Messe du dimanche de Pâques

 

Abbé Philippe Matthey, église St-Bernard-de-Menthon, Plan-les-Ouates, le 8 avril 2012
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Colossiens 3, 1-4;Jean 20, 1-9 – Année B


Quelle ouverture !    Quel bouleversement !

  Ce matin, ce tombeau vide fait éclater toute nos géographies : il nous situe bien plus loin qu’on en avait l’habitude. Il nous fait passer de la ville au monde… de là où l’on crie Hosanna, à là où l’on chante Exultet. Je vous invite à suivre ce chemin !

Nous voilà dans cette ville de Jérusalem où étaient enracinées les bonnes habitudes religieuses. Rappelez-vous, il y a une semaine c’est devant ses portes que la foule était massée pour acclamer Jésus comme un roi. Il était reçu dans sa capitale, pensait-on, ce qui motive le joyeux enthousiasme de cette fête. On y a crié et chanté, comme dans les fêtes les plus réussies : Hosanna, béni soit celui qui vient ! Littéralement : « s’il te plaît, sauve-nous ! » On attendait de celui qui vient qu’il soit le libérateur de cette ville et de ses habitants : c’est bien et c’est louable, mais c’est un peu réduire Jésus à la dimension de cette ville et de ses soucis d’indépendance.

Nous savons la suite : Jésus ne se laisse pas enfermer dans une carrière politique qui lui imposerait de régler les questions du pouvoir. On comprend donc qu’il puisse décevoir ceux qui attendaient autre chose. Cette foule qui l’acclamait va subir la manipulation des puissants et le rejeter avec la même force qu’ils l’avaient accueilli. Du coup c’est comme si les murs de cette ville se refermaient sur lui.

Il fallait donc aller plus loin. Jésus, homme libre par excellence, ne pouvait rester prisonnier d’un tombeau. Il fallait que le Hosanna exprimant le désir d’être sauvé trouve une autre dimension : le tombeau vide est devenu au matin de Pâques le signe du salut de l’humanité entière.

C’est le chant de l’Exultet qui a déchiré notre nuit, comme pour appeler la multitude des créatures à se réjouir de la vie nouvelle. Au ciel et sur la terre c’est la même joie qui envahit le peuple universel des filles et des fils du Père. Un peuple nouveau est constitué à la dimension du monde. Le passage de la ville de Jérusalem au monde entier est symbolisé par le passage d’un cri à un chant : des Hosanna de Rameaux à l’Exultet de l’aube de Pâques.

Vous avez remarqué ?  On court beaucoup dans cet évangile de Pâques. Voyant que la pierre est enlevée du tombeau, Marie Madeleine court trouver Pierre et l’autre disciple. Les deux vont au tombeau en courant et l’un va plus vite que l’autre. J’aime cette petite compétition qui dit que même les disciples ont leur amour propre. Le premier est tout fier de faire comprendre qu’il est le plus rapide. Le second, dont la tradition nous dit qu’il serait Jean, le même qui écrit cet évangile, est tout fier de parler de lui comme du disciple que Jésus aime.

Au delà des qualités propres de ces deux personnages, nous découvrons là ce qui caractérise le disciple du Ressuscité : se savoir aimé et le communiquer au plus vite avec enthousiasme. Nous voilà donc là aussi invités à suivre le chemin. Quelle bousculade, quelle ouverture !

A propos d’ouverture : un détail de cet évangile a retenu mon attention.
C’est en deux étapes que l’un puis les deux disciples découvrent que le tombeau est vide.
D’abord l’un se penche et il voit le linceul ; il est resté là, il est le signe que la mort n’est pas oubliée. Ce n’est que dans un deuxième temps que les deux entrent dans le tombeau. C’est donc à l’intérieur du tombeau qu’ils constatent que le mort n’y est pas.

Qu’est-ce que cela signifie ?
Que d’abord il faut voir, et pour cela se pencher, se bouger pour chercher du regard.
Mais ça ne suffit pas ; ce regard doit conduire à un déplacement : en entrant dans le tombeau, les disciples font le même chemin que Jésus. A leur manière ils passent par la mort, ils en expérimentent les signes. Et devant le vide, ou plutôt l’ouverture, leur regard les conduit à croire. Par le déplacement de leur corps, c’est aussi un déplacement de leur être qui les engagent à la suite du crucifié.

Et nous savons qu’ils ne sont pas restés dans le tombeau. On ne serait pas là pour en parler. Y étant entrés, ils leur a bien fallu en sortir. Ainsi, les deux disciples ont expérimenté le même déplacement que le Christ. Sortant du tombeau à sa suite ils sont déjà engagés dans la vie nouvelle du Ressuscité. C’est ainsi qu’il deviennent les témoins crédibles de la Résurrection.

A leur suite nous avons la possibilité de ne pas rester simples spectateurs de l’événement de Pâques et de nous engager avec tout notre être dans ce passage à la vie nouvelle. Nous voici devenus des acteurs de notre propre liberté. Ce passage, nous l’avons expérimenté dans notre chair au jour de notre baptême : plongés dans l’eau, nous sommes comme entrés dans la mort du Christ pour en ressortir vivants, ressuscités avec lui, comme le dit saint Paul aux Colossiens.

Oui, les amis, le chemin du Christ est devenu notre propre chemin : la fête de ce jour nous y invite une nouvelle fois.

                                                                  Joyeuse Pâques à vous et à tous les vôtres !

 

 

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