Messe du 7e dimanche du temps ordinaire

 

Père Jean-René Fracheboud, au Foyer de Charité « Dents du Midi », Bex, le 19 février 2006
Lectures bibliques : Isaïe 43, 18-25; 2 Corinthiens 1, 18-22; Marc 2, 1-12 – Année B

Acrobatique l’approche de Jésus !

A l’heure où beaucoup de regards sont tournés vers les jeux olympiques et ses exploits sportifs, le texte de l’Evangile proposé à notre méditation – la guérison du paralytique – nous oriente vers une performance peu ordinaire.

Est-ce que la foi serait acrobatique ?

Il fallait beaucoup d’audace, de force et d’imagination à ces quatre hommes pour hisser sur le toit de la maison un brancard avec un paralysé et le faire descendre par une ouverture devant Jésus.

D’ailleurs le texte souligne la réaction et l’admiration de Jésus devant cette initiative : “ VOYANT LEUR FOI, Jésus dit…”

Il y a quelque chose de très beau qui se joue dans ce récit au niveau de l’architecture spatiale. Il y a un jeu entre l’horizontal et le vertical.

L’horizontal est bloqué ! Pas moyen de s’approcher de Jésus revenu de Capharnaüm tout auréolé de ses premiers gestes de puissance, de ses premiers miracles qui étonnent, qui frappent, qui posent question … guérison d’un possédé dans la synagogue, guérison de la belle-mère de Pierre, guérison massive à la porte de la ville. guérison d’un lépreux… Il n’en faut pas plus pour soulever un enthousiasme populaire. Plus moyen d’accéder à Jésus, il n’y a plus de place même devant la porte, l’horizontal est bouché.

Il faut inventer le vertical ! Et c’est ce que font audacieusement les porteurs qui prennent de la hauteur, ouvrent le toit et descendent le paralysé devant Jésus.

Le handicapé lui est toujours à l’horizontal mais le geste de ses compagnons exprime la verticalité d’une foi et d’une confiance qui touchent Jésus lui-même : “VOYANT LEUR FOI…”

Le paralysé qui fait corps avec son brancard dans l’horizontal n’est-il pas l’image de l’humanité d’aujourd’hui esclave de ses grandes surfaces, d’une humanité sans relief, sans hauteur et sans profondeur ?

Comment ré-inventer la profondeur au temps des grandes surfaces ? Est-ce que nous ne souffrons pas d’être aplatis par l’évolution d’un monde, d’un style de vie qui écrase l’humain dans l’homme.

La paralysie n’est-elle pas cette souffrance, cette maladie qui empêche l’homme de vivre à hauteur de son coeur, de ses ambitions, de ses idéaux, de ses nostalgies ? Le paralysé, c’est ce qui reste quand on a tué l’humain qui est dans l’homme.

C’est à ce moment-là que Jésus intervient.

Il ne peut pas supporter que l’être humain soit à ce point diminué, rendu à l’état d’une épave immobile, en désarroi et en survie.

“ J’ai vu la misère de mon peuple et je suis résolu à le libérer ”.

C’était là le premier cri indigné de Dieu au début de la révélation dans l’Exode, c’est maintenant le sens de l’INCARNATION, de la présence de Jésus, Fils de Dieu au coeur de l’humain. Il fait le déplacement du ciel à la terre dans une belle verticalité pour faire toute chose nouvelle, pour remettre l’homme debout dans sa dignité et sa responsabilité.

Mais Jésus n’intervient pas comme on l’attend. Une fois de plus, Il surprend.

Quoi de plus spectaculaire et prodigieux que de faire marcher un paralysé, que de redonner la capacité de mouvement à quelqu’un condamné à l’immobilité ?

Et bien, non… Jésus ne reste pas à la surface…
Il va dans les profondeurs.
“ Mon fils, tes péchés sont pardonnés “

Il y a un handicap plus tragique, plus fondamental que celui qui touche la mobilité du corps. C’est la paralysie du coeur, de l’âme, cette maladie rampante qui empêche de bien vivre et de bien aimer.

Le Seigneur dépasse le visible pour rejoindre l’invisible, le coeur du coeur de l’homme là où il y a comme une cassure, une distorsion qui conditionne toutes les relations. Le Christ vient libérer l’homme de ses enfermements, de ses paralysies, de son péché pour le rendre capable d’aimer en vérité et en transparence, pour le conduire jusqu’à la démesure du pardon et de la miséricorde.

L’attitude libératrice de Jésus provoque le scandale chez les scribes … Il en va de l’image de Dieu. Selon eux, seul Dieu peut pardonner les péchés, et Dieu, c’est le TOUT AUTRE, celui qui est au-delà, au-dessus, enfermé dans une transcendance lointaine. Ils ne sont pas prêts à reconnaître le DIEU TOUT PROCHE, TOUT AIMANT, TOUT INTERIEUR dans la personne de Jésus, se compromettant avec les êtres les plus blessés et abîmés pour faire émerger en eux la nouveauté de la vie et de l’AMOUR sauveur.

Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l’ordonne, dit-il au paralysé, lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi “.

Ce sont des paroles de résurrection. Comme Jésus sortira vivant du tombeau, il transmet à ce paralysé la force d’une vie nouvelle, la capacité d’aimer, de construire des liens de vérité, de justice et de paix. Le paralysé est rendu à sa verticalité. Sa manière de vivre et de se comporter avec les autres sera pour lui la manière de témoigner de cette rencontre avec le Christ qui a bouleversé son existence.

La foi est toujours ce mouvement d’accueil d’une Parole qui vient d’en-haut pour mieux permettre d’assumer l’ici-bas.

C’est finalement cela l’acrobatie de la foi et de la vie chrétienne:
c’est l’architecture de la croix qui permet au quotidien

– de conjuguer le vertical et l’horizontal,

– de découvrir le divin au coeur profond de l’humain,

– de vivre avec les pieds bien sur la terre

mais avec du ciel dans les yeux et de l’infini dans le coeur.

Il y a vraiment de quoi être stupéfait.
Nous n’avons jamais rien vu de pareil !

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