Messe du 5e dimanche ordinaire

Abbé Alexis Morard, à l’église de Fétigny, FR, le 10 février 2002

Lectures bibliques :1 Corinthiens 2, 1-5; Matthieu 5, 13-16

 

Vous êtes le sel et la lumière
bâtisseurs de la Civilisation de l’amour et de la vérité

Vous êtes le sel de la terre
« Vous êtes le sel de la terre. […] Vous êtes la lumière du monde. »
C’est sous cette bannière que notre pape Jean-Paul II a placé les prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse, cet été, à Toronto. Et providentiellement, c’est justement l’Evangile que la Liturgie nous propose aujourd’hui à l’occasion de cette Messe des jeunes.

Par ces deux images – le sel et la lumière – Jésus montre comment Il aimerait que nous soyons dans le monde.
« Vous êtes le sel de la terre. » « Si le sel vient à s’affadir, avec quoi le salera-t-on ? »
Le disciple de Jésus dans le monde est quelqu’un qui donne du goût à son entourage, c’est quelqu’un de passionné, et ça se voit… ça devrait se voir !
Le disciple de Jésus a lui-même le goût de Dieu, il sait s’aimer lui-même d’un amour non égoïste, il sait prendre plaisir et joie à la vie au point d’aimer son prochain comme il s’aime lui-même.

Les disciples de Jésus se passionnent pour Lui, au point que, lorsqu’ils sont ensemble, les autres ne peuvent que dire : « voyez comme ils s’aiment » ! Voilà ce que signifie être « le sel de la terre » : donner le goût de Dieu au monde.
Donner le goût de Dieu au monde c’est lui donner le goût de l’amour, car « Dieu est amour » (1 Jn 4,16). Tout ce qu’Il fait pour nous, Il le fait par amour, et tout ce qu’Il nous demande de faire pour Lui, c’est de nous aimer les uns les autres comme Il nous aime.

Avec le sel de l’amour dans nos gestes quotidiens, nous donnons le goût de Dieu au monde.
Le disciple de Jésus est dans le monde comme le sel dans le pain : il est partout, même si on ne le voit pas, il imprègne toute la pâte, toute la pâte humaine.
« Vous êtes le sel de la terre ». Dans cette image le sel est symbole de l’amour car seul l’amour donne goût à la vie. Sur ce point tous, croyants ou athées, sont d’accord : sans le sel le pain est fade, même pour les gourmands ; sans l’amour la vie est fade, même pour les bons vivants.

Vous êtes la lumière du monde
« Vous êtes la lumière du monde. » ; « … on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison ».
Le disciple de Jésus agit dans la lumière et la vérité, il n’a rien de l’opacité des activités de la nuit. Il est loin, très loin des mesquineries, de l’hypocrisie et du mensonge. Le disciple de Jésus n’est pas faux, il est vrai.
Le disciple de Jésus attire à lui le regard des autres par ses bonnesœuvres. Sa lumière brille devant les hommes afin que ceux-ci « glorifient le Père qui est dans les cieux ». Pas de place ici pour les vantards, ni pour les égoïstes.
Etre la lumière du monde, c’est être vrai, c’est agir en vérité. Essayez de marcher dans le noir, vous n’irez pas loin sans vous cogner.
Si la lumière éclaire notre chemin, elle éclaire aussi notre intelligence. Lorsque quelqu’un comprend quelque chose, ne dit-on pas qu’il voit clair ? Lorsqu’un enquêteur découvre la vérité en dévoilant le coupable, ne dit-on pas que toute la lumière est faite ? Qui dit lumière dit vérité.
En résumé, le sel représente l’amour et la lumière la vérité.

Dire la vérité avec amour
Mais dans ce texte il y a quelque chose d’unique. Ce passage est le seul où Jésus utilise l’image du sel et de la lumière en même temps.
Et ce n’est pas par hasard si Jésus dit en premier lieu : « vous êtes le sel de la terre », et ensuite seulement : « vous êtes la lumière du monde », et non pas l’inverse.
« Vous êtes le sel » vient avant « vous êtes la lumière », c’est dire que l’amour précède la vérité.
Jésus attend de chacun de ses disciples qu’il annonce la Bonne Nouvelle au monde, mais Il attend qu’il le fasse avec amour.
Il est facile d’assommer quelqu’un avec des dogmes, aussi vrais soient-ils, mais comment voulez-vous qu’il découvre que Dieu est amour ? Il est encore facile d’aimer son prochain en lui disant que tout ce qu’il fait est bien puisqu’il aime le faire, mais comment voulez-vous que Dieu devienne la lumière de sa vie ?
Comment alors concilier amour et vérité ?

Faire transparence, faire silence, faire mystère
Parfois je rencontre des personnes qui pensent que pour être chrétien il est nécessaire de « faire transparence », comme quoi il faudrait toujours dire la vérité. Mais allez dire à quelqu’un ses 4 vérités en face, vous le démolissez ! Ce que vous dites est peut-être parfaitement juste, mais sans amour cela devient irrecevable, et ceci d’autant plus si l’autre est dans son tort.

« Vous êtes le sel », puis, « vous êtes la lumière ». Donc commencez par aimer la personne à laquelle vous devez dire ses 4 vérités, vous saurez alors très vite ce que vous devez lui dire et ce que vous devez encore taire, et il y a gros à parier que vous ne lui direz que ses 3 ou 2 vérités… ou même qu’une seule, c’est-à-dire seulement celle(s) qu’elle est réellement capable de digérer. Dire la vérité, oui, mais avec et par amour. Jésus ne nous a jamais dit de faire transparence.

C’est comme la lumière du soleil, pour être saine elle nous parvient filtrée par la couche d’ozone. Sans ozone les rayons ultra violets deviennent mortels.
Jésus lui-même n’a-t-il pas parlé en parabole ? Le véritable sens de la parabole ne se révèle qu’aux cœurs ouverts, Jésus ne force pas.

Jésus a utilisé beaucoup de détours pour que sa divinité ne soit jamais imposée, et cela non sans la complicité de son Père du Ciel qui, dès le départ, a tout fait pour que les hommes puissent croire que Joseph soit son géniteur. Jésus n’a pas fait transparence, il a « fait mystère ». Marie elle-même n’a-t-elle pas gardé et médité tous ces événements dans son cœur ? Même à Joseph, elle n’a rien dit de sa grossesse.

Le monde n’est pas fait que de personnes sincères et de bonne volonté. C’est pourquoi il faut être encore plus prudent, et faire parfois silence, à l’exemple de Jésus devant Pilate, pour ne pas « jeter des perles aux pourceaux » (Mt 7,6).

Mais n’y a-t-il pas un contre-exemple dans la Bible lorsque l’apôtre saint Paul écrit à son ami Timothée : « Proclame la parole, insiste à temps et à contre-temps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire » (2 Tim 4,2) ? Où donc est passé l’amour avec lequel nous devons dire la vérité ? En fait, ce texte concerne des âmes qui se détournent de la vérité, au point de risquer de se perdre. L’amour pousse alors le disciple de Jésus à une grande fermeté, comme un papa à l’égard de son petit enfant qui s’aventure sur la route pour récupérer son ballon, inconscient du danger qu’il court.

Il n’y a pas d’amour qui ne soit au service de la vérité, mais il n’y a pas de vérité qui ne soit constructive sans le divin moyen de l’amour. Là où « Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent » (Ps 85,11).

Nous comprenons maintenant mieux combien l’Esprit Saint est à l’œuvre dans l’invitation que Jean-Paul II vous adresse, à vous spécialement les jeunes, à devenir les « bâtisseurs de la Civilisation de l’amour et de la vérité » en étant à la suite de Jésus : « le sel de la terre » et « la lumière du monde » !

 

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