Messe du 6ème dimanche de Pâques

 

Chanoine Alexandre Ineichen, à l’abbaye de Saint-Maurice, VS, le 21 mai 2006
Lectures bibliques : Actes 10, 25-48; 1 Jean 4, 7-10; Jean 15, 9-17 – Année B

Si « Dieu est amour » est le titre de la première encyclique de notre pape Benoît XVI, c’est, et nous le savons bien, que cette définition de Dieu, citée à partir de la lettre de saint Jean que nous venons d’entendre en cette célébration, est le cœur de la foi, de l’espérance et de la charité.

Ainsi, chers frères et sœurs, chers auditeurs, le Dieu auquel nous croyons est amour. Pourtant, cette identification ne va pas de soi et, si Benoît XVI consacre sa première encyclique à ce thème, c’est parce qu’il est central, et pour l’homme, et pour le chrétien. Mieux, je pense que comprendre cette définition de Dieu, c’est entrer de plain-pied dans le mystère révélé par Jésus-Christ. Le pape l’a entrepris avec brio. À sa suite, j’aimerais aussi l’entreprendre, avec sûrement beaucoup moins de talent.

Cependant, pour se déclarer chrétien, hier comme aujourd’hui, il faut reprendre cette définition, réentendre la parole de Dieu, la méditer et en vivre. D’ailleurs, la valeur de cette encyclique n’est pas seulement dans sa clarté et son intelligence, mais surtout qu’elle oblige à réfléchir. Un texte n’a pas de valeur, s’il donne des réponses toutes faites. Il en a seulement, s’il contribue à la réflexion de chacun. Ici, ne croyez pas que j’use d’un langage convenu. D’ailleurs, aurais-je pu parler autrement ? Les textes de ce dimanche ne pouvaient que me conduire à l’encyclique de Benoît XVI. Non, ce n’est pas par convenance que je reprends ce thème, mais par conviction. Sa clarté, sa simplicité et son ouverture m’impose de poursuivre et d’entreprendre ma propre réflexion et de vous exhorter, de nous exhorter, à en faire autant. Par cette définition révolutionnaire : Dieu est amour, Jésus-Christ a réuni en une seule entité, et l’amour, et Dieu.

Les deux parties de mon propos sont tout trouvées. Premièrement, je mets au défi de trouver quelqu’un qui n’ait pas quelque idée sur l’amour. Tous, nous savons de quoi il s’agit. Tous, nous avons aimé, mais de manières différentes, plus ou moins profondément, plus ou moins humainement. D’abord, nous avons aimé les choses sensibles, puis notre amour s’est affiné tout en gardant cette sensibilité, qui, parfois, nous joue des tours. Mais, si je désire vraiment comprendre ce qu’est aimer, je dois mettre en jeu toute ma personne, corps, âme et esprit. Rien ne doit être oublié. Un amour seulement sensible dissout la personne et lui enlève sa liberté. Un amour exclusivement spirituel, s’il refuse son corps, nie la personne. L’éros, l’érotique, est vain sans une dimension spirituel. De même, il est illusoire de ne considérer que l’amour fraternel, l’agapè, sans sa composante sensible. Aussi Benoît XVI a-t-il remarquablement mis en évidence et en équilibre l’éros et l’agapè. Cependant, je dois à tout instant me mettre à l’ouvrage. L’harmonie est un idéal et, donc, demande persévérance et humilité comme la prière.

Après l’amour dont j’ai, à grands traits, dessiné quelques pistes toutes partielles, passons à Dieu dont j’aimerais brosser, en toute hâte aussi, quelque chemin pour bien le comprendre. Comme pour l’amour, personne n’est à court d’idées. Qui peut dire que jamais le problème de Dieu ne l’a effleuré ? Pourtant, comme pour l’amour, Dieu, dont je sais toujours quelque chose, reste un mystère. Nous pouvons en réciter quelques définitions : Dieu est le principe de toutes choses, le souverain bien de qui nous tenons la vie, le mouvement et l’être. Pourtant, ces définitions ne nous satisfont pas, ou du moins pas pleinement. Elles limitent Dieu à une idée, certes, infini et illimité, mais si lointaine, que nous en perdons le sens, et les sens. Aussi, à l’inverse de l’amour, faut-il partir de ces considérations tout éthérées pour en revenir à une réalité plus proche, plus concrète. Dieu n’est pas seulement une idée, aussi belle soit-elle, mais il doit s’incarner dans notre quotidien. Du Dieu des philosophes et des penseurs, ne craignons pas de proclamer le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, un Dieu qui sauve et prend parti pour son peuple.

Ainsi, deux chemins se proposent à notre réflexion. Le premier part de l’amour, même le plus terre-à-terre pour le purifier et lui donner sa vraie dimension. Le second part d’un Dieu lointain, simple concept pour aller vers un Dieu qui se donne. Aussi dans cet aller et retour de l’amour à Dieu et de Dieu à l’amour se révèle Jésus-Christ qui a en plénitude, et réaliser l’amour, et manifester la tout-puissance divine. En conclusion, si la philosophie est l’amour de la sagesse, alors le mystère de Jésus, notre Seigneur et notre Dieu, est la sagesse de l’amour. Cette circulation, que chacun entreprend, qu’il le veuille ou non, dans la situation où il se trouve, est le fondement même de la foi, de l’espérance, de la charité. D’ailleurs, notre vie part de l’amour pour aller à Dieu, et vient de Dieu pour rencontrer l’amour. Et dans ce mouvement perpétuel se nourrit le commandement toujours nouveau et si ancien que Jésus a manifesté par toute sa vie : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

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