Messe du jour de Noël

 

Abbé Marcel Besson, à l’église St-Laurent, Praroman, FR, le 25 décembre 2002.

Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18

Prononcée il y a bientôt 2000 ans, elle est encore actuelle, cette Parole de Dieu :
« Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le monde : Aujourd’hui vous est né un Sauveur. Il est le Messie, le Seigneur. »

Chers frères et sœurs,
Cette Parole de Dieu nous est aussi adressée ce matin, le 25 décembre 2002, et son actualité durera jusqu’à la fin des temps.

A Bethléem, Dieu s’est fait homme. Il s’est fait solidaire de toutes les personnes de tous les lieux et de tous les temps. Le Seigneur Jésus continue de naître, d’être accepté ou refusé dans le monde aujourd’hui. Souvenons-nous de ce qu’il nous dit dans l’Evangile :
« Tout ce que vous ferez au plus petit, c’est à moi que vous l’aurez fait…J’avais faim, et vous m’avez donné à manger, j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli…. »

Le premier Noël est semblable au Noël d’aujourd’hui : Il y a deux éléments, deux sentiments, deux réalités qui se présentent, qui s’imposent et qui s’opposent : la violence et la douceur.
Regardons la réalité de plus près. Essayons de comprendre les événements d’il y a 2000 ans à la lumière de ceux d’aujourd’hui. Nous verrons que les choses n’ont pas beaucoup changé !

L’empereur Auguste ordonne un recensement. Il s’agit de connaître le nombre de ses sujets, de savoir d’où il viennent, où ils vivent, comment ils vivent, de savoir s’ils sont des indigènes qu’on exploite, des citoyens romains qu’on respecte ou des étrangers qu’on tolère. Qui sont les gens sur qui on peut compter, les inconditionnels du régime, les collaborateurs, les opportunistes, c’est-à-dire ceux qui disent qu’ils ne font pas de politique mais qui se mettent toujours du côté du plus fort, qui sont aussi les anarchistes, ceux qui veulent libérer leur pays de l’occupation romaine. On ne travaillait pas encore sur ordinateur, mais les données étaient là, car les agents secrets ne manquaient pas.
Violence ou douceur ? A vous de juger !

A Nazareth, en Galilée, un jeune couple attend la naissance d’un enfant. Tout est prêt. Elle s’appelle Marie, lui, Joseph. Le recensement a aussi lieu sur place mais voilà : Joseph est un étranger, il est originaire de Judée, d’un bled qui s’appelle Bethléem. Joseph a beau avoir le permis C, il a beau avoir sa femme sur le point d’accoucher, les ordres sont les ordres : il faut partir. Lui, le menuisier, a-t-il déjà fabriqué le berceau pour l’enfant ? De toute façon, il sera inutile !
Violence ou douceur ? A vous de juger !

Ils partent, vers le sud.
Etrangers là où ils habitent, à Nazareth, Marie et Joseph sont aussi des étrangers dans leur village d’origine, Bethléem, en Judée. On le voit à l’accueil qui leur est réservé. Des Galiléens – on les reconnaît tout de suite à l’accent empoussiérés par les 110 kilomètres à pied qu’ils viennent de parcourir. Ont-ils au moins de quoi payer chambre et pension ? Et puis, cette femme qui a déjà ses premières douleurs… On n‘a rien contre les étrangers, on n’est pas raciste, mais qu’ils se débrouillent comme on a bien dû le faire nous aussi.
Violence ou douceur ? A vous de juger !

Enfin, la caverne à bêtes…on n’a pas le choix ! Dieu est entré par la porte de l’écurie.

« Elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire…
La troupe céleste chantait « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux gens que Dieu aime…
Glorifiant Dieu de tout ce qu’ils ont vu et entendu selon ce qu’on leur a annoncé, les bergers s’en retournent alors…
Entrés dans la maison, les mages voient l’enfant et sa mère et se prosternant, lui rendent hommage. »
Violence ou douceur ? A vous de juger !

La fête n’a pas duré. La police politique recherche déjà l’usurpateur du pouvoir. Message à Joseph (ultraconfidentiel) « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, fuis en Egypte, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »
Jésus, le plus célèbre des réfugiés politiques !

Comment dès lors ne pas penser à tous ces actes de violence dont nous sommes les spectateurs quotidiens ? Comment ne pas se souvenir de cette phrase écrite en mars 1933 par Emmanuel Mounier : « On pense beaucoup trop par ailleurs aux actes de violence, ce qui empêche de voir qu’il y a plus souvent des états de violence celui où chôment, meurent et se déshumanisent aujourd’hui, sans barricades, dans l’ordre, des millions d’êtres. »
Violence ou douceur ? A vous de juger !

Oui, Noël est un ilôt de douceur dans un torrent de violence. Alors une question se pose : Pourquoi sommes-nous ici aujourd’hui ? Pour célébrer un vieil événement, un pieux souvenir, pour nous sentir bien ensemble et bercés par des mélodies qui nous invitent à fermer les yeux, une fois de plus, avec la tragique illusion que Dieu est content de nous ? Si nous pensons qu’il est possible de survoler ce torrent de violence qu’est devenu le monde pour nous poser et nous reposer sur cet ilôt de douceur qu’est Noël , nous sommes dans l’erreur.

Si nous voulons rejoindre le Christ de Noël pour recevoir de lui, dès maintenant, cette paix et cette joie qu’il nous apporte, ce n’est plus dans une crèche qu’il faut le chercher, mais dans le pauvre , le malade, le handicapé, le drogué, le chômeur, le persécuté, le sans-papier. C’est ensemble que nous ferons naufrage, ou ensemble que nous serons sauvés. Dieu naît aujourd’hui, Dieu souffre, Dieu meurt, Dieu ressuscite aujourd’hui.

Est-ce par hasard que Dieu est présent sous le signe du pain partagé ? Cette fête de Noël est une fantastique invitation à faire naître un peu plus d’amour dans notre monde. Dans la langue de Jésus, Bethléem veut dire « la maison du pain «. Ce n’est peut-être pas par hasard. Si chaque maison devenait davantage la maison du pain partagé, la maison de l’amour partagé, la maison du bon Dieu, ce serait Noël tous les jours.
C’est à cette condition que les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté pourront être pris au sérieux et transformer progressivement ce torrent de violence appelé monde en espace de fraternité pour toutes les nations. Amen.

 

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