Messe de Noël

 

Abbé Jean-Marie Pasquier, à l’église Saint-Pierre-aux-Liens, Bulle, le 25 décembre 2009
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18 – Année C

« Dis, papa, tu m’écoutes ? Je te parle ! » Scène de ménage dans une famille ordinaire… s’écouter, se parler pour de bon, ce n’est pas facile, même un jour de Noël ! On espérait que cette année, on aurait droit à une vraie parole, qui vienne du fond du cœur, un vrai cadeau, quoi ! N’est-ce pas vrai aussi de la soi-disant famille planétaire : on avait espéré qu’à Copenhague les grands de ce monde allaient enfin se parler sérieusement,  faire ensemble un pas en avant pour le bien de la planète… On sait ce qu’il est sorti de ce dialogue de sourds.

Mais est-ce que cela se passe beaucoup mieux entre le ciel et la terre, entre Dieu et nous ? Combien de fois, dans la Bible, n’entend-on pas Dieu se plaindre de la surdité de son peuple : Je leur parle, mais  ils ne m’écoutent pas !   Et les hommes de reprocher à leur tour à Dieu de rester sourd à leurs appels. « Réveille-toi, pourquoi dors-tu Seigneur ? »   (Ps 44) Plus près de nous, que n’a-t-on dénoncé le silence assourdissant de Dieu à Auschwitz, au Rwanda, ou ailleurs ?  Oui, nous pouvons comprendre l’appel complètement fou du prophète Isaïe : « Ah ! Si tu déchirais les cieux… Si tu descendais… ! »

Pourtant, non, Dieu n’est pas resté complètement sourd ni muet. Dès l’origine, il interpelle l’homme.  « Adam, où es-tu ?  Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? »  Des questions  toujours d’actualité !  L’Epître aux Hébreux nous le rappelait tout à l’heure : « Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes. » Cela n’a pas suffit. Mais voici qu’aujourd’hui l’incroyable, l’inespéré se produit. C’est comme si le ciel s’ouvrait  pour laisser passer  une parole inouïe : c’est Dieu lui-même qui parle, en direct.
Et que dit-il ? « Tu es mon Fils, aujourd’hui, je t’ai engendré. » Oui, « je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. »  Il faudrait s’arrêter là, laisser retentir cette parole au plus profond de nous-mêmes, la porter en nous, comme Marie, durant des mois, ou, comme disait un moine, « la laisser grandir dans le ventre de notre cœur. » Car ce n’est pas une parole comme les autres, faite phrases et de mots, c’est une Parole qui vit, c’est une Parole faite chair, une Personne vivante. JESUS.

« Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Littéralement, il est venu planter sa tente parmi nous, comme un homme du désert qui viendrait demander l’hospitalité au campement d’une caravane, afin de poursuivre le voyage en sa compagnie, et même devenir un membre à part entière de la communauté.

  C’est cela l’immense mystère de l’Incarnation que nous célébrons aujourd’hui : derrière l’événement émouvant d’un enfant pauvre né sur la paille d’une crèche, il y a le fait prodigieux d’un Dieu qui prend la condition humaine, un Dieu qui devient notre frère en humanité.  Il est fait de la même chair, il grandira comme nous, il travaillera de ses mains, il se réjouira, il  souffrira, il aimera  avec un coeur d’homme.


Oui, comme le disait déjà le grand évêque de Lyon saint Irénée : « Le Verbe de Dieu s’est fait fils de l’homme pour habituer l’homme à recevoir Dieu et pour habituer Dieu à habiter dans l’homme. » Tout cela, Jésus devra l’apprendre comme n’importe quel enfant. Lui, le Verbe de Dieu, apprendre à parler la langue de son peuple araméen.  Apprendre, sur les genoux de sa mère, comment appeler Joseph qui vit à ses côtés : Abba, papa !  Et c’est encore sur le visage humain de Joseph, qu’il apprendra à découvrir les  traits divins de son Père – et  notre Père – qui est aux cieux. Et les mots qu’il faut savoir pour bien parler aux hommes des choses  de Dieu. A  l’âge de 12 ans, il dira déjà à ses parents : « Ne saviez-vous pas que c’est chez mon Père que je dois être ? »

Mais s’il est vrai qu’en prenant  notre condition humaine, le Fils de Dieu s’est uni à tout homme, donc à chacun d’entre nous, est-ce que cela ne change rien  pour nous ? Bien au contraire Cela veut dire que cette naissance divine nous concerne aussi, et même qu’elle peut devenir aussi notre naissance. Comme un nouvel engendrement. C’est à chacun d’entre nous que Dieu dit : « Tu es mon fils, tu es ma fille, aujourd’hui, je t’ai engendré. » Tous ceux qui accueillent cette Parole, tous ceux qui croient en son nom, il leur sera donné de devenir enfants de Dieu, et déjà ils le sont : nés de Dieu ! Eux aussi, ils peuvent dire à Dieu, avec Jésus, en toute vérité : Abba, Père !

Et c’est encore ce même Jésus, né de Marie à Bethléem, mort sur une croix, mais ressuscité au matin de Pâques pour faire de nous ses frères, qui nous redit : « Oui, nous avons le même Père,  je suis votre frère, vous êtres tous frères et sœurs. »  En écho, puissions-nous accueillir tout être humain rencontré sur notre chemin ou qui frappe à notre porte, quelles  que soient sa couleur, son origine, sa religion, et lui dire en vérité : « toi aussi, tu es mon frère, ma sœur. »

Alors, si par malheur, la parole avait été coupée entre certains parmi nous, peut-être au sein de la même famille,  croyons que le courant peut être rétabli, que le dialogue peut reprendre, la confiance renaître. Que ce soit notre Noël  aujourd’hui : une nouvelle naissance de la fraternité, une vraie fête de famille, un Fraternoël !
Amen

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