Messe du 5ème dimanche du temps ordinaire et dimanche de l’apostolat des laïcs

 

Pasteur Pierre Chenuz, Hôpital universitaire (CHUV), Lausanne, le 7 février 2010
Lectures bibliques :
Isaïe 6, 1-8; 1 Corinthiens 15, 1-11; Luc 5, 1-11 – Année C

 

 Matthieu 5. 13-15
Vous êtes le sel, vous êtes la lumière !
Pour vous qui êtes à l’hôpital ou à l’écoute de votre poste de radio, c’est peut-être difficile à sentir aujourd’hui. Surtout si vous êtes confrontés aux turbulences de la vie.
Sel et Lumière, vous l’êtes peut-être aussi, mais vous ne vous en rendez même pas compte.
Ce matin, je vous propose de nous laisser guider par notre imaginaire. D’ailleurs les paraboles sont aussi faites pour ça.
Nous sommes le sel et la lumière. Sel et Lumière : Ce sont 2 mots simples qui agissent et qui font du bien. Mais dès qu’il y en a trop, ça peut devenir gênant. Vous avez déjà goûté un plat trop salé. Vous avez déjà été aveuglés par une lumière éblouissante.
Je vous propose ce matin d’effleurer ces mots et cette parabole avec quelques remarques, avec quelques surprises et quelques interrogations. Juste pour nous réveiller et pour nous « distraire. » Parce que Jésus, quand il racontait ces histoires, il venait distraire une Palestine très occupée. Par les Romains, bien sûr, mais aussi par les maladies, les différents courants religieux, et par les attentes d’une Messie libérateur.
Jésus est venu réveiller une Palestine enténébrée, en pleine éclipse du divin. Il est en face d’un peuple angoissé dans un monde qui n’allait pas fort. Et ça n’a pas beaucoup changé aujourd’hui. Les souffrances physiques et morales sont toujours là.  Les attentes du divin sont toujours aussi criantes.
Et voilà Jésus qui nous parle de Sel et de Lumière. Ce sont 2 mots banals pour nous parce qu’ils sont tellement utilisés. Ce sont 2 mots qui valent trois fois rien et qui nous font sourire si l’on prétend qu’ils peuvent changer le monde.
Et pourtant, ce sont souvent des choses qui valent 3 fois rien,  qui viennent changer  notre vie.

« Si le sel perd sa saveur ».
Et bien chers amis, c’est impossible. Je le sais, j’en ai fait l’expérience. Un peu de sel dissout dans de l’eau ne se remarquait pratiquement pas. J’ai goûté. En chauffant, après l’évaporation de l’eau, le sel avait retrouvé toute sa saveur. Ca nous pose question. « Si le sel perd sa saveur »… Est-ce que l’impossible peut arriver ? ?????? Au milieu de la vie qui s’écoule, paisiblement, comme prévu, brusquement, les données peuvent changer. Vous en savez quelque chose vous qui avez été bouleversés dans votre vie, par la vague d’une maladie, par la tornade d’un deuil, par le tsunami d’une séparation, par un coup dur.
On se sent complètement submergé, noyé par le chagrin ou le désespoir. Le sel n’a plus beaucoup de saveur dans ces circonstances. On ne fait envie à personne. On se demande bien comment cette marée de soucis et de tristesse pourrait s’évaporer, et comment la vie pourrait retrouver un peu de saveur.

« Si le sel perd sa saveur peut se comprendre autrement »
Il suffit que la perte en question soit celle du goût. Celles et ceux qui ont suivi des traitements de chimiothérapie savent ce que c’est de ne plus avoir le goût de la nourriture. Et ceux qui sont astreints au régime sans sel aussi. D’autres ont même perdu le goût de la vie. Oui, la vie peut perdre sa saveur, même si cela paraissait impossible.
La perte de goût ne pardonne pas. Si plus rien n’a de goût, on peut ne plus avoir envie de vivre.. Même si cela paraissait impossible, ça peut nous arriver à tous. Et on peut avoir l’impression que Dieu ne se manifeste pas, qu’il est silencieux, ou qu’il est absent. Suivant l’épreuve que vous traversez, vous vous en rendez bien compte. C’est peut-être votre cri de détresse aujourd’hui, à l’hôpital ou à la maison. Et c’est tout à fait normal.
Nous sommes envahis parfois par des doutes au point que l’on ne voit même plus la trace de Dieu.
C’est un moment où l’attente est immense. On attend que quelque chose se passe. Quelque chose qui pourrait changer notre vie.

Je crois pour ma part que Dieu est présent dans nos vies. Mais il est aussi caché que le sel de la terre ou le sel dans la mer. On peut très bien passer à côté ou marcher dessus, sans même s’en apercevoir.
Le sel est dans la terre et dans la mer comme l’Evangile est dans le cœur des disciples à qui Jésus s’adresse,  et comme il est également dans notre cœur d’une certaine manière. Mais voilà, si quelqu’un n’en a plus le goût, l’Evangile n’a plus de saveur. Il est  devenu inutile.

C’est particulièrement dans ces moments là que nous avons besoin de voir les choses autrement. Nous avons besoin d’être éclairés pour que notre vie retrouve un sens.
Qu’est-ce qui pourrait être lumière dans notre vie ?
Un geste adéquat, une parole, un regard bienveillant,  une attention particulière, une rencontre inattendue.  A ce moment-là quelque chose se passe. C’est presque rien, vu  de l’extérieur. Et pourtant ça peut nous changer la vie.

Vous êtes la lumière du monde
Oui, on est lumière les uns pour les autres. C’est-à-dire qu’on peut retrouver la foi et la confiance même si parfois elle chancelle au point que nous la perdons ou que nous l’oublions.  Et ceci grâce aux relations que nous pouvons vivre les uns avec les autres. Grâce aussi au mystère de la présence de Dieu dans nos relations.
Le sel de la terre et la lumière du monde sont en nous.
C’est cette partie du divin qui habite tout être humain. C’est ce qui fait que vous êtes à votre manière sel de la terre et lumière du monde.
Ce n’est pas un privilège accordé à certains et pas à d’autres.
Nous sommes sur un pied d’égalité, que nous soyons prêtre ou pasteur, laïc, bénévole, malade ou  bien-portant.
Quand Jésus dit à ses disciples : » Vous êtes la lumière du monde », il s’adresse à eux collectivement. Et ceci me fait penser à notre manière communautaire de dire le Notre Père. Nous avons besoin les uns des autres pour dire « Notre Père ».
Jésus dit » Vous êtes  la lumière, pour que personne ne puisse dire « Je suis la lumière à moi tout seul. C’est la fin des gourous de toute espèce.

Notre mission, où que nous soyions, et quoi que nous vivions, c’est de pouvoir mettre en évidence cette lumière qui est dans l’autre. Même quand nous traversons la vallée de l’ombre et que nous approchons la mort, nous pouvons être une lumière pour quelqu’un d’autre. On n’est pas lumière pour tous, mais peut-être pour quelqu’un ou pour quelques uns.
C’est ensemble que nous sommes le sel de la terre et lumière du monde.
Amen

 

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