Messe du dimanche de Pâques

Mgr Bernard Genoud, évêque, à la chapelle de Notre-Dame des Marches, Broc (FR), le 27 mars 2005.

Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9 – Année A

Chers frères et soeurs,
Chers enfants qui animez joyeusement cette Messe de Pâques,
Et vous surtout, chers malades ou auditeurs qui nous avez rejoints sur les ondes,

L’évangile de ce jour est tellement extraordinaire! Il nous présente trois personnages stressés par la joie, la surprise, l’exaltation…sans transition, après le deuil et l’incommensurable tristesse de la mort de l’Aimé… Leur coeur a dû bondir au-dedans d’eux-mêmes, comme une bête folle, à l’annonce de l’incroyable nouvelle: Il est ressuscité! Et Marie-Madeleine court vers les apôtres, et Pierre et Jean se précipitent vers le tombeau où ils arrivent hors d’haleine. Oui, il y a de quoi perdre le souffle, et le souffle, à vrai dire, ils ne le retrouveront vraiment que cinquante jours plus tard, dans l’ouragan de Pentecôte qui enverra les apôtres, comme des boulets de canon, annoncer l’incroyable nouvelle, l’évangile justement, jusqu’aux extrémités du monde connu à l’époque; et cela ils le feront jusqu’à leur dernier souffle qui leur sera arraché par le témoignage de leur martyre.

Oui, Il est ressuscité et Il en fera de même avec nous. C’est pourquoi, évidemment, la mort ne leur fera plus peur, à ceux qui savent cela ! Oui, ce matin, c’est un formidable trio que l’Eglise rappelle à notre mémoire. Parce que ces trois personnages sont comme le résumé de toute l’histoire du salut et de l’Eglise!

Marie-Madeleine, d’abord, la pécheresse repentante, la première à découvrir le tombeau vide. Oui, c’est d’abord pour les pauvres, c’est-à-dire pour ceux qui savent se reconnaître pécheurs, c’est pour ceux-là qu’Il est venu, donc aussi pour vous et moi, qui que nous soyons : malades ou en santé ! C’est pour nous tous, pauvres pécheurs, qu’Il a quitté les 99 brebis fidèles, c’est-à-dire le choeur des anges et la sérénité du paradis, pour chercher la brebis perdue. Et Marie-Madeleine, la repentante, sera la première à Lui parler, et à Le reconnaître sous les traits du jardinier: Rabonni, Maître!

Et Marie-Madeleine, la pécheresse, sera aussi le premier apôtre, la première envoyée, la première missionnaire, la première annonciatrice envoyée aux apôtres eux-mêmes, c’est-à-dire à l’Eglise officielle, aux premiers évêques (les apôtres), et à Pierre le premier pape. Marie-Madeleine, la synthèse des trois vertus théologales: la foi, l’espérance et la charité.

– Marie-Madeleine: la foi !… La foi qui avait cru en la miséricorde de Dieu, c’est-à-dire qui avait été conséquente avec le pardon reçu et qui avait immédiatement changé de vie.

– Marie-Madeleine: l’espérance !… L’espérance qui ne savait pas ce qu’elle attendait, mais qui pourtant attendait quelque chose… pour se rendre de si bonne heure au tombeau.

– Marie-Madeleine: la charité !…la charité surtout, l’amour, selon le témoignage de Jésus lui-même: « Il lui sera beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé. » Marie-Madeleine qui avait lavé les pieds de Jésus avec ses larmes, les avait essuyés de ses cheveux et les avait, comme par avance, embaumés du précieux parfum de son repentir.

Oui, Marie-Madeleine c’est l’amour fidèle dans toute sa splendeur, jusqu’au bout de l’épreuve, au pied de la croix de l’Aimé, comme jusqu’au bout de la joie, aux pieds de Jésus, l’Aimé ressuscité. Alors bien sûr qu’elle pouvait être la première apôtre, la première envoyée aux apôtres eux-mêmes.

Et puis il y a « l’autre disciple, celui que Jésus aimait » et qui, par humilité, ne dit même pas son nom, puisque c’est lui-même qui écrit ce récit: S. Jean, l’aimé, Jean qui, au soir de la Cène, avait posé sa tête sur le coeur de Jésus, à la demande de Pierre, pour en saisir les secrets battements que Pierre lui-même, Pierre pourtant le chef, n’aurait pas pu percevoir à ce moment…Il lui fallait encore passer par la triste et douloureuse expérience de sa trahison… Mais, Jean: c’est le mystique, la vie cachée, enfouie dans le coeur même de son Seigneur.

Oui, Jean contient en son coeur la vocation de tous les contemplatifs et de toutes les contemplatives de tous les temps de l’Eglise. Ce sont eux et elles, maintenant, cachés dans l’anonymat de leur monastère, eux les disciples que Jésus aime, qui continuellement posent leur tête sur le coeur de Jésus pour en saisir les plus humbles désirs, et en avertir Pierre, c’est-à-dire le pape et l’Eglise tout entière. Ce sont eux les premiers, sur les ailes de l’amour, qui arrivent au tombeau… Mais on les reconnaît, comme saint Jean, à leur respect de l’autorité de Pierre.

Parce que Saint Jean sait, comme Marie-Madeleine, que c’est lui, Pierre, le pape, qui a à discerner, à constater et à authentifier ce qui vient de Dieu. Pierre qui arrive en dernier, mais qui entre le premier! Pierre, la sécurité de la foi, le rocher sur lequel est bâti cette Eglise, celui à qui Jésus a dit, il y a quelques temps : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise »… Et Jésus le maintiendra dans cette mission quand il aura reconnu sa fragilité, dans quelques jours : « Pierre m’aimes-tu ? »… et cet espèce de gémissement, finalement : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ! »… et c’est alors la bouleversante réponse de Jésus : « Pais mes brebis! » ce qui veut dire : « Oui je le sais… et toi, puisque tu es revenu à Moi, va et confirme tes frères dans la foi ! »

Voilà la fulgurante résurrection de Jésus, qui est en même temps le premier cri de l’Eglise nouvelle: faite de pécheurs repentants, de contemplatifs adorants et de malades offrant leurs souffrances et leur prière, comme aussi d’autorité servante de la foi. Et il lui faut indissociablement ces trois dimensions pour être la vraie Eglise de Jésus, où chacun a sa place ! Dans le monde et aux premières lignes des combats de la foi, ou dans le secret des monastères tout comme au fond d’un lit de malade, ou dans le service laïc ou sacerdotal : toutes et tous, chacun selon notre vocation propre : toutes et tous nous sommes envoyés par l’Eglise pour clamer au monde la résurrection de son Seigneur.

Voilà la formidable Eglise à laquelle nous appartenons déjà et que nous allons aimer tellement davantage jusqu’à ce que le Seigneur nous entraîne, nous aussi, dans le tourbillon de sa gloire de Ressuscité pour cette Pâque joyeuse et éternelle que je vous souhaite à tous et à toutes !

Amen !

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