Messe du dimanche de la Solidarité

Mme Viviane Maeder, diacre de l’Eglise évangélique-réformée, à la basilique Notre-Dame à Neuchâtel, le 15 novembre 2009
Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3; Hébreux 10, 11-18; Marc 13, 24-32 – Année B

 

Au premier abord, ce texte peut sembler effrayant. Actuellement, beaucoup de gens ont à l’esprit des images de fin du monde, de guerre atomique ou d’explosion planétaire, un peu comme ces films de science-fiction qui décrivent des catastrophes intergalactiques. Et pourtant, Jésus en parlant à ses disciples ne fait qu’utiliser le langage imagé et poétique de l’époque, employé par les prophètes de l’Ancien Testament : les étoiles, le soleil et la lune représentaient des divinités païennes, ces puissances qui sont dans le ciel et qui trembleront au retour du Christ. Aujourd’hui, on pourrait dire tous les faux prophètes, ces gourous et ces alarmistes qui usurpent le pouvoir pour alimenter nos peurs. Oui certains les considèrent comme des stars, mais leurs clinquants de pacotilles tomberont les uns après les autres quand paraîtra la véritable lumière, qui elle ne peut tromper personne.
Le langage apocalyptique est un dévoilement : celui de la parole de Dieu qui ôte le voile au-delà des catastrophes pour nous redonner espoir. Certes Jésus annonce des guerres et des persécutions à venir, mais avant tout pour nous dire que la répétition de nos drames humains est une trajectoire ; l’Histoire marche vers une fin, et nous-mêmes sommes en marche vers la victoire de la lumière sur nos ténèbres, celle du Christ ressuscité et de son chemin de vie pour nous sur tout ce qui en nous mène à la mort.
Ces jours-là, dit le texte, les gens souffriront beaucoup. Est-ce rattaché à une période particulière, comme celle qu’ont vécue les disciples lors des persécutions romaines au premier siècle ? Et aujourd’hui ? Il n’est pas de jour sans que nous n’entendions les médias nous parler de famines, d’inondations, et de malheurs en tout genre. Et encore, si les catastrophes ne se produisaient qu’à l’autre bout du monde, nous pourrions encore nous croire épargnés. Eh bien non. Chez nous, en Suisse on est à l’abri de rien. La fameuse grippe A pourrait bientôt faire des ravages ici, si l’on se fie aux pronostiques. Et puis surtout, la crise économique et financière est bien présente dans nos préoccupations. A l’issue des votations sur l’assurance-invalidité, la presse décrit le rôle qu’a joué la peur du lendemain sur la population.
A l’aumônerie de rue de Neuchâtel, il ne s’écoule pas une semaine sans que j’entende les plaintes des victimes d’exclusion en tout genre qui souffrent de marginalisation sociale, avec la dégringolade physique et psychique que cela engendre. « Je n’ai pas de boulot, peur de ne pas trouver un logement après une longue période de chômage, d’hospitalisation, voire de prison. Quelle perspective d’avenir ? Qui se soucie de moi ?»
Voici ce qu’en dit Lytta Basset, théologienne et conférencière bien connue : «Faire comprendre à l’autre que cela fait une différence qu’il existe, c’est lutter contre les sentiments de solitude et d’exclusion, racines du pessimisme.»
En ces jours-là les gens souffriront beaucoup. Le soleil ne brillera plus. Combien de ces personnes n’expriment-elles pas aujourd’hui leur difficulté d’avancer à tâtons, comme dans un tunnel obscur, et il est essentiel de commencer par reconnaître et valider cette souffrance, plutôt que de la noyer par quelques belles paroles de consolation. « Oui tu as mal. La vie, les autres, t’ont blessé injustement, et nous prendrons ensemble le temps d’entendre ton cri, tes révoltes et tes deuils successifs. Ou alors nous nous tiendrons tout simplement en silence devant la croix à la chapelle, ou même au bord du lac si tu préfères. Et là, nous laisserons au Christ le temps de te rejoindre. Peut-être ne ressens-tu rien en ce moment, ou es-tu incapable de L’entendre à cause de tout ce qu’on t’a fait subir. Mais lui Il est là, tout près de toi. De tous temps Il a été là, même dans l’indicible, l’insupportable. Il se tient à la porte de ton cœur, et il frappe, comme il est dit dans l’Apocalypse : « Si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. »
Jésus se tient à la porte, tout près de celui qui souffre. Jamais il ne forcera l’entrée, mais il continue à frapper inlassablement. Qu’attendons-nous pour le laisser entrer et nous dire je t’aime ?
Comme l’a dit Frère Roger de Taizé, le Christ se tient à nos côtés tel un pauvre dans les fragilités de l’existence. C’est pourquoi, lorsqu’une personne que j’accompagne quitte la chapelle, je lui propose une bougie qu’elle pourra allumer chez elle lorsque ses ténèbres intérieures se feront trop sentir. « Certes, ton tunnel ne va pas disparaître, mais souviens-toi que Jésus marche à tes côtés tout doucement, un peu comme la lueur de cette bougie qui te permettra d’avancer vers la sortie, un pas à la fois.»
Peut-être seras-tu tenté de demander comme l’ont fait les disciples : « Quand cela se produira-t-il ?» La fin du monde… la fin de mon tunnel… de tous nos tunnels ?
Dans l’Evangile, Jésus ne répond pas quand à la date. Seul le Père la connaît. Il ne donne qu’une indication pour mettre ses disciples sur la piste: la comparaison avec le figuier, que tout le monde pouvait observer, et dont les feuilles tendres signifiaient à coup sûr l’arrivée du printemps. Ne pouvons-nous pas nous aussi guetter, comme l’annonce du printemps à venir, les signes de la tendresse de Dieu pour chacun de nous ?
Oui dans ce geste de ma sœur, de mon frère, dans la confiance qu’il me fait aujourd’hui, par son écoute attentive, cette amitié partagée avec les plus démunis, cette solidarité aux multiples visages, le Christ est proche, tellement proche qu’Il est à notre porte. Préparons-nous à l’accueillir comme cette lueur d’espérance qui commence à éclairer nos cœurs à quelques semaines de Noël : Vous tous, auprès comme au loin, sachez qu’un Sauveur est déjà en route pour nous rejoindre au cœur de nos ténèbres.
Amen

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *