Messe du 5ème dimanche de Carême


Jésus s’offre pour nous accompagner dans la montée de la vie

 

Abbé Léon Chatagny, à l’église Notre-Dame, Payerne, le 1er avril 2001.

Lectures bibliques : Isaïe 43, 16-21; Philippiens 3, 8-14; Jean 8, 1-11

Avez-vous déjà fait l’expérience difficile d’une déprime par exemple, où tout à coup, vous n’êtes plus sûr de vous-mêmes, vous ne vous sentez pas bien avec votre entourage, vous vivez dans le sombre, avec des nuits sans sommeil ? Qui est à l’abri de telles difficultés? Dans ces circonstances, il est heureux de trouver quelqu’un qui vous aide à sortir de cet enfermement, qui fait renaître la confiance et vous remette en route ; la chance de trouver un guide!

Dans la première lecture déjà, Isaïe prend l’image du peuple qui ne trouve plus ses points de repère et d’un guide qui l’orientera. « Le Seigneur fait passer une route dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Il fait pour son peuple un monde nouveau. »

Dans l’Evangile de ce matin, la femme adultère est enfermée dans sa situation de péché et quand elle est présentée à Jésus, elle est comme dans une prison d’où elle ne sortira pas. Les scribes et les pharisiens qui l’ont surprise et qui la dénoncent à Jésus, eux aussi sont enfermés dans le carcan de la loi, oubliant leur propre situation de pécheurs. Et nous voyons le Christ agir.
Les scribes et les pharisiens ne manquent pas une occasion pour « coincer » Jésus. Ils lui reprochent d’avoir de mauvaises fréquentations, de se complaire avec les pécheurs, bref de ne pas respecter la loi. Alors, ils lui amènent cette femme. « Selon la loi de Moïse, elle mérite la mort.» Dans leur cœur, ils l’ont déjà condamnée, ils sont prêts à la lapider. « Et toi Jésus, qu’en dis-tu ? » Jésus n’entre pas dans leur jeu. Il écrit sur le sol comme pour faire tomber la tension, mais les scribes et pharisiens persistent à l’interroger.

Enfin la parole de Jésus : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Un coup de poing dans l’estomac ! C’est tellement plus facile de regarder chez les autres ce qui ne va pas, cela nous conforte dans l’impression favorable que nous avons de nous-mêmes. La colère et la soif de justice sont retombés comme un soufflé. Aucun des accusateurs n’osent jeter une pierre, ils s’esquivent tous en commençant par les plus âgés. Ont-ils compris la leçon, eux les maîtres et seigneurs de la loi, faibles et pécheurs comme tout homme ?

Jésus, le seul qui est sans péché, reste avec la femme. Aucun reproche, simplement : « Personne ne t’a condamnée, moi non plus, je ne te condamne pas. » L’amour de Dieu incarné par Jésus va jusque là. Cette femme est déjà à terre, il ne veut pas l’écraser davantage, tandis que l’homme est capable de faire mal, jusqu’à faire mourir : « oeil pour oeil, dent pour dent ! ». L’amour de Jésus va plus loin encore : « Va et ne pèche plus ! » Après avoir pardonné, il l’invite à la conversion et à la réinsertion dans la vie sociale : « Rentre à la maison ! Change de vie et retrouve une place dans ta famille et la société ! »
Grâce à Jésus, cette femme et ses accusateurs ont une chance de sortir de leur enferment.
Saint Paul a fait une expérience identique. Y a-t-il eu un juif plus fervent gardien de la loi que lui ? Avant sa conversion, il mettait tout son zèle à poursuivre les disciples de Jésus. Sur le chemin de Damas, il découvre Jésus qu’il persécutait. Jésus deviendra son guide, son Maître et Seigneur. « Tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère maintenant comme une perte, comme des balayures, à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. Pour moi maintenant, vivre c’est le Christ. » Et avec quelle ardeur il sera l’apôtre, l’envoyé du Christ: « J’ai été saisi par le Christ. Je poursuis ma course. Oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu m’ appelle. »

La manière d’agir de Jésus nous interpelle et ne manque pas de terrains d’applications :

– les conflits quotidiens, dans les familles, sur la place de travail… Nous sommes prompts à juger, à condamner, à rejeter. Qui sommes-nous pour lancer la première pierre ? Il y aurait d’autres moyens : parler, s’expliquer, reconnaître les torts…, trouver des chemins de pardon, de réconciliation.

– notre regard porté sur des personnes divorcées remariées… La récente assemblée du diocèse de Lausanne, Genève, Fribourg et Neuchâtel (AD 2000), propose une pastorale plus conforme à l’esprit de l’évangile d’aujourd’hui et plus respectueuse de la conscience de chacun. A ce sujet le pape Jean-Paul II a exprimé une parole forte à l’occasion du Jubilé des familles, le 14 octobre 2000 : « Face à tant de familles séparées, l’Eglise se sent appelée à ne pas exprimer de jugement sévère, mais plutôt à diffuser dans les plaies de tant de drames humains la lumière de la parole de Dieu, accompagnée par le témoignage de sa miséricorde. »

– notre rapport à l’argent et la place que nous lui donnons dans les relations humaines. Qu’est-ce qui prime pour nous l’individualisme ou la solidarité, la course au profit ou le désir de partager équitablement et de faire vivre. Les images des bourses de Zurich ou d’ailleurs sont étonnantes. Que recherchent ces personnes dans un stress incroyable, à l’affût de l’action qui monte ou qui baisse ? Il paraît que le stress est le même devant les écrans des ordinateurs des boursicoteurs.
Selon nos attitudes dans les conflits quotidiens, selon notre regard porté sur les familles désunies ou recomposées, selon notre gestion plus ou moins égoïste de l’argent, Jésus nous appelle à la conversion : changer notre cœur, notre regard, notre manière d’agir, devenir plus humain. Le Carême prend le relais de cet appel. Pour cela, il met à notre disposition la liturgie de chaque dimanche, la documentation élaborée par l’Action de Carême et Pain pour le Prochain : calendrier de Carême pour la réflexion et la prière, les pochettes pour le partage. Chacun peut ainsi apporter sa part pour transformer le monde, afin qu’il ressemble davantage au monde que Dieu aime.

Le Christ notre guide nous dit : « Va ! Même si tu as des ratées dans la vie, ne t’arrête pas ! Je te fais confiance, je vous fais confiance !»
La boussole qui nous accompagne durant ces dimanches de Carême, à l’Eglise de Payerne, n’est pas ronde comme les boussoles ordinaires, car nous serions aussi enfermés dans un système religieux malsain. Mais elle est en forme de spirale, avec une échappée vers la fête de Pâques, la fête de la vie. La maladie, la mort sont peut-être les enfermements qui nous inquiètent le plus. Là, Jésus est notre guide suprême. Il est passé par les ravins de la mort pour ressusciter au matin de Pâques. Le chemin est tracé pour nous. Quelle espérance !

Avec le Christ que nous prenons comme guide, nous ne manquerons jamais de lumière pour la traversée de la vie. Il est le vivant, le ressuscité, tous les jours avec nous. Amen.

 

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