Messe du 6ème dimanche de Pâques

 


Abbé Bernard Sonney , église Saint-Maurice, Pully, le 13 mai 2007
Lectures bibliques :
Actes 15, 1-2, 22-29; Apocalypse 21, 10-14, 22-23; Jean 14, 23-29 – Année C

Les écoliers consacrent des heures et des heures à l’apprentissage de la conjugaison des verbes. Ils apprennent à conjuguer ces verbes à tous les temps. Ainsi peuvent-ils situer une action dans le passé, à l’instant présent ou dans l’avenir.

L’évangile de Jean utilise tout à la fois le passé et le futur. Il y a là une intention à déchiffrer. L’amour de Dieu pour nous est ordinairement formulé au passé. L’évangéliste définit ainsi l’amour de Dieu comme l’origine de notre vie nouvelle. Mais voilà qu’il glisse bien vite dans le futur ! L’usage du futur – c’est le cas aujourd’hui – nous incite à nous sentir concernés. Oui, nous sommes appelés à participer au projet de Dieu. Ce projet ne se réalise pas sans nous. Notre avenir se profile selon l’accueil que nous réservons à la Parole de Dieu. Nous sommes tous en devenir. Notre avenir est lié à notre fidélité à la Parole de Dieu.

Pour nous, la Parole de Dieu n’est pas abstraite. Elle a un visage. Elle a un nom : Jésus. L’originalité des chrétiens consiste à parler du Christ au présent. Nous le croyons présent à nous, à ce que nous vivons. La qualité de notre avenir dépend de notre communion au Christ Jésus. J’ai conscience d’enfoncer une porte ouverte. Mais la porte du cénacle était close lorsque ont été prononcées ces paroles que nous méditons dans ce temps de Pâques. La perspective du départ de Jésus a laissé les disciples désemparés – livrés à tant d’interrogations. Les disciples n’ont pas compris. Mais un réel désir de comprendre s’est exprimé dans les questions posées à Jésus. Et nous rejoignons les disciples car nous, aussi, nous cherchons à comprendre. Et voilà que dans sa délicatesse, Jésus a déjà anticipé ; Jésus a précédé nos vœux disant « l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » 

La mission assignée à l’Esprit Saint consiste à nous faire « comprendre ». L’enseignement de l’Esprit Saint va raviver chez les disciples le souvenir des paroles de Jésus. S’il rappelle la teneur des paroles de Jésus aux mémoires défaillantes, il fait surtout saisir le sens de ses paroles. L’Esprit Saint interprète ces paroles à la lumière de Pâques.

Tout comme les disciples, nous découvrons petit à petit la signification de ce que Jésus a fait et dit. Nous pouvons lire cent fois telle ou telle parole de l’évangile. Et la voilà qui nous parle à la cent-unième lecture. L’Esprit Saint nous éveille peu à peu à la réalité que nous apportent les mots. Alors nous devenons aptes à comprendre ces paroles enfouies en nous et révélées à la lumière de l’Esprit.

C’est ainsi que nous sommes transformés par ces paroles. Elles nous rendent perméables à la présence du Père et du Fils. Nous sommes, alors, littéralement, saisis, à la fois devancés et attendus.

Et voilà que se gravent en nous, d’elles-mêmes, les lettres du mot « paix ». La paix n’a pas la même portée ici ou dans un pays en guerre. La paix, selon l’évangile, dépasse les réalités géopolitiques ou sociales. Nul doute que l’évangile suscite des vocations d’artisans de paix mais il surpasse toutes les ébauches esquissées. La paix n’est pas synonyme d’apaisement – l’apaisement que ressent, par exemple, la personne soulagée par une injection de morphine. La paix n’est pas la tranquillité de qui se cache dans son coin. La véritable paix, la paix de l’esprit émane de la compréhension du mystère du Christ ressuscité. Tout prend sens, tout devient lumineux dans ce contact avec le Christ.

Alors, tout s’ajuste, trouve sa place dans une harmonie plus large. Une image pour l’illustrer : le cercle. Qu’est-ce qu’un cercle ? Une multitude de points qui forment un cercle à une unique condition : qu’ils soient tous à égale distance d’un point invisible, le centre. Plus nous sommes reliés au Christ, plus nous sommes proches les uns des autres, plus nous sommes unis, plus la paix prend corps en nous.

Tout devient neuf, même les mots ! Prenez le verbe « louer » ! Lorsque vous louez un appartement, une voiture, vous payez, vous envoyez un ordre permanent, vous sortez votre carte de crédit. Voilà qu’en régime chrétien, l’acte de « louer » laisse éclore la plus pure gratuité ! A Celui qui donne tout, qui se donne tout entier, nous adressons notre reconnaissance dans un mouvement de louange. Cette louange atteint sa pleine mesure lorsqu’elle s’inscrit dans des gestes, dans des attitudes inspirés par l’amour.

Le Seigneur doit « craquer » lorsque les enfants offrent à leur maman le cadeau confectionné en classe. Quelle tendresse, quelle ferveur dans ce geste ! Les enfants se fondent tout entiers dans le cadeau qu’ils remettent délicatement entre les mains de leur maman. Cette fraîcheur ne reflète-t-elle quelque chose du mystère de Dieu ? Toute maman le sait : une attitude d’indifférence ou de dédain serait assassine lors de ce rituel vraiment sacré ! Nul doute que la maman est remplie de joie ! Ce qui l’incite à forcer un peu l’enthousiasme afin que la réaction, la joie soit à la mesure de l’attente de l’enfant. Le Seigneur ne nous demande pas des « oh » et des « ah ». Il n’en demeure pas moins qu’il se livre tout entier dans sa Parole et dans son Eucharistie… pour toucher notre cœur et transfigurer notre vie. Amen. 

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