Messe du 5e dimanche de Carême

 

 

Abbé Pierre Aenishänslin avec Françoise et Jacques Pasquier, monastère de la Visitation, Fribourg, le 2 avril 2006
Lectures bibliques : Jérémie 31, 31-34; Hébreux 5, 7-9; Jean 12, 20-33 – Année B

Le regard de Dieu sur le concret de nos vies est révolutionnaire

(Pierre Aenishaenslin)
« Je serai leur Dieu, ils seront mon peuple » nous dit le prophète Jérémie (31, 33). Pour se faire connaître, Dieu enverra son Fils. Celui-ci descendra vraiment dans l’humanité. 100 % homme. Dans son chemin terrestre, Jésus partagera tout, la totalité de la vie de ses frères et sœurs. Lors de chaque journée de son itinéraire de prédicateur, nous le voyons accueillant, écoutant, enseignant, soulageant les souffrances, en étant toujours alimenté à la source, le cœur de son Père, source de son amour.

Totalement tourné vers le Père, Jésus s’en remet toujours à Lui. Jésus, comme il le dira, vient accomplir les Ecritures. Mais revenons maintenant à la première lecture.

(Jacques Pasquier)
« Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes; je l’inscrirai dans leur cœur…Tous me connaîtront, du plus petit jusqu’au plus grand »(Jérémie 31, 33-34) Ces paroles de Jérémie nous invitent à un autre regard sur nous-mêmes et sur les autres … les autres qui, comme nous, sont dépositaires de la Loi.

Ce nouveau regard a quelque chose de révolutionnaire pour les relations humaines et sociales, dans la famille, dans l’éducation, dans l’entreprise, dans la politique et dans les organisations de toute sorte. Il touche en plein la question des droits humains.

Bien sûr, les situations de formation, d’information et de pouvoir sont diverses, par exemple dans les négociations patronat-syndicat.

Il reste que si nous croyons que les autres ont comme nous la Loi du Seigneur inscrite dans leur cœur, on va pouvoir s’écouter. Le compromis va devenir possible. Et la difficile recherche de ce compromis va prendre une toute autre tournure, être bien plus créatrice. Il sera ainsi possible de sortir de bien des impasses.

(Pierre Aenishaenslin)
La liturgie d’aujourd’hui nous a offert également un passage de l’Epitre aux Hébreux. « Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication » (5, 7) Son épreuve n’est pas seulement l’angoisse, après une vie donnée, devant la mort épouvantable telle que nous la connaissons. Non, son angoisse est nourrie du refus que les pécheurs opposent à l’amour, à l’amour de Dieu d’abord, à l’amour des hommes ensuite. Elle est nourrie également de la pauvreté miséreuse de trop de pauvres, de la persécution des justes ou envers d’anciens ou de nouveaux croyants.

Où donc est le règne de Dieu ?

Nous connaissons tant de personnes autour de nous qui sont au bord de la détresse ou qui ne trouvent plus sens à leur vie. La vie est si éprouvante, l’épreuve est trop lourde :

– un cancer le ronge, pourquoi lui ?

– un fils est tué par un chauffard, laissant sa famille éplorée.

– une jeune maman, seule avec son enfant de 5 ans, se meurt du cancer.

Jésus n’a jamais été du côté des forts, il est du côté des victimes. Sur les routes de Palestine, il a guéri, refusé l’exclusion, réconcilié les pécheurs. En pleine pâte humaine, il a été solidaire. Le Christ, devenu l’un d’entre nous, n’a pas supprimé toute souffrance, il ne l’a pas expliquée, il l’a habitée, comme a dit le poète Claudel. Son regard si fraternel sur le concret de notre existence est un appel à la vie.

(Françoise Pasquier)
Vous dites appel à la vie. Pour que la vie grandisse et devienne féconde, il est nécessaire de s’alléger de ce qui est superflu, lourd et qui nous encombre afin de lui faire de la place. Nous avons entendu dans l’Evangile de Jean « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. »(12, 24)

Chacune de nos vies comporte sa part de deuils à faire, de pertes à assumer, de situations qui surviennent alors que nous ne les attendons pas, licenciement de son emploi, une grave maladie qui se déclare, un amour trahi, la fuite loin de son pays.

– Pourquoi faut-il que le grain meure pour donner beaucoup de fruits ?

Oui, les pertes, les deuils, les souffrances, des événements malheureux peuvent parfois devenir source de croissance, de fécondité. Ils sont susceptibles d’engendrer une vie nouvelle. C’est le mystère pascal dans nos vies.

Passer de la mort à la vie, c’est accepter les détachements inévitables de l’existence, les frustrations qui permettent d’évoluer. C’est aussi lâcher prise, abandonner ce qui n’est plus, ce qui n’a plus lieu d’être, pour accueillir ce qui est, la réalité d’aujourd’hui.

La raison d’être de la mort, n’est-ce pas peut-être de faire de la place à la vie !

Faire de la place à la vie, c’est laisser fleurir une vie éternelle déjà commencée, à travers nos pardons, nos gestes d’amour, de partage, de communion.

Moments de vie…germes d’éternité…ainsi la mort est vaincue par toutes les puissances d’amour que Dieu met dans le cœur de l’homme.

(Pierre Aenishaenslin)
Les Grecs veulent voir Jésus, un homme à succès. Celui-ci leur répond que l’heure est venue. Il va entrer dans la grande semaine. « Je vais être glorifié » mais pas comme vous le pensez, il s’agit de la gloire de la croix. Et nous savons que c’est l’heure de la peur et de l’angoisse. Jésus a vécu cette heure comme n’importe quel supplicié mais avec sa capacité d’un amour totalement donné, donnant sa vie pour ses amis.

Elevé de terre, nous contemplons mort l’auteur de la vie. Les Grecs vont apprendre que c’est pour cette heure-là que Jésus est venu, l’heure où le péché du monde a conduit Jésus à la croix qui paradoxalement devient un trône de gloire, une victoire sur la mort. Car s’il a été mort, il est le Vivant.

« Jamais grain tombé en terre n’a produit une telle moisson. »

 

 

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