Messe du baptême du Seigneur



Abbé Giraud Pindi, église de St-Pierre-aux-Liens, Bulle, le 10 janvier 2010
Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-11;
Tite 2,11-14.3,4-7; Luc 3,15-22 – Année C

Bien aimés dans le Christ,
le baptême conféré par Jean dans le Jourdain s’inscrivait dans un cadre symbolique de préparation à l’accueil du Messie, un symbole qui faisait entrer l’homme dans un processus de conversion.

Jean Baptiste lance cet appel à la conversion par des paroles parfois très dures et très exigeantes : «Engeance des vipères, dit-il, aux pharisiens, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion, et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham… car tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu…» (Mt 3,2.7-9.11-12). Ainsi, nous disent les Ecritures, des foules, des publicains, collecteurs d’impôts, des soldats allaient humblement vers Jean et acceptaient de commencer un processus de changement de conduite.

Jésus n’avait pas besoin de recevoir ce baptême de Jean. Dans l’évangile de Matthieu 3, 14-15, on assiste à ce dialogue. Jean s’oppose à baptiser Jésus : « C’est moi, dit-il, qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi !’. Mais Jésus lui réplique : ‘Laisse faire maintenant : c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice ». Et c’est là que se situe le premier message de cet événement : « C’est moi qui devais venir à Jésus. Mais c’est Jésus qui vient à moi ».

  Alors il descend dans les eaux du Jourdain. C’est comme si, pour Jésus, descendre du ciel n’était pas suffisant. Il eut fallu encore aller jusque là. Descendre dans le Jourdain avec ces foules signifie entrer en communion avec l’Homme pécheur, c’est aller à sa rencontre, rejoindre la personne humaine dans sa condition la plus fragile, la plus sale peut-être, la plus tragique, ou simplement la plus humaine.

Descendre dans le Jourdain signifie partager avec l’autre ses joies et ses peines, ses angoisses et ses espoirs. Descendre dans le Jourdain c’est prendre bain avec l’autre, être proche de lui, être attentif à l’autre, c’est une manifestation d’amour profond. Les foules allaient vers Jean, mais maintenant c’est Jésus va vers les foules. Jésus refuse de se distinguer par des attitudes d’autorité, de pouvoir et même par des signes distinctifs. Jean, dit la bible, était vêtu de poils de chameau et mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Jésus va partager le repas avec les pécheurs, il approche des hommes et des femmes rejetés par la société, parce qu’il veut toucher l’essentiel de la personne humaine c’est-à-dire sa vie intérieure, la qualité de son cœur.

Jésus montre alors la mission de l’Eglise : l’Eglise ne doit pas se présenter comme une puissance extérieure, avoir des airs de pouvoir dominateur ou écrasant. Mais  elle doit savoir descendre dans le Jourdain c’est-à-dire rejoindre les hommes et les femmes concrets dans leurs vies concrètes et réelles, dans leurs souffrances et leurs joies quotidiennes, dans leurs questionnements quotidiens, non pas pour les juger, mais pour les aimer et les relever.

C’est cela la tâche qui incombe à celui qui accepte d’être au service du Christ et de l’Eglise : prêtre, pasteur, agent pastoral, engagé dans la diaconie, membre d’un conseil quelconque : tu as été appelé et choisi pour servir c’est-à-dire, comme le Christ, aller vers l’autre,  rencontrer l’autre, te mettre à son niveau, t’abaisser, te débarrasser de l’orgueil et des prétentions, te dévêtir des préjugés et même des titres, s’il le faut, pour descendre dans le Jourdain du quotidien à la rencontre de l’homme et de la femme du quotidien. Il est temps de vivre l’expérience de l’abaissement. Alors l’élévation vient de Dieu.

Un jour un enfant demanda à Jean Paul II quel était le plus grand jour de sa vie. A la surprise générale, Jean Paul II répondit : « le plus grand jour dans la vie d’un Pape, c’est le jour de son baptême ».
 
Deux événements vont marquer ce que j’appellerai ce baptême d’abaissement de Jésus : la descente de l’Esprit Saint et la voix venue des cieux.

L’Esprit Saint inaugure les temps nouveaux : « le baptême par l’Esprit Saint et le feu». C’est le symbole divin d’intronisation, de consécration, de choix et d’envoi. Dans Marc 1,1  Jésus reprend à son compte les paroles d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres ». Et la voix du ciel confirme : « Tu es mon Fils, bien-aimé. Moi aujourd’hui je t’ai engendré ». Ces événements nous renvoient à nous-mêmes, car nous aussi, nous avons reçu l’Esprit et nous sommes filles et fils de Dieu par le baptême.

En célébrant donc le baptême de Jésus c’est de ton propre baptême que tu dois prendre conscience : l’eau qui avait coulé sur ta tête ou dans laquelle tu avais été plongé; la main posée sur toi par le ministre et l’onction de l’Esprit reçue sur ton front ; le vêtement blanc que tu avais porté ; le cierge allumé que tu tenais ou que ton parrain et ta marraine avaient dans leurs mains : qu’est-ce que tout cela est devenu aujourd’hui dans ta vie ? des gestes insignifiants ? un simple rite ? un vague souvenir transmis par des photos d’enfance ? l’obéissance à une coutume familiale ?

Eh bien, non !Ces quelques gouttes d’eau, ces quelques instants de plongée, depuis Jean Baptiste sont porteurs de promesses et de grâces divines. Ce n’est pas une invention de l’Eglise, mais l’expression de l’amour de Dieu : « Tu es mon fils, mon bien-aimé, aujourd’hui je t’ai engendré ».

Reconnaître son enfant est une preuve de grand amour. Et qu’est-ce qu’un père et une mère attendent de leur enfant ?  C’est qu’il porte dignement le nom de famille, qu’il fasse honneur aux valeurs familiales.

Ainsi en est-il de Dieu, notre Père, par le baptême il nous a appelés à porter dignement le nom de chrétien et à vivre une vie chrétienne de grande qualité.

Il suffit pour cela de réécouter aujourd’hui l’appel de Jean Baptiste :
« prépare le chemin, aplanis la route du Seigneur » ;

Eh bien ! le chemin du Seigneur c’est ton cœur ;
trace dans ton cœur une route pour Dieu, donne-lui de l’espace ;
puisqu’il s’agit de la route, je dirais : éteins le feu rouge de ton insouciance, de ton indifférence, de ton athéisme et allume le feu vert : feu vert pour Dieu, feu vert pour le Christ, feu vert pour l’Esprit Saint.
J’oserai même dire, ne prends pas la route de contournementne contourne pas Dieu, mais fonce vers Lui;
Et, dans cet hiver si froid, réchauffe ta vie et ton cœur au feu de l’Esprit de ton baptême.

Alors et alors seulement, les promesses de Dieu se réaliseront : les ravins de ta vie seront comblés, les montagnes et les collines de ton existence seront abaissées et les passages tortueux de ta vie redeviendront droits. N’attends pas demain. Car, dit la voix de Dieu : « Tu es mon Fils. Moi, c’est aujourd’hui que je t’ai engendré ». C’est aujourd’hui que Dieu vient chez toi. N’attends pas demain. Amen !

 

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