Messe du dimanche des Rameaux et de la Passion

 

Abbé Michel Genoud, basilique Notre-Dame, Lausanne, le 28 mars 2010
Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Philippiens 2, 6-11; Luc 22, 14 – 23,56 – Année C


Luc 19, 28-40

Tout à l’heure, nous avons commencé notre célébration, en faisant mémoire de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.

  Il y avait de l’ambiance, ce matin-là, dans la ville sainte. La foule, dans un enthousiasme tout populaire, acclamait son « Roi ». Mais l’histoire va tourner court. Bientôt, sous la pression de quelques meneurs, la foule réclame la condamnation de Celui en qui elle avait reconnu son sauveur.

Pourtant, au moment le plus ignoble de la violence, de la cruauté dont il est victime, Jésus prie pour ses bourreaux. Son cœur, qui jusqu’ici n’a su qu’aimer, laisse encore monter vers le Père les mots de l’amour suprême : « Père, pardonne- leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Il n’y a pas de doute, la passion de Jésus traîne avec elle le parfum du pardon. Et pour que nous ne doutions pas de sa bonté, Jésus nous laisse… pour quittance, la parole qu’il adresse au larron repentant : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi en paradis. » Tel est donc le vrai visage de Dieu, tel est le regard réparateur qu’il pose sur moi, … un regard qui me libère, qui me fait vivre et qui m’ouvre déjà les portes du Royaume.

Ainsi, en deux paroles, Jésus efface pour toujours l’image d’un Dieu terrible et vengeur, qui ne laisserait rien passer.

Je connais des photographes qui immortalisent la Beauté, quelque chose qui appartient à la nature ou à l’humanité… comme des visages qui rayonnent une exceptionnelle lumière, une extraordinaire bonté. Ils n’ont rien à voir avec les paparazzi, avides de surprendre leur « proie » pour la figer dans une situation critique qui lui est défavorable. Ceux-là immortalisent en quelque sorte un instant de la vie. Ils font une instantanée qu’on pourra ressortir, quand on voudra, comme une épée de Damoclès sur la tête de leur victime.

Les textes liturgiques qui nous sont proposés aujourd’hui nous disent que Dieu n’est pas l’un de ces paparazzi à la recherche de nos dérives. Dieu ne me fige jamais dans le passé, mais il me projette dans l’avenir : il voit toujours en moi ce que je suis capable de devenir. C’est pour cela, qu’il m’aime à l’infini. Dieu, bien sûr, ne peut pas m’aimer à cause de mes péchés, à cause du mal que j’ai commis, mais, si Dieu voit d’abord en moi ce que je suis capable de devenir, je n’aie plus à regarder en arrière. Pardonné, j’ai désormais la vie ouverte devant moi et c’est là que Dieu m’attend pour aller de l’avant. 

Oui, Dieu voit d’abord en nous ce que nous sommes capables de devenir. Cette conviction libératrice est aussi une clef pour orienter notre vie vers les autres. Paparazzi, nous le sommes, lorsque, en face de l’un de nos frères, nous lui collons une étiquette, qui risque bien d’être un tatouage indélébile … dont il aura grand peine à se défaire. Que de critiques acerbes, que de pardons refusés sont à la source d’une rancoeur, qui empoisonne la vie quotidienne. Certes, le pardon n’est pas chose facile. Il suppose souvent un temps de digestion. Le pardon n’est pas non plus l’oubli, mais c’est le refus de se laisser emprisonner dans la haine ou d’entrer dans l’escalade de la violence.

Quelle libération en nous, quel espace de respiration seraient aménagés pour nous et pour notre entourage,  si, à l’image du Christ, nous nous efforcions de voir, en notre prochain, ce qu’il est capable de devenir.  L’exemple de Jésus et la force qu’il donne à qui la lui demande, peuvent nous ouvrir toujours davantage à la dimension de cet amour.                                     

Jésus m’entraîne ainsi dans une telle confiance que je pourrai dire avec lui : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » Amen !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *