Messe du 5ème dimanche de Pâques

 

Chanoine Olivier RODUIT, Abbaye de Saint-Maurice, le 18 mai 2003.

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 9, 26-31; 1 Jean 3, 18-24; Jean 15, 1-8

Chers Frères et sœurs, chers auditeurs, chers amis,

 

C’était il y a deux semaines, à l’Hospice du Simplon. J’avais pu accompagner 55 collégiens de 18 à 20 ans pour une retraite dans ce cadre magnifique où le soleil fait disparaître la neige et pousser de merveilleuses petites fleurs. Ces jeunes ont beaucoup apprécié ces quelques jours d’amitié, de partage et de réflexion. Alors que le thème général de la semaine était « Quêteurs de sens », nous sommes partis le jeudi à la quête du bonheur avec la question : « Comment réussir sa vie ? ».

 

J’ai invité les collégiens à réfléchir à leurs qualités, au miroir des autres. Alors que nous avons tant de facilité à critiquer ou dire du mal d’autrui, nous nous sommes échangés des petits billets sur lesquels nous avions écrit les qualités de chacun : des sortes de SMS de bonheur ! Nos qualités doivent orienter notre existence et nous ouvrir au bonheur. Il s’agit d’élaguer nos défauts, de brûler au feu de l’amour divin le mal et le péché qui reviennent si facilement à l’assaut de notre sainteté.

 

Cet échange de petits messages positifs fut un des moments de bonheur de la semaine, mais nous le savons bien, et j’ai pu le dire dans mes prédications : le secret d’une vie réussie passe par la conformité de notre existence à notre vocation profonde. Le secret du bonheur, c’est de plonger en Dieu pour se laisser inonder par l’amour. C’est de plonger au fond de soi-même, là où se trouve le meilleur de notre personnalité, pour rencontrer Celui qui nous donne la vie et nous oriente sur les bons chemins, pour rencontrer celui qui est le chemin, la vérité, la vie. Mais choisir la voie de la sainteté exige un bel effort pour nous dégager de la gangue d’amour propre et d’égoïsme dans laquelle nous nous complaisons si allégrement. Il s’agit d’élaguer ce qui ne peut que nous dessécher à plus ou moins longue échéance.

 

L’évangile d’aujourd’hui donne le secret de la vraie joie. Si nous voulons réussir notre vie, il nous faut demeurer attachés à Jésus-Christ, comme le sarment est greffé sur le cep de vigne.

 

Pourquoi donc se creuser la tête pour trouver le bonheur à l’aide de toutes sortes de recettes et de méthodes plus ou moins à la mode ? Pourquoi vouloir réussir par ses propres forces ? N’est-il pas plus facile de se détendre, et de laisser le bien nous envahir ? Il est illusoire que de vouloir vivre un bonheur superficiel. Chaque existence est marquée par son lot de souffrances, de peines et de malheurs. Mais quelle qu’elle soit, elle peut toujours être remplie de sens. Au lieu de toujours chercher à faire ce que l’on aime, ne vaudrait-il pas mieux chercher à aimer ce que l’on fait ?

 

La première lecture nous a montrés comment saint Paul ne put s’empêcher de prêcher au nom du Seigneur qui l’avait touché au fond de son cœur. Les disciples ne pouvaient croire à un tel changement chez celui qui les persécutait autrefois. La grâce de Dieu a envahi Paul qui découvre ses qualités extraordinaires d’apôtre au service d’un message qui le dépasse. Et le voilà qu’il renonce à sa fierté personnelle pour suivre sa vocation profonde.

 

Jésus nous le dit : nous sommes les sarments, et il est la vraie vigne. Et la gloire de son Père, le vigneron, c’est que nous donnions beaucoup de fruits en demeurant en lui.

 

La fierté du vigneron, nous le savons bien dans nos régions, est de produire un bon vin, un vin qui flatte les sens de celui qui le déguste. Le vigneron aime sa vigne et la soigne en l’élaguant de tout ce qui est superflu. Après la taille du printemps, c’est le moment, en cette période, d’effeuiller, d’enlever les entregets ; plus tard dans l’été, il faudra encore couper les bouts et enlever les grappes trop nombreuses. Il s’agit d’éviter la dispersion pour guider la vigne vers l’essentiel de sa vocation. Trop de pousses, de verdure et de petites grappes conduisent à l’éparpillement et nuisent à la qualité du fruit ; une belle apparence extérieure risque trop de conduire à l’amertume et à la déception.

 

Notons pour terminer une remarque capitale. Le vigneron ne peut rien faire avec une seule graine de raisin, ni même avec un seul sarment ou un seul cep. Il lui faut plusieurs parcelles de vigne, qui chacune produisent du raisin aux qualités différentes, avec plus ou moins de sucre et d’acidité, plus ou moins de coloration et de tanin. Et tout l’art du caviste est de produire — est d’élever — un vin magnifique avec toutes ces diversités. La richesse provient de la diversité !

 

Nous connaissons bien en Valais la dôle qui est l’assemblage du pinot et du gamay, mais il y a encore tant d’autres vins séduisants qui proviennent de l’assemblage de plants différents, de plans qui ne cherchent qu’à donner le meilleur d’eux-mêmes pour un magnifique résultat. L’Église, nos communautés, groupes et paroisses, sont elles aussi le produit de la mise en commun de richesses individuelles qui travaillent toutes à donner le meilleur d’elles-mêmes.

 

Le Père est le vigneron qui ne peut nous faire vivre et grandir qu’à la seule condition que nous soyons fermement attachés au cep en demeurant dans le Christ. C’est lui seul qui nous permettra de donner le meilleur de nous-mêmes pour une vie réussie et un bonheur éternel.

AMEN

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *