Messe du 4ème dimanche de Pâques

 

Abbé Pierre-Yves Maillard, le 13 avril 2008, à l’église de Porrentruy
Lectures bibliques :
Actes des Apôtres 2, 14-41; 1 Pierre 2, 20-25; Jean 10, 1-10 – Année A

Le temps de Pâques apporte des mots d’images, des images de fête. On lève la tête, on regarde le ciel, on en attend toujours une promesse. De quoi fut-elle donc faite, la rencontre des apôtres avec Jésus Ressuscité ? Quelle fut la part des sens, quelle fut celle de l’esprit ? Je ne le sais pas. Mais depuis ce jour-là, leur vie changea de sens et ils ne cessèrent plus, comme Pierre à la Pentecôte, d’annoncer le Christ vivant : « Ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a fait Seigneur ». Le temps de Pâques, c’est donc l’enlèvement d’un lieu pour un autre, c’est l’invitation au grand déplacement de la vision à la foi, de ce qui est compris à ce qui est cru. Afin de voir plus clair, afin de croire plus intelligemment, afin d’espérer plus sereinement, il faut descendre, descendre pour mieux monter.

C’est peut-être la raison pour laquelle l’Eglise nous propose chaque année, au beau milieu de ce temps pascal, de prier pour les vocations. Le temps de Pâques, c’est en effet le temps des premières conversions, des premières missions et des premières prédications. C’est ce temps où les apôtres deviennent témoins, et s’en vont sur les routes en réponse aux dernières paroles de Jésus : « Allez, de toutes les nations faites des disciples ». Ce départ en mission n’est-il pas précipité? On serait tenté de le croire. C’est, il est vrai, sur une insécurité évidente, sur une incrédulité non résorbée, sur une compréhension mal assise de ce qui se passe, que Jésus laisse ses disciples et les lance dans l’aventure. Quelle est donc cette logique qui fait prononcer à Jésus la dispersion des apôtres au moment où la foi est tout juste à naître ? Risque calculé, ou géniale improvisation ? La question ne s’enferme pas en ces termes. Ceux-ci relèvent trop d’une logique de la planification, qui tiendrait compte des pourcentages d’assurances et de risques, de réussite et d’échec, d’atouts et de malchance. Avons-nous, nous-mêmes, cherché à planifier ainsi notre vie ? Non. Nous nous sommes appuyés, comme nous nous appuyons ici ce matin, sur la dynamique d’une promesse. Sur un Esprit qui doit venir. Le point d’ancrage, pour nous comme pour les apôtres, est en avant, et non en arrière. Les signes jaillissent devant, et non derrière. C’est cela, l’aventure de la foi. Ce fut notre choix.

Prier pour les vocations sacerdotales et religieuses, c’est donc espérer que de nombreux jeunes, aujourd’hui encore, osent fonder leur vie sur la foi de cette promesse. C’est croire que le Christ est assez réel pour combler une existence, et qu’il est bon que certains le préfèrent à tout, pour donner à chacun le goût de l’accueillir dans le quotidien de sa vie. Mais prier pour les vocations, c’est aussi se souvenir que l’Eglise tout entière est appelée à une forme de mission. Le Pape Benoît XVI vient de l’écrire dans son message à l’occasion de ce jour de prière : « Les communautés chrétiennes, qui vivent intensément la dimension missionnaire du mystère de l’Eglise, ne seront jamais portées à se replier sur elles-mêmes. La mission, comme témoignage de l’amour divin, devient particulièrement efficace quand elle est partagée d’une manière communautaire, afin que le monde croie ».

Chaque baptisé est donc appelé à prendre sa place dans cette grande mission de l’Eglise. Ceci dit, pourquoi faut-il que l’élan évangélique reste si souvent retenu aux fragiles sécurités du passé et du moment ? C’est peut-être que, trop naturellement, le chrétien est prudent, d’une prudence qui veut que tout soit minutieusement au point avant de courir le risque de la foi, relève-t-elle d’un principe évangélique ? On peut se le demander. Si nous attendons la perfection des rites et du langage, ou la nôtre et celle de nos frères, pour répondre à l’appel de Dieu, quand serons-nous prêts ? Il nous faut secouer cette habitude où nous sommes plus pressés d’assurer la moisson que de risquer les semailles.

En ce temps de Pâques, il nous revient d’aller dans le monde entier, il nous revient d’être Christ, chez nous et ailleurs. « Proclamer à toute la création » : on ne peut dire plus clairement la mission universelle de l’Evangile. Nous, nous traduisons parfois : l’Evangile doit couvrir la surface de la terre. L’évangélisation procéderait par extension du tissu clérical. Il faudrait diffuser l’Evangile comme on diffuse l’information. De fait, Jésus laisse ses disciples sur terre et à la terre, avec mission de la faire advenir à Dieu. A nous de l’informer d’une Parole, ce qui est ici plus que lui communiquer un renseignement, mais lui insuffler un langage neuf, la pénétrer d’un levain, pour que prenne forme, et lève, le Règne de Dieu au milieu du monde.

Voilà donc bien la raison ultime de prier pour les vocations en ce jour : donner au monde de continuer à entendre et recevoir cette Parole qui est Bonne Nouvelle : Jésus-Christ est venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. Confesser une foi qui n’est pas une démonstration, mais une vérité qui permet de se tenir dans la joie qui demeure, c’est-à-dire qui a pu traverser les drames, dans l’assurance que notre quête est toujours accompagnée par un Autre. Et croire que Dieu continue d’être présent en toute vie qui l’accueille, fragile, inespérée, plus réelle encore.
Amen

 

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