Messe du 5e dimanche de Pâques

 et Solennité de saint Sigismond et ses compagnons, martyrs (3 mai)

Chanoine Yannick-Marie Escher, abbaye de St-Maurice, le 2 mai 2010
Lectures bibliques (5e dimanche) : Actes 14, 21-27; Apocalypse 21, 1-5; Jean 13, 31-35 – Année C

Le royaume spirituel

 

Etre roi sur la terre est très difficile. Etre roi et être en même temps vraiment royal du point du vue spirituel est très rare.
Saint Sigismond est pour nous un de ces exemples de cheminement intérieur, tant au milieu des contradictions du monde et de la vie humaine qu’au milieu d’actions très rudes, remplies d’oppositions, de contestations et de guerres.

Mais qui est saint Sigismond ?
Roi des Burgondes de 516 à 523, il est élevé dans l’arianisme, cette hérésie qui nie la divinité de Notre Seigneur. Il se convertit au catholicisme grâce à l’influence de saint Avit, évêque de Vienne en Dauphiné. Saint Sigismond fait preuve d’un grand zèle pour l’Eglise. C’est ainsi qu’il fonde, le 22 septembre 515, notre monastère où est instaurée la Laus perennis, la louange perpétuelle. Après la mort de sa femme, suite à des intrigues et de fausses délations, il se laisse entraîner à condamner à mort son fils, Sigéric. Pris ensuite de repentir, il veut expier sa faute en se retirant dans la solitude à Vérossaz, où il mène une vie de prière et de pénitence. Mais bientôt, ses ennemis l’y découvrent, l’emmènent à Orléans où lui et ses deux autres fils, Giscald et Gondebald, furent mis à mort le 1er mai 524.

Comme monarque et homme de pouvoir, comme chrétien avec ses zones d’ombre, saint Sigismond fut un modèle de dévotion et de piété, un modèle d’austérité et de pénitence. Cependant, nous ne pouvons pas en rester à de simples considérations pieuses. La grande leçon que nous donne saint Sigismond est magnifiquement condensée dans la prière d’ouverture de la messe de ce jour : il s’est détaché des grandeurs terrestres et a reçu le royaume des cieux.

Comment saisir cela ?

Saint Sigismond a compris, et nous le voyons à travers toute sa vie, que le vrai royaume est le royaume intérieur. La royauté intérieure c’est être uni entièrement au Christ, c’est être consacré dans la vérité comme le rappelle l’Evangile que nous venons d’entendre.

Ce qui donne une royauté intérieure, c’est de reconnaître Jésus-Christ et de demander pardon, comme saint Sigismond pénitent à Vérossaz, comme le Bon Larron sur la croix. Car sur le Golgotha, il y avait deux rois de la même royauté : le Roi éternel et le roi du pardon, le Bon Larron qui, selon les mots même de Notre Seigneur, est entré le jour même dans le Royaume.

Comment accueillir et vivre ce royaume intérieur, cette vie unie au Seigneur ?

On ne peut pas vivre cela à travers les livres, ou par des efforts intellectuels ou encore par le recours à la psychologie. On ne peut le vivre que par le dépouillement royal absolu, par une ouverture de notre cœur à Dieu : en demandant pardon à Dieu humblement et en recommençant sa vie à chaque minute. Si on accomplit cet acte intérieur, le regard change ; on verra autrement ce qui est beau et ce qui est laid, physiquement, spirituellement et moralement. Tout aura une valeur différente. C’est ce que demande saint Paul dans sa lettre aux Romains : « Je vous exhorte (…) par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. » (Rm 12, 1)

Grâce au pardon demandé à Dieu du fond de son être, de chaque cellule de son être, nous entrerons dans la royauté authentique. Saint Sigismond n’est véritablement roi qu’à Vérossaz et dans son martyre. Alors nous pourrons comprendre ce que signifie vivre dans le monde sans être du monde. Nous le comprendrons parce que nous le vivrons réellement.

Nous devons demeurer dans cette royauté continuelle de la demande de pardon parce que notre âme porte une pesanteur, elle vit sous une loi de gravité spirituelle universelle qui l’attire vers le bas; tout comme saint Sigismond nous pouvons être capable des pires actes. Mais notre amour est la force qui nous porte, nous pousse à nous relever. Donc, plus nous demandons pardon, nous jugeant pauvres et faibles, plus notre possibilité d’aimer et de connaître s’élèvera et s’élargira.

Mes frères, mes sœurs, saint Sigismond n’a pas été un roi victorieux comme Clovis ou Charlemagne; il a cependant étendu son influence comme une onction qui passe à travers les siècles dans la louange ininterrompue du monastère qu’il a fondé. Sa défaite extérieure nous apparaît comme un mystère de victoire spirituelle et nous invite à ne pas juger selon un critère d’efficacité mondain, selon les victoires extérieures des œuvres accomplies, mais selon la victoire intérieure.

Jésus-Christ, le seul Roi, le Roi éternel, le Roi du roi saint Sigismond, a gagné la victoire éternelle contre le mal par le plus grand échec de l’histoire humaine : seul sur la croix, immobile, blessé, souffrant, bafoué, abandonné. Il a étendu sa Royauté sur tous les siècles et sur toute l’histoire humaine. Tel est l’enseignement de Notre Seigneur, tel est l’enseignement de saint Sigismond, tel est l’enseignement de l’Eglise. Amen

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