Messe du dimanche des Rameaux

 

Abbé Jean-Pascal GENOUD, église de Montana-Village, VS, le 13 avril 2003.

Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Philippiens 2, 6-11; Marc 14, 1 à 15, 47

J’aimerais commencer par préciser pour ceux qui nous écoutent, sans nous voir : ici, dans l’église de Montana-Village, la voûte du chœur de église est entièrement couverte d’une immense fresque réalisée en 1939 par le peintre Albert Monnier. Or cette fresque représente dans un style vraiment imposant, pathétique même, la mort du Christ en croix dont nous venons d’entendre le récit.

Et pourtant, ce n’est pas de cette scène que je partirai aujourd’hui, scène centrale de notre foi, et parfaitement dans le ton du dimanche des Rameaux que nous vivons, Non, je préfère vous proposer une image qui va peut-être vous surprendre. Je la tire de l’actualité. Elle est celle d’un char ! Vous avez bien entendu : un char blindé. Un instrument de guerre.

 

En effet, à moins d’être aveugle, ou à moins d’avoir fait le « carême de télévision », tous durant ce mois, nous avons tous pu voir ces engins étonnants envahir durant nos petits écrans. Or, qu’est-ce qu’un char ? c’est d’abord une énorme masse de métal. A ce point énorme que les soldats qui le montent, paraissent tout petits, juchés sur leur monstre à chenilles. Et si l’homme qui le pilote est minuscule, que dire de l’homme qui se trouve en face d’en tel char. Il n’est simplement plus rien du tout! En plus, – force est de le reconnaître – un car est une merveille de technologie, la concentration d’un savoir-faire prodigieux, génial. Mais cette invention est aussi et surtout l’expression d’une puissance écrasante, devant laquelle il n’est pas de contestation possible.

 

A cette machine terrifiante, j’aimerais opposer la modestie, la simplicité de Jésus sur un âne ! Evidemment, il faut comparer ce qui est comparable. Le temps de Jésus ne connaît rien de nos armements. Mais risquons la transposition. Jésus aurait très bien pu se présenter sur un cheval, escorté par une troupe d’hommes armés. Mais l’Evangile nous le montre au contraire avançant sur un âne. Se servant d’un « véhicule » qui est le propre des gens de conditions modestes. Recourant à un animal qui symbolise le service humble et quotidien. Contrairement à un cavalier, celui qui monte un âne est tout près du sol, à même les gens qu’il rencontre. Jésus est certes acclamé, on lui réserve l’accueil d’un roi, en prenant soin de joncher le sol de branchages et de manteaux. Mais dans la royauté de Jésus, il y a quelque chose de désarmé, et donc de désarmant. Et comme si ça risquait de ne pas être assez claire, l’Evangéliste précise qu’il s’agissait d’un ânon, d’un petit âne, du petit d’une ânesse !

 

Aussi, malgré les cris de joie de la foule qui l’acclame comme Messie, Jésus est donc déjà – oserais-je dire – bien bas ! Et pourtant, il nous va falloir allez avec lui encore bien plus bas. La fête des Rameaux est celle des contrastes. Jésus se prépare à vivre sa descente ultime, sa plongée jusqu’à la mort dans le service de l’humanité. En très peu de temps, le roi triomphant devient, celui que l’on bafoue, que l’on ridiculise, que l’on torture et que l’on tue. Quel saisissant retournement !

 

J’aimerais justement avec vous, frères et sœurs, que nous nous laissions impressionner par ce renversement et sa brutalité et j’aimerais que nous le comprenions de l’intérieur, grâce au prophète Isaïe dont les paroles ont résonné tout à l’heure à nos oreilles. Comment en effet relier celui qui d’un côté est acclamé comme Fils de David, comme Messie joyeusement libérateur, et d’un autre côté, le Crucifié, en qui le Centurion romain – un païen, pourtant – saura voir – à la manière dont il meurt – qu’il est vraiment le Fils de Dieu ?

Les paroles d’Isaïe peuvent nous y aider. Après l’accueil triomphal que lui réserve Jérusalem, Jésus se trouve tout à coup devant une épreuve terrible, un invraisemblable complot, une montée de la terreur qui va déferler sur lui. Et comme le mystérieux serviteur dont parle Isaïe « Il ne s’est pas dérobé ». Il a su, en vertu d’une force intérieure, que malgré toute l’horreur dans laquelle il est plongé, « IL NE SERA PAS CONFONDU ».

Frères et sœurs, je ne parle pas aujourd’hui d’abord à ceux dont la vie est facile. Mais à ceux qui sont aux prises avec une remise en question profonde de toute leur vie, sous le coup des échecs ou des éliminations dont notre monde est le champion. Elimination du faible, élimination du malade, mise à l’écart de l’impotent, de la personne âgée ou handicapée.

Seigneur Jésus, combien nous admirons ta force, toi qui ne t’es pas dérobé. Toi qui as accepté de plonger dans la tourmente de ta passion en étant certain de NE PAS ETRE CONFONDU, d’être au contraire vainqueur à travers ton échec, jusqu’au cœur de ton offrande ! Comment as-tu fait ? Serviteur de Dieu, comment as-tu fait, Toi, Serviteur de notre salut ? Où as-tu puis la force ?

La réponse, je la trouve dans la parole qu’Isaïe met sur la bouche du mystérieux Serviteur souffrant : « J’ai ouvert mes oreilles et je me suis laissé instruire ».

Frères et sœurs, ne serait-ce pas de ce côté-là, du côté de l’attitude intérieure du Christ que se trouverait notre salut et notre vraie force. Comme Jésus a su lui-même écouter, profondément, comme il S’EST LAISSE INSTRUIRE des chemins du Père, alors qu’aujourd’hui nos propres peuvent être tout à fait déconcertants, ne nous faut-il pas désirer tous les mêmes dispositions ? A savoir, OUVRIR NOS OREILLES. Et les ouvrir en ce jour spécialement au récit bouleversant de la Passion du Seigneur.. Profitons de cette semaine sainte pour « NOUS LAISSER INSTRUIRE », que le courage du Sauveur nous donne cette force intérieure, ces vertus de foi et d’espérance, qui feront de nos vies, surtout là où elles sont menacées, fragilisées, des chemins de Pâques à la suite du Seigneur Jésus.
AMEN

 

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