Messe du 6ème dimanche de Pâques


Chanoine Yannick-Marie Escher, le 27 avril 2008, à l’abbaye de Saint-Maurice
Lectures bibliques : Actes des Apôtres 8, 5-8.14-17; 1 Pierre 3, 15-18
; Jean 14, 15-21 – Année A

« Je ne vous laisserai pas orphelins. »

Mes frères, mes sœurs,

Lors des adieux de Notre Seigneur à ses disciples pendant la dernière Cène, on peut assez facilement imaginer la tristesse des apôtres. En effet, nous avons tous ressentis le poids de l’absence au moment de la mort d’une personne chère. Plus cette personne est proche et plus le sentiment d’absence et de solitude est grand. On a même l’impression de perdre une partie de soi. Cela vaut pour les apôtres. Ils ont tout laissé pour suivre le Christ : amis, famille, travail, projet. Ils ont appris à le connaître en le côtoyant durant trois ans et leur amour a grandi. Et maintenant le Seigneur veut les laisser. On peut comprendre qu’ils soient déroutés. Dans sa grande tendresse, Notre Seigneur compatit à leur angoisse et les rassure en leur promettant qu’il ne les laissera pas orphelins. Il leur fera don de son propre Esprit.

Parfois nous nous sentons comme orphelins, abandonnés par Dieu lui-même et pourtant nous aussi nous avons reçu l’Esprit Saint promis par le Christ. Jésus ne nous abandonne pas. Il nous est toujours présent. Il faut seulement nous ouvrir à l’action du Saint Esprit en nos vies.

Qu’est-ce que l’Esprit Saint ? C’est, pourrait-on dire, le Père et le Fils qui respirent, c’est leur souffle en nous. « Esprit », en grec « pneuma » signifie précisément « souffle ». L’Esprit promis par Jésus réside en nous, et au « plus intime à nous que nous-mêmes » selon la belle expression de saint Augustin. Tout comme nous sommes rarement conscients de notre respiration, qui est pourtant indispensable, nous n’avons peut-être pas souvent conscience de la respiration de Dieu en nous, mais sans elle nous ne pouvons rien faire. C’est l’Esprit Saint qui prie en nous, qui nous apporte les dons de l’amour, du pardon, de la bonté, de la tendresse, de la générosité, de la paix et de la joie.

Comment accueillir cette présence du Saint Esprit ? En cultivant notre jardin intérieur. On appelle cela du beau nom, hélas quelque peu désuet, de « vie spirituelle ».

La vie spirituelle s’exprime par la prière qui n’est pas tant ce que nous faisons que ce que fait l’Esprit Saint en nous : « L’Esprit (…) vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables. Et Dieu, qui voit le fond des cœurs, connaît les intentions de l’Esprit : il sait qu’en intervenant pour les fidèles, l’Esprit veut ce que Dieu veut. » (Rm 8, 26-27)

Ceux qui ne prient jamais sont un peu comme des asthmatiques : leur souffle est court et le monde entier se rétrécit devant eux. Ils se replient alors dans un coin, haletants, essoufflés, presque à l’agonie. Ceux qui prient, par contre, s’ouvrent à Dieu et peuvent respirer à pleins poumons.

Qu’est-ce que la prière ? La prière est le souffle de notre vie, elle nous redonne la liberté d’aller et de rester où nous voulons. Prier ce n’est pas une sorte de bloc incontournable dans notre horaire quotidien ou un refuge à l’heure de l’épreuve, pas plus qu’elle n’est réservée au dimanche matin ou à l’heure des repas. Prier, c’est vivre. C’est manger et boire, agir et se reposer, enseigner et apprendre, jouer et travailler. La prière authentique pénètre chaque aspect de notre vie. C’est reconnaître sans cesse que Dieu est toujours présent.

Oui, la présence de l’Esprit Saint en nos vies appelle et attend une réponse. L’amour authentique doit se manifester dans les œuvres : « Voilà en vérité quel est l’amour : obéir et croire en celui qu’on aime » (saint Jean Chrysostome). C’est pourquoi Jésus veut nous faire comprendre que le véritable amour de Dieu se traduit dans le don généreux de soi et l’accomplissement fidèle de sa volonté  : celui qui reçoit ses commandements et qui les garde, celui-là demeure en son amour.

Aimer Dieu et garder les commandements, répond par avance à toutes nos revendications qui voient dans les commandements de Dieu des brimades pour notre liberté. En effet, comme le relève Bernanos dans les Dialogues des Carmélites : « Ce n’est pas la Règle qui nous garde, c’est nous qui gardons la Règle », laquelle n’est pas une prison, ni même un garde-fou, mais ce par quoi s’épanouit notre liberté. Cela implique notre responsabilité à conserver vivace et fécond l’enseignement de Dieu. Autrement dit à garder intégralement et mettre en pratique la Parole de Dieu transmise par son Eglise. Une telle fidélité semble impossible, c’est pourquoi elle est confiée à la garde du Saint Esprit qui demeure en nous.

Seigneur, écoute nos prières. Tu as promis à tes disciples que tu ne les laisserais pas seuls mais que tu leur enverrais l’Esprit Saint pour les guider et les diriger vers la plénitude de la Vérité.
Nous sentons que nous tâtonnons dans l’obscurité. Nous avons beaucoup reçu de toi, et pourtant il nous est encore difficile de rester tranquilles et silencieux en ta présence. Notre esprit est si chaotique, si plein d’idées, de plans, de souvenirs et de chimères disparates. Nous voulons être avec toi et toi seul, nous concentrer sur ta Parole, écouter ta voix et te regarder te révéler à tes amis. Mais même avec les meilleures intentions, nous partons à la dérive vers des choses moins importantes et nous découvrons que nos cœurs sont attirés par de petits trésors de pacotille.
Nous ne pouvons prier sans la puissance d’en haut, la puissance de ton Esprit. Envoie ton Esprit, Seigneur, pour que ton Esprit puisse prier en nous, dire « Seigneur Jésus » et t’appeler « Abba, Père ».
Nous attendons, Seigneur, nous avons confiance, nous espérons. Ne nous laisse pas sans ton Esprit. Donne-nous ton Esprit unificateur et consolateur. (d’après H. Nouwen)

Amen

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *