Abbé Nicolas Maillat, église Saint-Etienne, Lausanne, le 25 décembre 2011 Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6;Tite, 2, 11-14; Luc 2, 1-14 – Année B |
« Il nous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ; et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ».
Chers frères et sœurs, une fois de plus nous avons entendu ce récit merveilleux de la Nativité de Jésus et nous n’avons aucune peine à évoquer l’émouvant et charmant tableau :
l’enfant couché dans la crèche, près de lui, Marie, la maman attendrie, Joseph, saisi de respect et quelques bergers, des pauvres, méprisés, appelés les premiers à contempler le « Verbe fait chair ». Elle s’est donc accomplie la prophétie d’Isaïe : « Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. La souveraineté est sur ses épaules. On proclame son nom : ‘Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père à jamais, Prince de la Paix.’ » |
Frères et sœurs, que vous vous soyez avancés vers cette église avec joie, ou sur le pointe des pieds, vous êtes invités, ainsi que vous tous qui nous écoutez, à contempler le nouveau-né de Bethléem. Heureux de vos réussites ou meurtris par l’échec, par la maladie, le handicap, le deuil, la solitude, ou au contraire satisfaits, sûrs de vous ou encore déçus de tant de faiblesses, peu importe ! Malgré tout, vous restez capables d’aimer et d’être aimés ; dès lors, c’est à vous, à nous tous, que Dieu s’adresse et donne un signe d’espoir, de salut.
En ce Noël, comme chaque année, Dieu nous fait signe, Dieu parle et sa Parole est étrange : c’est un enfant, un nouveau-né, son Fils Jésus !
Certes, nous devons veiller à nous garder de réduire Noël à la seule fête des enfants et pourtant, au cœur de notre civilisation technologique, le signe de l’enfant n’est-il pas le signe par excellence de la Vie ? De la vie humaine et divine – dans nos veines coule la grâce de Dieu –, de la vie humaine et divine donc, que nous sommes invités à respecter et à protéger. Cette vie qui nous est donnée par Dieu et qui est malheureusement de plus en plus noyée dans l’artificiel des techniques de notre monde occidental, matérialiste à outrance.
Le signe de l’enfant ; le signe de la vie. Pensons à ces foyers amis qui souffrent tant de n’avoir pu encore accueillir chez eux un « petit », fruit de leur amour… à ces autres foyers, plus heureux, qui ont vécu l’attente, leur « Avent » et que la naissance d’un enfant a transformé. « On ne les reconnaît plus, tout est changé pour eux ! » disent les voisins.
Oui, frères et sœurs, tous ces instants privilégiés où, aujourd’hui encore, l’enfant est « sauveur ». Ici, c’est une naissance qui a renforcé l’amour d’un couple en difficultés, là c’est la première communion du fils, qui a permis aux parents de renouer avec une vie plus chrétiennement engagée.
Alors, en ce Noël, ensemble frères et sœurs, ne craignons pas de rendre visite à l’Enfant de Bethléem. Nous représenterons toute la famille humaine invitée à accueillir le signe de Dieu. Jésus est le commencement, la vie, le seuil, le ferment de notre pâte humaine. Il est le sang de Dieu au cœur de notre humanité.
Frères et sœurs, il n’est sans doute pas inutile de nous interroger sur la qualité de la visite que nous allons rendre à la Crèche de Bethléem : Simple courtoisie ? Concession à l’habitude, simple rite ?
Eh bien, en cette nuit très sainte, nous sommes invités à entrer en liaison avec ce Dieu qui est venu « habiter parmi nous » : alors, contemplons longuement l’Enfant-Dieu à la Crèche : il peut provoquer en nous une sorte de tressaillement intime, susciter tendresse et respect et – pourquoi pas ? – réveiller, chez certains d’entre nous, cette modeste flamme de la foi qui, depuis quelque temps, semblait définitivement éteinte.
Pensons au jeune Claudel, à Notre-Dame de Paris, passant devant le Tabernacle, qui eut brusquement « le sentiment déchirant de l’innocence, de l’éternelle enfance de Dieu ». En un éclair, ses idoles s’écroulèrent, « et voici que vous êtes Quelqu’un tout-à-coup », dira-t-il.
Et à la Messe de Minuit en l’église St-Augustin, Charles de Foucauld, qui venait de se convertir et recevait, par la communion « ‘son’ bien-aimé frère et Seigneur Jésus », qui l’incitait à « partager jusqu’à la dernière bouchée de pain avec tout pauvre, tout hôte, tout inconnu, à recevoir tout humain – la vie – comme un frère bien-aimé » : Il ajoutait : « Jésus est venu dans cette crèche pour sauver les âmes ; il nous enseigne à faire du salut des âmes l’œuvre de notre vie ».
Enfin, pour Thérèse Martin, ce Noël 1886 fut pour elle, quelques mois avant son entrée au Carmel de Lisieux, la « nuit de Lumière », où elle sentit la charité entrer en son cœur.
Frères et sœurs, « en cette nuit où le Fils de Dieu se fait faible et souffrant par amour pour nous », venons l’adorer et le contempler à la crèche. Ainsi, à la suite de la ‘petite’ Thérèse, nous retrouverons l’esprit d’enfance, qui transformera notre regard sur l’autre. Nous serons alors capables de recevoir ce prochain (tout être humain), mis sur notre route, comme un cadeau du Père.
Et en notre cœur se mettra aussitôt à résonner sans fin ce refrain :
« C’est Noël sur la terre chaque jour,
Car Noël, ô mon frère, c’est l’Amour. »
Ainsi soit-il.