Messe du 6ème dimanche de Pâques

 


Abbé Jean-Jacques MARTIN, à l’église Notre-Dame de l’Assomption, Cernier (NE) le 25 mai 2003.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 10, 25-48; 1 Jean 4, 7-10; Jean 15, 9-17

Chers amis,

Vous aurez peut-être remarqué que le Seigneur commence, aujourd’hui, par nous dire : demeurez ! Mais s’il l’on essaie de « demeurer, n’est-ce pas alors que l’on veut rester sur ses positions, que l’on ne cherche pas à évoluer, que l’on regarde en arrière pour ne rien risquer ?

 

Le dictionnaire nous dit que le mot « demeurer », c’est « rester un certain moment à l’endroit où l’on est », et encore « persister dans un certain état, comme par exemple : demeurer silencieux toute une soirée ». Ainsi « demeurer » c’est en quelque sorte ne pas chercher à aller plus loin, à aller de l’avant, c’est être immobile, c’est conserver. Et en plus nous savons tous très bien que les « demeurés » n’ont en principe pas bonne réputation.

 

Si quelqu’un, qui nous écoute ce matin, ou qui participe dans cette église à cette eucharistie, était tenté de croire que l’on peut s’arrêter, Jésus, quelques versets plus loin, nous dit : c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez…

 

D’où la question que l’on est en droit de se poser : comment « demeurer » et « partir » ? Et Jésus de répondre : demeurer dans mon amour.

 

Je crois que vous serez d’accord avec moi pour dire que l’amour c’est le contraire de ce qui est du domaine du confortable, l’amour ne peut pas supporter de persister dans un certain état de quiétude et de tranquillité. L’amour ne demeure pas : il vit. Alors comment est-ce possible de s’installer dans l’amour ? Aussi il faut tout à la fois « partir » et « demeurer », il faut être nomade, c’est à dire planter sa tente, donc être dans le provisoire.

 

J’aime à dire souvent que si quelqu’un pense qu’il est tranquille avec Dieu, c’est que Dieu est absent de sa vie. Dieu nous dérange sans cesse, il nous met sans cesse en état de vivre le provisoire. Et c’est merveilleux ! Parce que, alors, nous ne sommes plus jamais des « demeurés ».

 

Jésus nous dit encore : Je ne vous appelle plus serviteurs…. je vous appelle mes amis. Si quelqu’un passe du statut de serviteur à celui d’ami, alors il a changé de relation. C’est une révolution du cœur. Et puisque Jésus nous le dit lui-même : c’est une révolution de la foi : l’être humain cesse d’être le domestique quand Dieu et l’homme se choisissent comme amis. C’est magnifique, ne trouvez-vous pas ? Du coup « gardez mes commandements veut dire gardez-vous en changement, en création, en relations toujours neuves. En venant, Jésus a apporté toute la nouveauté, gardez mes commandements, gardez cette nouveauté inépuisable. Pour garder, il faut perdre, il faut donner et se donner. Contradiction parce que l’amour est un tissu de contradictions » (Jean Debruynne).

Il faut alors bien reconnaître que si l’on refuse les contradictions, on caricature l’Evangile. Celui qui cherche à faire quelque chose pour les pauvres devra bien constater que les pauvres sont, en quelque sorte, condamnés à rester pauvres. Ou encore : celui que veut donner de son temps de loisirs, de son action pour les étrangers, constatera tôt ou tard que l’étranger restera un étranger. Les pays riches resteront riches et les pays pauvres le demeureront.

Cependant nous vivons actuellement avec des moyens de communications modernes, et l’actualité nous dit sans cesse – il suffit de penser au prochain G8 – qui occupent ou préoccupent tant de personnes, que nous sommes en plein dans le domaine de la mondialisation. Nous avons l’impression que nous vivons dans un grand village entre des gens de nationalités différentes.

 

Combien d’entre nous n’ont-ils pas un, voire même plusieurs membres de leur famille qui vivent à l’étranger si ce n’est pour quelques mois, pour plusieurs années. Dans nos villes nous croisons sans cesse des Africains, des Sud-américains, des Asiatiques… Nos entreprises ont besoin de collègues de travail étrangers avec lesquels nous tentons une amitié. Il faut de la bonne volonté et aussi un minimum d’intelligence pour nous ouvrir aux autres.

 

Et Jésus nous dit : Aimez-vous les uns les autres, vous êtes frères. N’est-ce pas à nous, les chrétiens, de favoriser cette ouverture aux autres ? Nous ne vivons pas comme les sectes, fermées à celles et ceux que ne correspondent pas aux critères définis par celles-ci.

 

Dieu veut que tous ceux qui se disent chrétiens mettent tout en œuvre pour former une famille où chacun a sa place quelles que soient les cultures et les religions, et ceci dans une communion respectant la diversité de tous. C’est le contraire de la tranquillité, c’est vivre le provisoire, l’inattendu…

 

Il faut y arriver… même si cela ne va pas de soi. Le désir du Christ c’est de nous voir fraterniser. Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres.

Alors nous pourrons porter du fruit !

 

Ah ! Si nous avions l’audace de cela malgré toutes les contradictions que nous portons en nous-mêmes. « Là où il y a l’amour, Dieu est présent » « Ubi caritas et amor, Deus ibi est ! »

 

C’est ce que nous chanterons tout à l’heure ! Que cela soit vrai aujourd’hui, demain et jusque dans les siècles des siècles.

Amen.

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