Messe du 6e dimanche du temps ordinaire

 

Chanoine Yannick-Marie Escher, à l’abbaye de St-Maurice, le 12 février 2006
Lectures bibliques : Lévitique 13, 1-46; 1 Corinthiens 10, 31 – 11,1; Marc 1, 40-45 – Année B

Mes frères, mes sœurs, chers auditeurs,

Dans la prière d’ouverture de cette célébration nous nous sommes tournés vers le Seigneur « qui veut habiter les cœurs droits et sincères » en lui demandant de « nous faire vivre selon sa grâce » afin qu’il puisse « venir en nous pour y faire (sa) demeure ». Quel étonnant résumé de l’Evangile que nous venons d’entendre ! Oui, le Christ Jésus est attiré par notre lèpre intérieure pour nous en guérir. La rencontre avec Jésus a changé pour toujours la vie du lépreux. Alors, entrons ensemble dans l’étonnant mystère d’une rencontre qui peut transfigurer chacune de nos vies.

Comment se déroule cette rencontre avec le Sauveur ? Car ne l’oublions pas, nous sommes ce lépreux, et Jésus passe maintenant près de nous. Nous le savons bien, chaque rencontre exige que quelqu’un prenne l’initiative. Bien que le lépreux soit celui qui ait approché Jésus, n’est-ce pas Jésus le premier qui s’est rendu accessible à lui ? Qu’allons-nous faire ? Le Christ est là. Allons-nous rester de côté avec notre mal ? Ou allons-nous nous approcher du divin médecin ?

Pour cela, il faut être humble, c’est-à-dire reconnaître nos blessures et les présenter au Seigneur en vérité.

Oh, je vous entends déjà me dire : « Mais nous allons bien ! Nous n’avons pas de blessures et encore moins de lèpre. » C’est ce que disent souvent les jeunes collégiens. Ils vont même plus loin : « Nous, on s’éclate ; tout va bien, pourquoi chercher ce qui va mal. N’y pensons pas ! »

Peut-être ! Mais tournons notre regard vers le lépreux, quelle est sa vie ? La première lecture, tirée du livre des Lévites, nous l’a rappelée : il est au ban de la société. On peut dire qu’il est seul, qu’il ne communique plus et qu’il est triste. Trois caractéristiques qui marquent aussi la vie de beaucoup de personnes qui font notre quotidien, et peut-être qui nous marquent…

Essayons de réfléchir sur ces trois traits de la vie du lépreux et peut-être découvrirons-nous que nous ne sommes pas si différents de lui !

La tristesse. La caractère fondamental de notre vie, comme de celle du lépreux, est une grande tristesse. Non pas un vague sentiment, mais quelque chose de bien plus profond : un état. La tristesse est, selon saint Thomas d’Aquin, « le désir d’un bien absent ». Le lépreux désire le bien de la santé, et nous, nous désirons le bonheur, la vérité, la paix, l’amour. Il faut bien nous rendre à l’évidence nous recherchons tout cela, désespérément, sans jamais y arriver pleinement. Cet état de tristesse est une sorte de vague à l’âme, de nostalgie qui rythme trop souvent nos vies. Un peu comme le sentiment qui nous habite après un soir de fête ou au retour des vacances…, un peu comme un caillou au milieu du dos lorsque nous sommes étendus sur la prairie d’un alpage, en été.

Le manque de dialogue.
Le lépreux ne peut plus dialoguer, bien sûr, il tente de communiquer, mais il ne peut plus avoir de réel échange avec les personnes qui l’entourent. Nous qui vivons à l’ère de la communication, nous sommes dans une situation analogue, nous ne pouvons plus dialoguer. Les moyens de communication, si merveilleux soient-ils, nous enferment en nous-même, au lieu de nous ouvrir aux autres. Evidemment, nous avons internet et « msn messenger », nos téléphones portables, et nous rencontrons des gens. Mais cela ne veut pas dire que nous dialoguons. Analysons l’historique de nos conversations sur msn messenger par exemple… pas brillant ! Essayons avec les sms de nos portables… même constat ! Essayons encore de nous souvenir de nos conversations avec les gens qui nous entourent… et ainsi de suite.

Le dialogue suppose une ouverture à l’autre et un don de soi. En fait, nos conversations se réduisent souvent à de la médisance, à des critiques, bref à du bavardage. Finalement, nous vivons dans la condition du lépreux pour qui les liens sociaux sont inexistants.

La solitude. Le lépreux est seul, rejeté par la société. Nous, nous vivons en société, entouré de gens et pourtant que de personnes avouent : « Je me sens seul ». Un élève disait : « Je ne me suis jamais senti aussi seul qu’au milieu de la foule du Paléo cet été » et un guide de montagne de lui répondre : « Moi, même sans personne autour de moi, au sommet d’une montagne, je ne me sens pas seul ». Etrange… En fait, la solitude ne consiste pas à être seul, elle consiste en l’absence du sens à la vie. Reconnaissons-le, notre cœur est souvent rongé par cette lèpre, c’est-à-dire qu’il a perdu le goût, la passion de vivre.

Nous le voyons bien, nous sommes le lépreux de l’Evangile, et il faut nous avancer vers celui qui vient à nous et lui dire : « Si tu veux, tu peux me purifier ».

Car Jésus veut nous toucher le cœur et nous guérir.

Certains pensent peut-être qu’il est inutile de s’approcher du Christ, que l’on peut se débrouiller tout seul.

Mais réfléchissons quelques instants… Si en sortant dans la rue quelqu’un glisse sur une plaque de glace (je ne vous le souhaite pas !) et qu’il se casse la jambe devant nous, bien sûr nous allons l’aider ; mais en l’aidant, nous nous apercevons que sa jambe est cassée. Nous allons l’amener ou le faire amener aux urgences dans un hôpital proche pour le faire soigner. Cela semble évident. Mais si cette personne proteste et nous dit d’un ton péremptoire : « Je vais me guérir tout seul », nous allons essayer de le raisonner, car nous savons bien qu’on ne peut soigner une jambe cassée seul. Si un proche est en dépression et qu’il prétend vouloir se soigner seul, que cela n’est pas grave, nous allons aussi l’encourager à voir un spécialiste. Si cela est vrai pour nos problèmes corporels ou psychiques, combien cela est vrai pour notre vie intérieure. Oui, nous avons besoin d’un médecin, un médecin plus que humain, un médecin divin, parce que nous aspirons à une vie plus que humaine, qui seule est capable de combler notre soif d’absolu et de guérir nos blessures. Jésus ne nous dit-il pas «je suis venu pour que les hommes aient la vie,pour qu’ils l’aient en abondance. » ? (Jean 10, 10)

La rencontre avec Jésus a changé pour toujours la vie du lépreux et il peut aussi changer la nôtre aujourd’hui. Car, seul il peut nous redonner la joie de vivre, seul il nous ouvre les uns aux autres dans un authentique dialogue.

Amen !

 

 

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