Messe du 5e dimanche de Pâques

 

Chanoine Jean-Paul Amoos, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 28 avril 2002

Lectures bibliques : Actes des Apôtres 6, 1-7; 1 Pierre 2, 4-9; Jean 14, 1-12

« Je suis le chemin, la vérité et la vie ».
« Allez vers le Seigneur, il est la pierre d’angle ».

Mes frères, mes soeurs,

L’Évangile de Jean ainsi que la 1ère lettre de Pierre, que nous venons de lire, nous permettent de saisir en profondeur la grâce de la foi en Jésus et le bonheur d’être invités à vivre et à prendre place avec Lui dans le mystère de l’Église.

Jésus, chemin, vérité et vie est aussi la pierre d’angle sur laquelle est bâtie l’Église. Pour évoquer la Pâque du Christ et la participation des chrétiens à ce mystère, la Première lettre de saint Pierre part d’une image assez insolite : « Le Seigneur Jésus est la pierre vivante, que les hommes ont éliminée, mais que Dieu a choisie parce qu’il en connaît la valeur ». Par ces paroles, l’apôtre Pierre s’adresse à des chrétiens récemment baptisés. Il leur fait découvrir leur place dans le mystère de l’Église. Il les invite à « aller vers le Seigneur », à « s’approcher de Lui ». A se laisser comme aimanter par Jésus.

Qui mieux que saint Pierre a pu saisir le mystère de l’amour du Christ ? Lui qui, au lendemain de son reniement, a connu la Puissance de l’amour infini et la grandeur de la miséricorde du Seigneur ne peut qu’inviter les nouveaux baptisés à s’approcher du Vivant. Et pour se faire comprendre et pour faire saisir à tout chrétien la portée de sa vocation, il va utiliser sept fois en cinq versets le mot de pierre.

De pierre vivante, à pierre rejetée par les bâtisseurs, en centrant le tout sur « la pierre angulaire », l’apôtre définit le mystère de l’Église comme communauté de « pierres vivantes » édifiée sur la pierre rejetée par les bâtisseurs devenue pierre d’angle. Le Christ, l’Alpha et l’Oméga, le début et la fin de toutes choses, est venu dans son propre bien, mais les siens ne l’ont pas accueilli.

Oui Jésus, cette pierre, a été rejeté par ceux-là mêmes qui avaient pour mission d’accueillir le Verbe incarné et de construire avec lui un monde nouveau. Et pour cette pierre rejetée par les bâtisseurs, Dieu a creusé une fondation inédite : le tombeau à jamais ouvert. Cette pierre, basculée dans le tombeau est devenue l’unique pierre d’angle sur laquelle toutes les autres pierres, au cours des siècles, viendront se poser pour bâtir le plus bel édifice qui soit : l’Église. Il faut avoir vu, il faut avoir construit des murs en pierre pour saisir la portée des paroles de l’Apôtre.

Une pierre angulaire – vivante – des pierres vivantes approchées de la pierre angulaire, cela peut ne rien dire à qui n’a pas un jour admiré la construction d’un mur de cathédrale ou regardé de près un mur de vigne. Un non initié pourrait croire que pour construire un mur il suffit tout simplement de poser les pierres les unes sur les autres !!! Il n’en n’est rien. Un bon bâtisseur commence par creuser le sol bien profondément, puis il choisit une pierre de taille à angle parfait, une pierre vivante, c’est-à-dire, non fusée et sur cette pierre il pose en toute confiance, mais toujours avec précision, d’autres pierres, certes moins grandes, mais toujours de qualité et il faut que les assises successives de pierres soient à l’aplomb des premières couches.
Ressuscité, le Christ est devenu le fondement d’une construction nouvelle.

Ceux qui s’approchent de lui, ceux qui s’appuient sur lui dans une foi totale, deviennent eux aussi des « pierres vivantes », car la vie du ressuscité les envahit et les transforme. Ils sont incorporés au nouvel édifice.

Lors des baptêmes, j’aime beaucoup mettre en évidence un rite qui passe malheureusement trop souvent inaperçu, mais qui exprime très bien la place du baptisé dans l’Église. Ce rite, c’est le rite de l’onction avec le saint chrême pratiqué à la suite du baptême lui-même, lorsque le célébrant dit au baptisé en faisant sur lui l’onction :

« Tu es maintenant baptisé. Le Dieu tout-puissant Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, t’a libéré du péché et t’a fait renaître de l’eau et de l’Esprit Saint. Désormais, tu fais partie de son peuple, tu es membre du corps du Christ (et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi). Dieu te marque de l’huile du salut afin que tu demeures dans le Christ pour la vie éternelle ».

La foi au Christ fait des croyants « la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu ». Il ne s’agit plus d’une promesse à venir, l’Apôtre ne dit pas : « Vous serez », mais bien : « Vous êtes ». Oui, vous êtes aujourd’hui ce peuple de Dieu.

Les « pierres vivantes » sont des personnes rassemblées par Dieu. Elles tiennent leur cohésion de leur union à lui. Elles sont « saintes », c’est-à-dire sanctifiées, parce que le Christ est leur tête.

La communauté des croyants n’a de consistance que pour autant qu’elle demeure unie au Christ qui, lui, la tient ensemble comme, dans les bâtiments anciens, la pierre d’angle tenait tout. Une communauté dont le Christ n’est plus le centre n’existe plus.

Oui, chrétiens, honneur à vous qui avez la foi, dit l’apôtre Pierre. Baptisés, nous participons à la dignité du Christ. Soyons fiers, humblement, mais sans complexe.

Fiers et obligés ! Tant de dignité ne peut être gardée pour soi. « Arrachés à l’emprise des ténèbres » par la mort de Jésus, nous sommes désormais admis à « partager le sort des saints dans la lumière ». Nous ne pouvons garder pour nous seuls cette lumière. Notre vocation nous appelle à la répandre généreusement. Comblés par l’amour de Dieu, nous pouvons et nous devons nous montrer rayonnants de bonté et de joie. Étant « Pierres, vivantes », membres de l’Église du Christ, toute notre conduite amènera ceux qui nous observent à glorifier Dieu. Loin d’être enfermés dans des horizons étroits, nous voyons donc s’ouvrir devant nous des perspectives stimulantes et extrêmement positives, chargés que nous sommes « d’annoncer les merveilles de Celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. »

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *