Messe du 5e dimanche de Carême

 

Abbé Bernard Dubuis, à l’église St-Michel à Martigny-Bourg (VS), le 2 avril 2006
Lectures bibliques : Jérémie 31, 31-34; Jean 12, 20-23 – Année B

Il était une fois… dans un pays lointain…

Dés que nous entendons ces mots, notre oreille se fait attentive, notre cœur écoute : nous sommes concernés. Oui, le conte, le poème, la parabole disent la vie, parlent de nous. Jésus, en homme de la terre, aime le langage des paraboles. Ses paraboles à lui jaillissent des travaux et des jours. Elles sont humbles et signifiantes comme l’eau vive. Elles dégagent la force pénétrante et la lumière de l’huile. Elles parlent de nous, de Lui et de son Père : elles nous éveillent au mystère. Elles ne contraignent pas, elles ne démontrent pas ; elles veulent simplement, avec humilité, créer une brèche par où survient le sens, la lumière.

Les paraboles de Jésus révèlent le Dieu discret, intérieur. Le prophète Jérémie nous le suggérait quand il disait : « Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur… »

  Aujourd’hui, une perle, la perle des paraboles. Celle du grain de blé : « si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul. Mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit. »
Les 4 saisons : Peinture de l’abbé Bernard Dubuis
Regardons… écoutons ce grain de blé tombé en terre. Il dessine la trajectoire vitale de Jésus. Je le devine, dans la nuit et le silence de la terre, se craqueler, se laisser briser, éclater pour délivrer les puissances de vie et de lumière qu’il contient. Sans doute meurt-il, non pas dans le sens d’une disparition, mais dans le sens d’une création, d’un surgissement. « Et le Verbe s’est fait chair… » Dieu tombé en terre humaine. Dans la pesanteur la grâce. « Si tu savais le don de Dieu… » dira-t-il un jour à la Samaritaine. Profusion de grâce mêlée à la glaise, le pain de vie en pain de froment.
 
  Et déjà les premières pousses du printemps d’un vert tendre et fragile comme une naissance, un commencement, un baptême : « Au moment où Jésus remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre sur lui, et des cieux vint une voix : « tu es mon fils bien-aimé, en toi je me plais. » La parole de Dieu éclate en mots comme les bourgeons au printemps : « Les temps sont accomplis et le royaume de l’amour est tout proche. Croyez à la Bonne Nouvelle. »
Puis vient l’été. L’épi se dresse dans le ciel bleu. Jésus sur la route à la rencontre des hommes. Il les éveille, les invite à se mettre debout et à reprendre la marche : lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. Toujours le même amour livré au quotidien. Il passe en faisant le bien. Il fait entendre le sourd, parler le muet ; il rend la vue à l’aveugle, la marche au boiteux. Il transforme le cœur de pierre en cœur de chair. Il suscite la vie.
 
  L’automne est là. L’épi est lourd de grains murs. Jésus est cloué sur la croix. Le temps de la moisson est arrivé. Verticalité de la croix qui relie la terre au ciel. Horizontalité de la croix qui relie les hommes entre eux. « Elevé de terre j’attirerai tous les hommes à moi… Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… la voici venue l’heure, où le fils de l’homme doit être glorifié… » Croix de lumière, l’heure de l’amour qui va jusqu’à l’extrême du don. L’homme se lève dans la gloire, il fait jour de naissance, révélation du Visage. Les blés ont la couleur du pain.

« Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous… et pour la multitude »

Le grain de blé tombé en terre parle de nous. Mourir pour vivre est-ce un non-sens ou est-ce le secret de nos existences ? L’enfant vient au monde en s’arrachant à sa mère. Cet arrachement le fait crier et passer des ténèbres à la lumière. Il marchera sa vie de dépassement en dépassement. A travers des crises de croissances il affrontera la réalité ; de mort en mort, il apprendra la vie, il apprendra à devenir lui-même et parviendra à l’âge du don. Chacun connaît l’humble fécondité d’une vie animée par l’amour. Chacun sait aussi que le repli sur soi, l’enfermement, le refus de s’ouvrir à l’autre sont stériles et destructeurs. Le dépassement de soi ne va pas de soi. Il s’opère dans la douleur. Je connais des personnes blessées, brisées par la maladie, le handicap, la séparation, dont la vie est d’une fécondité étonnante parce qu’elles choisissent, dans un combat de tout instant, de libérer les forces d’amour qu’elles portent en elles. « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »

 

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