Célébration oecuménique pour entrer dans l’AVENT

 

Traduction : Jean-Claude Huot

Harald Möhle, pasteur de l’Eglise luthérienne et Ella Wyss-De-Groot, pasteure de l’Eglise réformée, à l’Antonierkirche, Berne, avec les communautés luthérienne, réformée et catholique-romaine, le 3 décembre 2006
Lecture biblique : Exode 1,8-21 – Année B

Harald Möhle :

D’où venons-nous, où allons-nous ?

Nous sommes nés dans des pays différents. Nous appartenons à différentes Eglises. Chacun et chacune d’entre nous avons des racines ailleurs : ceux qui prennent la parole ici sont originaires des Pays-Bas, de Suisse, d’Allemagne. Ils ont leurs racines dans l’Eglise réformée, dans l’Eglise catholique romaine ou dans l’Eglise évangélique-luthérienne.

Et nous portons un nom. Notre nom dit quelque chose de nous, de nos origines. Si quelqu’un dans ce pays porte le nom de famille « Schwab », il a probablement un ancêtre qui a immigré d’Allemagne. Si ici à Berne, quelqu’un porte le nom « de Graffenried » ou « de Wattenwyl », on sait qu’il ou elle appartient à une grande famille bernoise. Quand un nom se termine par « ic », on suppose que la personne qui le porte est originaire des Balkans. Ainsi les noms ne rendent pas seulement compte d’eux-mêmes. Ils ont une réputation. Cette réputation peut être bonne ou mauvaise. Celui qui s’est fait un nom reçoit un éloge funèbre. D’autres reçoivent une mauvaise réputation de leur vivant avec des sobriquets tels que : Rital, Yugo, Bosch.

Ce n’est pas nouveau. Le peuple dont parle la Bible n’avait lui aussi pas bonne réputation. Il vivait à l’étranger. Il devait accomplir des tâches réservées aux esclaves. Ce peuple n’avait pas de nom, mais un sobriquet : Habiru, criaient sur eux les gens, salaud, terreux ! Habiru, de ce mot vient le mot Hébreu dans notre langue.

C’est précisément avec ce peuple de marginaux et sans nom que Dieu fait alliance. Il appelle les Habirus à devenir son peuple. « Je t’ai appelé par ton nom et tu es mien » leur fait-il savoir par le prophète Isaïe.

Il en est ainsi : celui qui n’a pas bonne réputation auprès des hommes, ne doit pas craindre d’être traité de même par Dieu. Dieu s’unit aux anonymes, aux opprimés, aux faibles. Car Dieu a une faiblesse pour les faibles. L’Exode raconte comment Dieu s’est allié aux Hébreux et a donné de nouvelles racines au peuple. Nous l’avons perçu dans la lecture que nous avons entendue. Il y est question de deux sages-femmes qui se font un nom.

Ella Wys-De-Groot :

Les sage-femmes n’ont pas mauvaise réputation. Leur métier est d’aider à donner la vie. C’est leur vocation, c’est leur mission. Là se trouve le sens de leur métier. Elles apportent des vies nouvelles au monde. Si elles ne le faisaient pas, elles ne renieraient pas seulement leur vocation. Elles ne perdraient pas seulement leur réputation. Elles sacrifieraient tout le sens de leur vie. Celui qui exige d’elles qu’elles tuent doit donc s’attendre à une résistance acharnée. C’est ce qu’a expérimenté le nouveau Pharaon. Comme nouveau détenteur du pouvoir, il ne s’intéresse pas à l’identité des personnes, ni à leur parcours de vie, pas plus qu’il ne se préoccupe d’autres cultures ou de leurs racines. La seule chose qu’il voulait, c’était le pouvoir. Shifra et Poua, les deux sage-femmes, s’opposèrent à lui, mais non de manière exaspérée ; elles agirent avec subtilité et sagesse. Tellement bien que le peuple ne fut pas extirpé d’Egypte, mais au contraire reçu de nouvelles racines. Ces racines s’appelleront : vie, vie en liberté, vie avec Dieu.

Dans ma langue maternelle, le néerlandais, les deux sage-femmes s’appellent « vroedvrouwen ». Vroede vrouwen, c’est-à-dire, femmes sages. Penser avec sagesse et agir avec ruse, telle fut la résistance de Shifra et de Poua. Mais c’est une sagesse qui dépasse la pensée humaine. Car, ce serait compréhensible, on penserait facilement à la vengeance, aux intrigues, à la violence et la contre-violence. Les sage-femmes procèdent autrement. Humainement, mais également de manière surhumaine. Humainement, car elles continuent de faire leur métier. Mais elles vont au-delà de l’humain en ne se laissant pas piéger dans la spirale de la mort. A la mort ne succède pas la mort, mais la vie. Et cette sagesse va au-delà de l’humain, rejoint Dieu. Car Shifra et Poua se laissent inspirées par Dieu. Elles se laissent appelées à conduire l’histoire d’Israël vers de nouveaux chemins, à donner des racines à tout le peuple. Des racines d’où une nouvelle vie pourra naître. Il se passe ainsi quelque chose d’extraordinaire : par ces deux femmes, Dieu survient dans l’histoire. Par ces deux femmes, Dieu vient rejoindre les hommes.

Dieu n’arrive pas par l’intermédiaire de rois puissants ou de pharaons. Il arrive par l’intermédiaire de deux femmes. Et ces femmes, Shifra et Poua ne sont pas de puissants ancêtres. Ce sont de simples sage-femmes, des servantes, des auxiliaires, des femmes qui ont pour habitude de rester dans l’ombre. Mais elles écrivent l’histoire. Ou plutôt : l’histoire de Dieu est écrite par des noms comme Shifra et Poua. Des petits noms qui apportent grandeur à son Nom. Et nous venons de cette histoire. Ce sont nos racines.

Et aujourd’hui. Avec quels noms les Eglises écrivent-elles leur histoire ? Succédant aux Hébreux, les Eglises aussi donnent des noms. Il y a les noms saints, comme ceux dont nous nous sommes souvenus, il y a un mois, à la Toussaint. Ce sont des personnes qui, comme Shifra et Poua ont aidé d’autres personnes, les ont aidés à trouver de nouvelles racines. Mais il y a aussi des noms dont nous avons aujourd’hui honte. Ceux d’individus qui en ont opprimé d’autres, qui ont voulu les déraciner. Ces noms là peuvent rester aujourd’hui anonymes.

Mais encore une fois : avec quels noms les Eglises veulent-elles écrire leur histoire ? Si les deux sage-femmes sont des exemples pour nous aujourd’hui, nous devons nous interroger : comment les Eglises aident-elles à donner naissance ? Comme aidons-nous, chacun et chacune d’entre nous à donner la vie ? Ou pour poser la question autrement : où allons-nous ? quel avenir se présente devant-nous ?

Harald Möhle :

Où allons-nous ? Nous trouvons nos racines dans le peuple des Hébreux et auprès de Shifra et Poua qui se sont fait un nom parce qu’elles avaient aidé à donner la vie. Et ces racines nous engagent à suivre le chemin qui rend la vie possible. C’est le chemin de la paix. Tel est la mission confiée par Dieu à l’Eglise : prendre un chemin de paix dans un temps d’ergoterie prête à la violence. Ce n’est pas nouveau, mais cela doit nous faire réfléchir à nouveau.

Pour prendre ce chemin, nous devons nous souvenir quelles sont les racines qui fondent cette mission afin que cette mission ait un avenir. Un exemple de cela c’est l’histoire de cet homme nommé Zacharie, racontée au début de l’Evangile de Luc. Zacharie croit en l’avenir, il espère un fils. Or, lui et son épouse sont beaucoup trop âgés. Mais Zacharie espère que quelqu’un l’aidera à avoir un avenir. Zacharie ne fonde pas son espérance sur du vent. Il n’espère pas en vain. Il connaît ses racines. C’est pourquoi à la naissance de son fils, il peut chanter : « Dieu a visité son peuple, Dieu l’a libéré ».

Contre toute attente, Zacharie est devenu père. Contre toute attente humaine, Zacharie a reçu un avenir. Car Dieu s’est uni à lui et à sa femme comme il s’était uni au peuple des Hébreux. Le fils de Zacharie et d’Elisabeth s’appelle Jean. Adulte, il baptisera des hommes et des femmes, même celui qui « vient au nom du Seigneur », Jésus.

C’est l’Avent : Dieu nous visite. Il vient vers nous, il vient demander des nouvelles, savoir comment nous allons. Il vient et il guérira, remettra debout, sera bâtisseur de paix ; ainsi il aidera les hommes à naître.

Il nous appelle, nous aussi, comme il appela déjà Shifra et Poua et beaucoup d’autres. Devenu lui-même homme, il s’unit à chacun et chacune d’entre nous. Si nous suivons son appel à marcher sur le chemin de la paix, nous répondons à notre vocation. La paix pour moi, pour toi, pour notre Eglise, pour notre monde.

Nous pouvons alors chanter avec Zacharie :

« Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité son peuple, accompli sa libération.

Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut, car tu marcheras par devant sous le regard du Seigneur, pour préparer ses routes.

C’est l’effet de la bonté profonde de notre Dieu : grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut.

Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, afin de guider nos pas sur la route de la paix. »

Amen.

 

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