Messe du Jeûne fédéral et 25e dimanche du Temps ordinaire

 

Mgr Peter Henrici , délégué de la conférence des évêques suisses pour les Médias et pour Justice et paix, à l’église Saint-Laurent, Riddes, le 20 septembre 2009
Lecture biblique :

Sagesse 2, 12.17-20 ; Jacques 3, 16-4,3 ; Marc 9, 30a. 33-37  – Année B

Appel à la réconciliation

Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

En Suisse nous célébrons aujourd’hui la Fête fédérale d’action de grâce, de pénitence et de prière – une journée de prière pour notre pays et d’action de grâce pour tous les bienfaits que nous avons reçus. A cette occasion, comme chaque année, nous, les évêques suisses vous avons adressé une Lettre pastorale. Je ne vais pas vous la lire, car vous pouvez avoir l’occasion de la lire, cette Lettre, dans votre bulletin paroissial ou sur internet.
J’essaierai pourtant de vous dire en peu de mots pourquoi nous avons écrit cette Lettre et ce que nous avons voulu vous dire. Notre Lettre est un « Appel à la réconciliation » pour des raisons qui de prime abord peuvent paraître extérieures. L’année 2009 a été déclarée par les Nations Unies une « année de la réconciliation » – l’avez-vous jamais entendu ou remarqué ? – et plus près de nous notre Commission nationale « Justice et Paix » commémore cette année ses quarante années d’existence et d’activité. Fondée en 1969, elle oeuvre en faveur de la réconciliation dans le monde et dans notre pays, en promouvant la paix par la promotion de la justice.

1.
Mais ce n’est pas tout. Je pense que vous serez d’accord que nous vivons dans un monde qui a un grand besoin de réconciliation. Il suffit d’ouvrir la télé le soir pour être submergé de notices de conflits et d’hostilités, voire de guerres et surtout d’attentats. Mais même dans notre propre entourage, nous connaissons des intransigeances et des hostilités. Dans nos familles et dans notre vie professionnelle, des mésententes et disputes ne sont pas rares : entre époux, entre parents et enfants, entre enfants ; il y a aussi des conflits et du mobbing au travail, et même de véritables guerres familiales à l’occasion d’un partage d’héritage. Et que dire des querelles, des conflits et des différences de vue qui divisent notre Église catholique et même notre propre paroisse ?

En ce jour de Jeûne fédéral nous pensons surtout au potentiel de conflits qui menacent l’harmonie de notre vie en Suisse : aux tensions entre Suisses et immigrés, entre Suisse alémanique, Suisse romande et le Tessin, aux disputes entre politiciens et entre les partis politiques, mais aussi aux tensions – plutôt souterraines – entre les confessions chrétiennes et surtout à celles plus ouvertes entre chrétiens, juifs et musulmans. Tout cela appelle un sérieux effort de réconciliation.

2.
Mais comment y arriver ? Une vie sociale, familiale et ecclésiale en pleine harmonie ne reste-t-elle pas une pure utopie ? Il ne sert à rien de rêver de grandes actions nationales, voire internationales de réconciliation, de justice et de paix. Nous devons par contre agir là où nous pouvons vraiment faire quelque chose : dans le cercle de notre famille et de nos amis, dans notre milieu de travail, dans notre paroisse, mais aussi dans un contexte politique plus large.
En vue de cette réconciliation, saint Jacques, nous a donné un précieux conseil dans la deuxième lecture que nous avons entendue. Il nous a rappelé que la racine profonde de nos disputes et de nos conflits se trouve en nous-mêmes. Ecoutons-le encore une fois :
« Frères et Soeurs, la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes… D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. »
Ce texte écrit il y a près de deux mille ans est bien clair et toujours actuel : La racine profonde de tous nos conflits réside en nous-mêmes : dans nos désirs et de nos convoitises non apaisées. Souvent aussi nous cherchons notre propre identité, personnelle ou collective, surtout en nous opposant aux « autres » et en les combattant – pensez seulement aux « fans » des différentes équipes de football -. La réconciliation doit donc commencer en nous-mêmes et par nous-mêmes : en nous réconciliant avec nous-mêmes, avec notre caractère, avec notre passé, avec notre identité et ensuite avec notre entourage.

3.
Pareille réconciliation présuppose souvent, présuppose presque toujours un pardon : un pardon pour des blessures du passé, reçues ou infligées, pour lesquelles nous devons offrir et demander le pardon. Demander pardon est souvent encore plus difficile que de l’offrir. Il faut pourtant faire ce difficile pas vers l’autre ; vouloir simplement oublier la blessure ne suffit pas. L’oubli est affaire de mémoire, mais le pardon est une affaire de coeur. Il demande du temps, parfois beaucoup de temps, et il demande un cheminement intérieur.
Ce cheminement serait extrêmement difficile, voire impossible si nous ne pouvions nous mouvoir forts d’une certitude déjà acquise : la certitude que nous-mêmes nous sommes déjà pardonnés, que nous sommes déjà réconciliés. Dieu lui-même nous a déjà accordé son pardon et nous a réconciliés avec lui par le Christ. Saint Paul nous le dit dans sa Lettre aux Corinthiens : « C’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec
lui ; il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés, et il mettait dans notre bouche la parole de la réconciliation. »

4.
Cette parole de la réconciliation, nous vous la transmettons aujourd’hui, en vous exhortant à redécouvrir cette réconciliation et ce pardon que Dieu est prêt à nous offrir. Cela nous permettra de nous réconcilier d’abord avec nous-mêmes et avec notre histoire, et puis, forts de cette expérience, nous réconcilier aussi avec d’autres personnes à qui nous savons que nous devrions offrir ou demander pardon. Nous deviendrons ainsi de plus en plus semblables à cet enfant que Jésus, dans l’Évangile, a proposé en exemple aux Apôtres qui se disputaient sur qui est le plus grand entre eux. Les enfants, eux aussi, se disputent souvent, mais ils se réconcilient rapidement et ils ne sont pas rancuniers. Allons donc sans rancune, comme des enfants, vers ceux, avec lesquels nous nous sommes disputés, demandons-leur pardon et réconcilions-nous avec eux.

Nous, les évêques suisses nous sommes persuadés (et nous terminons ainsi notre Lettre pastorale) :
« Plus nombreux seront ceux et celles qui accueilleront la réconciliation que Dieu nous offre, plus la réconciliation s’étendra entre les personnes. Une personne réconciliée avec Dieu et par conséquent avec soi-même offre aux autres la réconciliation de manière communicative. Ainsi nous espérons que l’Église en Suisse et que notre pays lui-même deviendront des exemples et des ferments de réconciliation… Notre petit pays neutre, mais ouvert sur le monde a lui aussi et peut-être plus qu’un autre la vocation de s’engager pour la paix et pour la réconciliation dans le monde.
Que Dieu vous bénisse, vous et vos familles. »

Amen

 

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