Messe de l’Epiphanie

 

 

Père Louis Christiaens, Centre Sainte-Ursule, Fribourg, le 7 janvier 2001.
Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12

L’Epiphanie du Seigneur. Elle est belle cette fête. C’est la fête de la manifestation du Seigneur Jésus, Fils de Dieu, à tous les hommes et à toutes les femmes du monde. Une révélation offerte à tous et à toutes, sans discrimination.

L’Epiphanie du Seigneur. Elle est belle, cette journée. L’Epiphanie, en effet, c’est l’autre versant de Noël ! Autant Noël a été célébré dans le silence et la confidentialité d’une nuit du mois de décembre, autant l’Epiphanie, c’est la fête de la Révélation à tous les hommes et à toutes les femmes du monde, sans distinction de races, de cultures, de religions.

C’est la fête de la présence de Dieu qui éclaire toute l’humanité et, ce matin en ce début de nouvelle année et du 3e millénaire, notre communauté de chrétiens de plusieurs pays (Liban, Vietnam, Afrique, etc.) annonce que toute personne est invitée à entrer dans le Royaume du Père. En cette fête de l’Epiphanie, nous sommes unis à tous les auditeurs de la Radio Suisse Romande : les malades, les personnes âgées, ceux et celles qui sont privés de liberté et qui souffrent de la solitude.
Pendant quelques instants, laissons-nous donc conduire par une redécouverte émerveillée du récit proposé par saint Matthieu, avant de nous rendre compte que cette célébration peut modifier bon nombre de nos préjugés, de nos comportements de « bien pensants », de croyants.

I. Une lecture spontanée du récit de l’Epiphanie ?
Un récit dans lequel deux groupes de personnages sont mis en relief : les mages, d’une part, et sur leur chemin, le roi Hérode et son entourage.

Les mages, qui sont-ils ? Au IXe siècle, la tradition en a fait des rois, des princes de l’Orient, du Soleil levant, les représentants de trois races : un Africain, un Asiatique et un Européen. Auparavant, une autre tradition leur a même donné des noms : Gaspard, Melchior et Balthazar.

Ce que l’on sait avec davantage d’exactitude, c’est que nous avons affaire à des savants de l’époque, des chercheurs, à des experts versés dans le domaine astronomique et qui, un jour, se sont mis en route à la lumière d’une étoile. Leur métier consistait à travailler dans le monde des étoiles, comme aujourd’hui des spécialistes s’attachent à connaître le secret de notre univers planétaire, scientifique.

Une première constatation en passant : c’est au cœur de leur compétence que Dieu se fait pressentir, se fait percevoir. A coup sûr, il y a là pour nous un enseignement à tirer : Dieu nous parle, nous fait signe dans nos professions, dans nos responsabilités sociales, familiales et non pas dans les nuages de nos théories, de nos imaginations, voire de nos idéologies même religieuses.Une deuxième remarque à propos de ces hommes : la Révélation de Dieu s’adresse non pas à chacun de ces mages, mais à leur petit groupe. Il en fut ainsi également pour les bergers, les apôtres. En d’autres termes, Dieu continue de s’adresser à chacun de nous par l’intermédiaire de nos familles, de nos communautés, de nos paroisses, de l’Eglise.
Un autre constat : les mages, selon Saint Matthieu, sont des étrangers à la religion juive, des gens « qui ne sont pas de chez nous » et qui portent en eux des questions, qui ne sont pas installés dans des réponses. Ils se mettent en route à la vue d’une étoile, d’un signe qui les fait bouger, qui les met en marche. Ils ont même la simplicité et l’audace de demander de l’aide à ceux qui savent. Leurs questions elles-mêmes, comme celles que nous portons aujourd’hui, conduisent ces hommes à Jérusalem auprès des autorités religieuses et politiques. Il est vrai que leur interrogation est de poids : Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ?

Et nous voici, avec les mages auprès d’un deuxième groupe de personnalités : Hérode et les chefs de prêtres, les scribes.
Pour le moins, la question des mages a de quoi inquiéter les milieux politiques et religieux d’alors. En effet, Hérode le Grand règne au sens strict du terme sur la Judée et la Samarie. Il a fondé Césarée et construit la forteresse Antonia. Son pouvoir effectif ne peut laisser de côté l’information qui lui est communiquée par les mages. On mesure sans peine sa préoccupation et sa rapidité à convoquer ceux qui, auprès de lui, sont capables d’éclaircir cette demande qui provient de l’étranger. Une cellule de crise est mise en place ! Quelques observations à ce sujet : Hérode et ses proches savent où doit naître le roi d’Israël. Bien plus, de manière clandestine, les mages sont priés de se renseigner avec précision sur l’enfant en question. Autrement dit, le réseau de renseignements d’Hérode et l’appareil ecclésiastique fonctionnent à souhait. Ils savent, ils désirent en savoir davantage, mais prudents et sur la défensive ils ne bougent pas.
En fait, dans le secret – comme le souligne Saint Matthieu – Hérode n’a d’autre but que de se prémunir, se protéger d’un pouvoir et d’une force qui le menacent : la venue, la présence d’un Roi inconnu…
D’un côté, les mages : des hommes ouverts, disponibles et en quête de lumière. Et du côté d’Hérode : la méfiance, la crainte et le calcul intéressé pour conserver des privilèges. Un entourage qui reste immobile en faisant main basse sur les Ecritures.

II. Quelles applications pratiques pouvons-nous tirer de ce récit ?
Retenons, si vous le voulez bien, quelques orientations dans la mesure où elles sont à même de raviver notre foi et de développer notre espérance.

Premièrement, Dieu, notre Père, parle à chacun de nous par des signes, des petits événements de notre vie. Il n’est pas lié à nos catégories, à nos préjugés. Son horizon est large, vaste comme l’univers visible et invisible.
Aujourd’hui, c’est confirmé : les païens, les pécheurs, les « autres » de toutes langues, races et cultures sont conviés à entrer dans Son Royaume. Halte donc à toutes les barricades que nous édifions pour nous estimer justes alors que Dieu ne cesse de convier tous les êtres humains à partager Sa Vie, Son Amour !

Deuxièmement, au cœur des signes et des appels que nous percevons au fil de nos journées, nous sommes invités à ne pas rester sur place en nous agrippant à des données, des droits acquis, mais à nous mettre en marche avec d’autres. Oui, des étoiles se lèvent en chacune de nos vies : par exemple des appels à être attentifs à ceux et celles qui nous entourent, un accueil bienveillant, l’écoute d’un enfant, d’un mari, d’une femme, un pardon à donner, que sais-je encore ? Aujourd’hui, en ces premiers jours d’une nouvelle année et d’un nouveau siècle, quelles étoiles nous font bouger ? Quels désirs nous habitent ? Le scintillement de la réussite financière, de la sécurité, du confort, ou encore l’ivresse frémissante des connaissances intellectuelles et de la domination. Quel est le roi que nous cherchons et que nous désirons adorer ?
Troisièmement, ce matin, en compagnie des mages, n’est-ce pas une occasion de suivre leur exemple : devenir des hommes et des femmes d’offrande, en apportant au Christ, Lumière du monde, ce qui nous tient à cœur ?
L’or des rois mages ? N’est-ce pas le symbole de ce qui nous est précieux, par exemple le trésor de nos sentiments si souvent renfermés et que nous gardons avec parcimonie pour les partager avec ceux que nous sélectionnons.
L’encens des rois mages ne représenterait-il pas notre capacité à donner du temps à l’action de grâces, à la reconnaissance, à la gratuité. La prière, le temps offert, la disponibilité ne sont-ils pas symbolisés par la fumée de l’encens qui monte vers Dieu ?

La myrrhe, qui était utilisée autrefois pour embaumer les défunts, nous fait penser aussi que notre corps est le Temple de l’Esprit. Prendre soin de son corps, n’est-ce pas aussi assurer ceux qui nous entourent que nous les respectons et que nous nous sentons bien avec eux.

Au Christ enfant les mages apportent des cadeaux. Ils découvrent que le Royaume qui s’ouvre à eux n’est pas celui du repli sur soi, de l’inquiétude, du conservatisme, mais un Royaume de paix, de louange et de lumière communicative.
Le récit ne se termine pas seulement dans la joie chaleureuse d’avoir trouvé le Fils de Dieu, ni même dans le bonheur d’avoir rencontré Marie, la mère de Jésus. Le récit de l’Epiphanie insiste sur le retour des Mages vers leur pays, mais par un autre chemin.

Deux mille ans après eux, une route s’ouvre aussi pour nous : le chemin d’une mission qui est d’annoncer à tous et à toutes que Dieu est amour.
Elle est belle cette journée ! Le Royaume de Dieu est ouvert à toutes les races, à tous les pays, à toutes les cultures, à toutes les religions.
Elle est belle cette fête ! Nous voici des envoyés de la lumière de Dieu dans le monde entier.

 

 

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