Messe du 9ème dimanche ordinaire

 

Mgr Rémy Berchier, le 1er juin 2008, à Lourdes
Lectures bibliques : Deutéronome 11, 18.26-28; Romains 3, 21-25.28; Matthieu 7, 21-27 – Année A

Mes frères et mes sœurs malades, nos maîtres,
chers pèlerins ici à Lourdes et pèlerins de la foi chez vous, en Suisse,

« Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours », tels étaient les premiers mots de Marie au moment où elle visitait Bernadette, ici, à la Grotte de Massabielle, il y a 150 ans ! C’était une véritable visitation !

Mais plus de 18 siècles auparavant, Marie, la Vierge, vivait sa deuxième grande Visitation dont nous venons d’entendre le récit et dont l’Eglise fêtait l’événement hier (Luc 1, 39-56). Mais il y avait eu, quelques semaines avant, la première Visitation : l’Annonciation, durant laquelle l’ange Gabriel visitait Marie en lui disant : « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu ».

« Rien n’est impossible à Dieu » – « sois sans crainte » – maintenant, c’est Marie qui se met en route, elle qui, à son tour, prend les devants, se presse, court vers sa cousine Elisabeth pour entrer chez elle, pour la rejoindre au plus profond de son cœur, pour la rejoindre dans tout ce qu’elle vit, pour partager la maternité, la maturation, la croissance de Dieu en elle.
Celle qui porte Dieu en elle s’empresse d’aller l’apporter à sa cousine. Et là, se produit l’extraordinaire : à la simple salutation de Marie, Elisabeth est complètement retournée, transformée, transfigurée : son propre enfant, donc son intérieur, ce trésor qu’elle porte en elle, son Essentiel, tout en elle tressaille.
Ainsi, elle devient capable, poussée par l’Esprit-Saint, de crier sa joie et son bonheur, mais surtout de reconnaître la grandeur, la beauté, l’immensité, la divinité et la disponibilité de sa cousine Marie et de Dieu en elle.

Mais le plus extraordinaire est qu’Elisabeth a déclenché les forces de l’Esprit en Marie. Elle a déchaîné l’Esprit-Saint en Marie. Elisabeth a libéré le Magnificat de Marie. Marie va découvrir dans la rencontre avec sa cousine ce qu’elle n’avait pas encore compris. Marie va à la rencontre de l’autre, porteuse de la Parole qui prend corps en elle et aussi, elle se laisse transformer par la rencontre avec Elisabeth. C’est Elisabeth dans sa vieillesse, la femme stérile comme dit l’Evangile, qui déchaîne l’Esprit et suscite, provoque le cri merveilleux de joie, le cri du cœur, la grandeur du fond de l’être, l’Essentiel, qui jaillit du cœur de la jeune fille Marie ! Quelle beauté, quelle merveille !

Durant cette semaine à Lourdes, que de visitations nous avons tous vécues !
Toutes nos rencontres humaines, et surtout eucharistiques et sacramentelles, furent des visitations. Mais surtout, vous, nos frères et sœurs malades, handicapés âgés, souffrants, avez si souvent été Visitation pour nous tous.

Mes pères évêques, mes frères prêtres et diacres, sommes arrivés vers vous, porteurs de la Parole et vous nous avez transformés, vous avez suscité en nous le cri de la joie et de l’action de grâce, vous avez fait de chacune de nos rencontres une véritable Visitation, vous nous avez laissé découvrir Dieu en vous, vous nous avez ouvert le livre de l’histoire sacrée que vous êtes. Vraiment nos malades sont nos maîtres !

Je pourrais, en cette heure, tous vous citer mais vous êtes tous dans mon cœur.

Toi, Monique, qui as marché 35 jours pour venir à Lourdes et qui portais dans ton cœur le très lourd fardeau de ton fils, décédé il y a 7 ans. Tu es arrivée à Lourdes et tu nous as dit : « Je peux vous dire l’endroit précis, au centre de la France, où j’ai laissé mourir enfin mon fils, où je lui ai permis de s’en aller, où j’ai enfin accepté sa mort, j’en ai pleuré pendant 3 jours ».

Et toi, Benoît, qui, sur ta chaise roulante, avec ta jeunesse, fais de chacune de nos rencontres un puits de joie et d’éclats de rire.

Et toi, Liliane, qui, avec ta sclérose en plaques, ne fais que dire que c’est merveilleux, que c’est beau et tu en pleures de joie.

Et toi, Marion, qui nous dis par toute ta vie la guérison extraordinaire que Marie a opérée en toi et qui viens chaque année à Lourdes la remercier, et toi, Irène, qui, après avoir œuvré pendant des décennies comme hospitalière, te retrouves dans une chaise roulante et qui ne taris pas de louange à Dieu pour tout ce que les autres te donnent.

Et toi, Jean-Michel, de Crans Montana, et Juliette, toi ma sœur Catherine et toi Myriam du Valais…

Et vous, tous les malades qui nous avez fait pleurer, nous évêques et prêtres, en vous transmettant le sacrement des malades, votre visage criait la joie et votre corps souffrant s’ouvrait comme une rose à l’Esprit-Saint. A chaque fois, ce fut une Visitation !

Et toi que j’ai rencontré devant la Grotte au milieu de la nuit, dans la paix et le silence, et qui me partageais en pleurant ta peine à lâcher prise sur toi-même.

Et vous tous qui avez partagé vos soucis de santé, vos souffrances morales et affectives, que de merveilleuses Visitations ! Vraiment toute rencontre fut une vraie Visitation ! Vous avez déchaîné en nous la force de l’Esprit et libéré le cri de joie, notre Magnificat :
Oui, mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Le Puissant fit pour moi des merveilles, par les malades tes préférés et nos maîtres, par les hospitalières et hospitaliers qui se donnent sans compter, par les pèlerins qui ouvrent leur cœur, crient leur joie et espèrent tout en Toi.

Père qui élèves les humbles, combles les affamés, béni sois-tu éternellement.
Père par Marie qui, au cœur de toutes ces visitations, n’a cessé de nous dire son nom, qu’elle révélait enfin à Bernadette le 25 mars 1858 : « Je suis l’Immaculée Conception ».
Merci du fond du cœur à nos grandes sœurs et grands frères malades.
Merci à toi pèlerin à Lourdes, Merci à toi pèlerin de la foi en Suisse et ailleurs. Faisons chacune de nos rencontres une Visitation.
Déchaîne les forces de l’Esprit en l’autre que tu rencontres et laisse jaillir de ton cœur l’Essentiel, ton Magnificat.

Amen

 

 

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