Messe du 4ème dimanche de Carême


Père Albert Longchamp, à l’église d’Echallens, VD, le 10 mars 2002

Lectures bibliques : 1 Samuel 16, 1-13; Jean 9, 1-41

Parole de Dieu, paroles des hommes

Au cœur de l’événement

Les trois lectures bibliques qui construisent la liturgie de la parole, en ce quatrième dimanche de Carême, convergent vers un thème commun : sortir de l’apparence pour aller au fond des choses, passer des ténèbres à la lumière, démasquer ce qui est ténébreux, reconnaître ce qui plaît à Dieu, accepter le travail de clarification nécessaire à l’édification de notre foi et de l’Eglise.

La première lecture rappelle les origines de la royauté en Israël et l’onction de David. En soi, ce récit raconte un coup d’Etat. La famille de Jessé arrache le pouvoir à celle de Saül. Mais la relecture de cet épisode politique l’a transformé en réflexion religieuse. « Les hommes regardent l’apparence. Le Seigneur regarde le cœur. » Remarquez – si j’ose dire : Dieu n’est pas infaillible ! Aveuglé par ses passions, David se montrera un homme décevant, un pécheur cupide et cruel. D’où l’attente progressive, au sein du peuple hébreu, d’un roi juste et miséricordieux, digne d’être pleinement l’élu de Dieu.

Nous, chrétiens, nous croyons que cet élu est Jésus de Nazareth. C’est lui qui nous aide à voir, à ouvrir les yeux sur nous-mêmes et sur les réalités qui nous entourent. Le récit de la guérison de l’aveugle-né, rapporté par l’évangile de Jean, montre à quel point même des hommes religieux – les pharisiens – peuvent être butés, fermés sur leurs principes.

La communication passe très mal entre Jésus et ses interlocuteurs, à l’exception de l’aveugle. Cet infirme, dont la foi tient à peu de choses – il sait à peine qui est Jésus – cet aveugle est en réalité un cœur en éveil, une prière muette que le Christ peut exaucer. En revanche, Jésus ne peut rien pour les pharisiens murés dans leurs certitudes. Tout est construit dans le récit pour faire ressortir l’aveuglement des voyants, la surdité des entendants et, par contraste, la lucidité de l’ homme tout simple capable de déclarer, à propos de Jésus : « C’est un prophète ! » L’aveugle voit au cœur de l’événement, les voyants restent des êtres superficiels. Car, à leur religion, manque l’amour.

Il serait trop facile de penser que le drame qui s’est tramé autour de Jésus et de l’aveugle-né ne nous concerne plus. Il serait dramatique, pour l’Eglise actuelle, de ne pas se sentir impliquée dans le combat contre la « mauvaise foi » au sens strict du mot.

« Un chrétien, une chrétienne, nous dit la lettre pastorale adressée en ce jour par l’évêque de notre diocèse, Mgr Bernard Genoud, est quelqu’un qui connaît sa vocation, son appel, et qui – comme l’aveugle-né – se met dans la lignée des grands prophètes pour reconnaître les merveilles de Dieu et les annoncer aux autres. Un chrétien, une chrétienne ose proclamer que l’aspiration au bonheur n’est pas sa propriété privée, qu’elle fait partie du bien commun de l’humanité et qu’on ne confisque pas les tendresses de Dieu ! »

Les médias, qui occupent notre réflexion du temps de Carême, nous ont un peu trop habitués, aux malheurs et à la fugacité du temps. Ils savent raviver la mémoire, mais ne savent guère l’enchanter. Ils nous ont « drogués à l’instantané, à l’actualité », [souligne Alain Rémond, observateur assidu de la télévision]. On se fâche, on pleure, des images nous bouleversent, notreœil découvre des scènes d’épouvante tous les jours. Mais on se laisse endormir, on devient une masse amorphe, un peu lâche, et aussi très lasse, qui efface tout pour garder la conscience tranquille.

Demandons-nous, honnêtement, quel est le vernis de culture et d’éthique, de religion, de lois, de rites, qui nous empêche de voir, d’entendre, de compatir à ce que ce monde souffre, projette, rejette ou espère. Demandons-nous comment annoncer notre foi et faire aimer notre espérance. Pour le dire avec les mots proposés par Mgr Genoud : Essayons d’offrir à Dieu la possibilité de nous souffler : ‘Je t’aime, je t’appelle à l’amour, et je t’envoie vers les hommes tes frères pour leur crier : Dieu t’aime d’un amour infini… »

Si nous vivons cela, nous permettrons à beaucoup d’hommes et de femmes d’ouvrir leurs yeux, de découvrir que malgré toute l’ombre du monde, ils ne sont pas orphelins. La terre des hommes est un milieu divin. En Eglise, du Nord et du Sud, pour les riches et les pauvres, pour les mal croyants et les mal venus, pour tous, chrétiens ou non, partager la communication, c’est répandre la plus belle rumeur que le monde ait connue : Jésus Christ est le surnom du bonheur ! Il nous délivre de nos trahisons. Il est venu pour notre guérison. Dès maintenant et à jamais.
Amen !

 

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