Pâques nous regarde et éveille en nous cette question : Avons-nous, nous aussi pleuré un jour d’avoir perdu Jésus ? Et combien profondément cette perte nous a-t-elle touché ?

Marie-Madeleine pleure parce qu’elle a perdu Jésus. Et pourtant elle le cherche. Elle le cherche certes parmi les morts. Mais Marie-Madeleine n’est pas la seule à le faire. Cela est arrivé très souvent dans l’histoire de la pensée européenne et cela arrive encore aujourd’hui. Ceux qu’on appelle les théologiens critiques se sont efforcés et s’efforcent de dénicher parmi les morts Jésus ressuscité et vivant. Pour eux il est uniquement établi que Jésus est resté dans le tombeau.

L’appel personnel du ressuscité

En fin de compte chercher le vivant parmi les morts est absurde. Mais l’évangile de Pâques nous montre que cela n’est cependant pas vain, au moins pour Marie-Madeleine. Pendant qu’elle cherche Jésus parmi les morts, elle ne remarque pas du tout que le ressuscité se tient devant elle. Ses yeux ne s’ouvrent que lorsque Jésus s’adresse à elle et l’appelle par son nom : « Marie». Jésus ne dit que ce seul mot : « Marie ». Il ne lui tient pas d’enseignement dogmatique, ni ne lui donne d’exhortation morale. Non, il l’appelle seulement pas son nom… Alors elle se tourne vers lui et lui dit en hébreu « Rabouni » ce qui signifie maître. Pâques se passe exactement ici et exactement comme cela. Marie cherche le vivant parmi les morts et fait l’expérience que le vivant l’appelle par son nom de l’autre côté de la frontière de la mort. Au sens littéral, la foi pascale de Marie commence « nommément ».

Pour nous aujourd’hui, il ne peut et ne doit pas en être autrement. La foi pascale commence toujours par une rencontre personnelle avec le ressuscité, dans une parole et une réponse de l’Amour. D’au-delà de la frontière de la mort, Jésus appelle chaque chrétienne et chaque chrétien. Il l’a fait de manière irrévocable lors de notre baptême. Le grand oui de Pâques que Dieu dit à toute la création vaut pour chaque être humain à travers le petit oui du baptême. Pâques et le baptême sont indissolublement liés. Vivre dans l’esprit de Pâques signifie vivre en baptisé. C’est pourquoi la fête de Pâques nous invite à nouveau à entendre l’appel personnel de Jésus-Christ dans le baptême et à en vivre.

Le témoignage pascal

De telles expériences pascales personnelles ont cependant des conséquences. On le voit chez Marie-Madeleine. Car après la rencontre avec le ressuscité, elle est envoyée sur le chemin : « Va vers mes frères et dis leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie suit cette injonction et proclame : « J’ai vu le Seigneur ». Cette femme est ainsi le premier témoin de Pâques. Bien qu’elle ne fasse pas partie des douze apôtres, elle est la première qui réponde à l’appel nominal de Jésus Christ et qui proclame le message de Pâques. C’est pourquoi les pères de l’Eglise la nomment avec respect « apôtre des apôtres »

Nous sommes aujourd’hui appelés à en tirer les mêmes conséquences. Lorsque nous avons personnellement expérimenté Pâques et ressenti l’appel de Jésus par notre nom, vient pour nous aussi l’heure de la proclamation – tout en sachant finalement que le mystère de Pâques est indicible parce qu’il est indiciblement grand -. Nous ne pouvons donc pas proclamer Pâques seulement avec des mots. Nous sommes bien davantage invités à donner le témoignage d’une vie pascale dans l’amour. Car c’est l’amour qui, comme le ressuscité appelle l’homme par son nom. L’Amour regarde l’homme et lui donne pour ainsi dire le regard. L’Amour est le plus bel alphabet avec lequel nous puissions écrire l’expérience de Pâques : D’au-delà des frontières de la mort, le ressuscité nous appelle par notre nom.

Ce message contient l’espérance que les hommes d’aujourd’hui attendent aussi. Aux hommes qui, comme Marie-Madeleine, ont des raisons de pleurer, nous devons transmette le message consolant qu’ils sont appelés personnellement par leur nom par le ressuscité. Orientons-nous aujourd’hui aussi, comme Marie-Madeleine. Laissons cette bonne nouvelle pénétrer notre propre cœur afin que nous puissions exprimer notre réponse à l’appel personnel du Christ par un geste d’action de grâce et de louange : « Amen ! alléluia ! »

Original en allemand
Traduction française du commentateur TSR

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