Messe du 7e dimanche ordinaire

Chanoine François Roten, à l’Abbaye de Saint-Maurice, le 22 février 2004.

Lectures bibliques : 1 Corinthiens 15, 45-49; Luc 6, 27-38

Pardon et re-création

« La spécificité du Christianisme, c’est sans nul doute le pardon des ennemis. »

 

Avouons-le, frères et sœurs, il n’est pas facile d’entendre sereinement et sans se poser de graves questions l’enseignement qui est celui du Christ dans l’évangile de ce jour.

N’y a-t-il pas dans ce pardon sans mesure que demande Jésus, de quoi blesser notre aspiration profonde à la justice, à l’équité et à la vérité ?

Aimez vos ennemis… priez pour ceux qui vous calomnient… faites du bien à ceux qui vous haïssent… ne réclamez pas à celui qui vous vole… à celui qui te frappe, présente l’autre joue…

Le Seigneur voudrait-il minimiser les fautes reconnues que sont ,par exemple, la calomnie, le vol, la violence ? De tels comportements ne nécessitent-ils pas un redressement de la barre et un charitable mais vigoureux rappel à l’ordre ?

Pourquoi pardonner sans rien répliquer, se laisser – si vous me passez l’expression – tondre comme des moutons ?

Je crois que nous ne comprendrons jamais les paroles du Christ si nous restons ainsi terre à terre, si nous restons des hommes et des femmes qui réfléchissent à la manière humaine, en oubliant leur baptême et la dimension spirituelle que ce sacrement a donné à nos vies terrestres.

Et ici la lettre de saint Paul que nous avons entendue tout à l’heure est très éclairante.

Paul nous rappelait tout d’abord que nous sommes des fils d’Adam, le premier homme, c’est-à-dire des êtres humains avec des aspirations humaines, ayant reçu la vie par la grâce créatrice de Dieu. Des hommes pétris de la terre et aux aspirations terrestres.

Mais Paul nous disait ensuite que nous sommes appelés à être à l’image du dernier Adam, le Christ, c’est-à-dire des êtres spirituels, enfants de Dieu à l’image du fils unique de Dieu, qui ne reçoivent pas la vie, comme le premier Adam, mais qui donnent la vie, comme le Christ donne la vie. Des êtres spirituels, qui ne sont pas de la terre, mais d’en haut. Des êtres créateurs…

Comme fils d’Adam, nous appartenons donc à la terre, mais comme fils du nouvel Adam, nous sommes devenus des êtres spirituels.

Et cet aspect du spirituel qui est en nous depuis notre baptême et notre entrée dans la famille de Dieu, nous oblige, comme un talent spécial que nous aurions reçu. Lorsqu’on a reçu des talents, il faut les mettre en pratique, il faut les faire fructifier.

Et quel talent avons-nous reçus ? – une capacité de vivre à l’image de Dieu sur les chemins de la perfection, d’aimer à l’image de Dieu, de pardonner à l’image de Dieu, d’avoir la justice remplie de miséricorde qui est celle de Dieu.

Certes, nous n’y sommes pas encore, mais nous sommes sur le chemin de la perfection, avançant cahin-caha, bon gré mal gré au jour le jour. L’important ce n’est pas d’arriver à aimer comme Dieu tout de suite ; l’important, c’est d’essayer toujours d’aimer comme Dieu nous aime, d’essayer toujours de pardonner comme Dieu pardonne.

« La spécificité du Christianisme, c’est sans nul doute le pardon des ennemis ».

Non pas un pardon cosmétique, de surface qui ne serait qu’un oubli des fautes ; ce n’est pas non plus un pardon que je mets en pratique afin d’être pacifié avec moi-même, afin de me sentir bien dans ma peau et de pouvoir mieux vivre.

Non, le pardon chrétien à l’image de Dieu est plus que cela.

Le Père François Varillon disait quelque part que ce pardon, « ce n’est pas un coup d’éponge, ce n’est pas une lessive, c’est une re-création ».

Le pardon chrétien, c’est la tendresse de Dieu qui est réalisée par les mains de l’homme. Voilà pourquoi le pardon donne vie, le pardon fait grandir, le pardon re-créé.

Oui, frères et sœurs, lorsque je pardonne, je suis créateur, je participe à l’acte créateur divin ; pour paraphraser saint Paul, dans mon pardon, j’achève ce qui manque à la création de Dieu : je suis à l’image de Dieu, qui pardonne et qui, dans son pardon, dans sa miséricorde, donne la vie.

Alors, frères et sœurs, pardonnons, car

plus nous pardonnons, plus nous sommes uni à Dieu,

plus nous pardonnons, plus nous hâtons la venue du règne de Dieu,

plus nous pardonnons, plus nous sommes, avec Dieu,

créateurs de ce monde nouveau aux dimensions d’éternité !

 

 

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