Messe du 4ème dimanche du Carême

 

 

Chanoine Claude Ducarroz, Monastère de la Visitation, Fribourg, le 30 mars 2003.

Lectures bibliques : Ephésiens 2, 4-10; Jean 3, 14-21

Il faut avoir fréquenté des prisonniers en attente de leur jugement pour comprendre – oh ! un peu seulement – ce que signifie la sentence.

 

Mon expérience personnelle en prison m’a démontré que presque toutes les personnes condamnées avaient espéré une peine moindre. Le verdict, écouté dans un silence fait d’angoisse et d’espoir mélangés, tombe généralement comme un couperet.
La facture est là, incontournable. Il faudra survivre désormais avec ces mois, ces années derrière les barreaux.
Ou alors, dans le meilleur des cas, sous une épée de Damoclès suspendue sur la tête : la prochaine fois, ce sera la fin du sursis, une peine cumulée, autant dire le double.

 

Il y a dans la liturgie de ce dimanche une ambiance de procès. A quatre reprises, rien que dans l’évangile, on évoque le jugement.
Non pas que Dieu nous assigne à son tribunal comme un procureur avide de requérir la peine maximum, mais parce que nous-mêmes, en conscience, nous savons bien que nous avons péché.

 

Qui peut prétendre qu’il est innocent face au décret de sa sincérité ?
Nous essayons de jouer à cache-cache avec nous-mêmes, nous pouvons répéter que c’est la faute des autres, de la société, que sais-je encore. Arrive toujours le moment où, dans la solitude de notre vérité, il nous faut le reconnaître : j’ai péché contre mes frères et contre Dieu, j’ai aussi ma part dans le mal et les malheurs qui crucifient l’humanité.

 

Est-ce à dire que nous sommes condamnés à errer comme des fautifs désespérés, des récidivistes inexcusables ?

 

Non. Car il y a un Sauveur.

 

J’ai compté. Dans les lectures que vous avez entendues, entre les mots « vie, amour, sauver, miséricorde, grâce », il y a 14 mentions positives. Oui, la miséricorde de Dieu bat son jugement par 14 à 3. Son cœur ouvert sur notre misère – la miséricorde – a proclamé la sentence définitive.
Le verdict est tombé : nous sommes des pécheurs sauvés, nous sommes des coupables pardonnés. C’est le Christ qui est venu nous le déclarer du haut de sa croix, du sein de son cœur transpercé.
Ecoute encore une fois, toi qui ploies sous le fardeau de tes fautes, toi qui n’oses plus croire au salut : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique, non pour condamner ce monde, mais pour qu’il soit sauvé par lui. »

 

Qu’est-ce que ça te fait d’ouïr un tel arrêt … de vie, ce décret de l’amour divin plus fort que notre mort ? Tu existes à nouveau.
Au tribunal de ta conscience, une voix venue d’ailleurs couvre la rumeur de tes remords. Ecoute bien. Elle s’élève plus fort que ton juste repentir pour t’accorder la grâce d’une libération. Tu es relaxé.

 

« Car Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts à cause de nos fautes, voici qu’il nous a fait revivre avec le Christ ».

 

Entendre cela, y croire de tout son cœur : c’est peut-être ce qui manque le plus aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui. Ils sont tellement désespérés par eux-mêmes.
Certes le pardon ne peut pas faire comme si ce qui est arrivé n’était jamais advenu.
Mais celui ou celle qui a commis cela – et l’a reconnu – peut être remis sur les rails de la vie. L’apôtre Paul compare ce sauvetage à une résurrection. Jean le décrit comme l’entrée dans la vie éternelle. Qui dit mieux ?

 

La sentence de Dieu tombe comme éclate un éclair d’amour dans la nuit : Tu es un pécheur certes, mais tu es acquitté. « Va en paix et ne pèche plus ».

 

Avoir entendu cela dans sa vie, surtout si l’on a croupi au fond du trou de la mort intérieure, voilà qui fait aussi prendre conscience d’un énorme pouvoir remis entre nos mains, sur nos lèvres, celui d’absoudre à notre tour.

 

Il y a autour de nous, tout près de nous, des gens qui attendent de renaître par le miracle de notre miséricorde.
Oui, nous avons en nous cette puissance toujours disponible, celle de redonner la vie en pardonnant comme Dieu nous a pardonnés. Il y a des sentences qui achèvent, voire qui tuent.

 

Il y a aussi des verdicts qui relèvent et même ressuscitent. Quand on a passé par l’acquittement au tribunal de la miséricorde de Dieu, comment ne pas devenir des prophètes de la réconciliation dans nos relations humaines, ne serait-ce qu’en famille par exemple ?

 

Dieu nous fait grâce, il nous gracie toujours. La moindre des actions de grâces, n’est-ce pas d’être gracieux à notre tour ?

 

Nous sommes tous les enfants de la divine amnistie. « Père, pardonne-leur », dit Jésus sur la croix. Entendre cela, c’est devenir un sauvé … sauveur !

 

Amen.

 

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