Messe du 4e dimanche ordinaire – Apostolat des laïcs

 

Abbé Michel Genoud, à l’église de St-Prex, VD, le 3 février 2002

Lectures bibliques :1 Corinthiens 1, 26-31; Matthieu 5, 1-12

Il y a un certain nombre d’événements dans nos vies où nous faisons l’expérience de notre impuissance. Cette impuissance, nous la ressentons encore davantage si l’on se trouve en face de personnes qui attendent en quelque sorte l’impossible de notre part. Nous exprimons alors nos limites, en disant par exemple : » …mais, je ne peux pas faire de miracles ! » ou encore « Je ne suis pas le pape, ni le Président de la Confédération, et encore moins Dieu le Père. »

Je ne suis pas Dieu le Père, d’accord! Mais je suis peut-être plus proche de lui …ou disons plutôt que c’est Lui qui, par amour, est plus proche de moi que ne peut l’être le Pape ou le Président de la Confédération. D’ailleurs, ne l’oublions pas, selon l’évangile, ces hautes fonctions dans l’Eglise ou dans la société, sont essentiellement des services. Ainsi la vraie grandeur, celle qui compte aux yeux de Dieu, ne vient pas d’abord de la tâche, de la profession ou de la vocation qu’on exerce, mais de l’humilité et du cœur qu’on y met.

Saint Paul fait remarquer aux Corinthiens que les critères des hommes qui tablent sur la sagesse humaine, sur la puissance économique ou sur la classe sociale ne sont pas les critères de Dieu, qui ne craint pas, lui, de miser sur ce qui est faible, sur ce qui est modeste, voire méprisé dans le monde …pour bâtir son royaume.
– Qu’y a t-il de plus faible dans le monde que le nouveau-né de Bethléem ou le crucifié du Golgotha ?
– Et pour lancer l’évangile dans toutes les nations, qu’y-a-t-il de plus faible que les pécheurs du lac de Tibériade ?
-Pour lutter contre la pauvreté dans lé monde, qu’y-a-t-il de plus faible qu’un curé de Châtillon qui s’appelle Vincent de Paul ou l’abbé Pierre qui fonde les chiffonniers d’Emmaüs.

Et l’on pourrait continuer la liste avec tant d’autres personnes qui donnent de leur temps ou soutiennent aujourd’hui des oeuvres d’entraide pour lutter contre la pauvreté…
qui s’engagent pour plus de justice dans des comités, des associations ou des actions pour l’abolition de la torture, pour l’aide au quart monde, pour le désendettement du Tiers-Monde.

Il y a ceux qui sont sensibles aux courants politiques qui traversent notre société et qui s’intéressent à la chose publique, ceux qui sont sensibles à ce qui se construit ou se défait aujourd’hui dans le monde et en particulier dans une Europe en pleine mutation. Il n’est en effet pas superflu à un mois des prochaines votations, de réfléchir à la place qu’on veut prendre dans cette Europe en construction.

Il y a aussi ceux qui assument la catéchèse, la liturgie, l’accueil des réfugiés, la visite des malades et des personnes âgées.

Il y a ce que chacun fait pour créer une bonne ambiance dans un immeuble, un quartier ou une société sportive ou récréative. Il y a tout ce qu’on connaît, ce qui se passe autour de nous et encore une multitude de choses qui se font, sans que personne n’en sache rien.

Et bien aujourd’hui, en cette journée de l’apostolat des laïcs, c’est à tous ceux-là, qui par ailleurs clament souvent leur impuissance, c’est à tous ceux-là qui s’efforcent de mettre un peu d’amour dans les événements de leur quotidien, c’est à tous ceux-là que Jésus dit :
Heureux les pauvres de cœur,
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice
Heureux les doux, les miséricordieux, les artisans de paix.

Heureux, nous dit Jésus…mais heureux, pourquoi ? Parce que, dit Jésus, le royaume des cieux est à eux, autrement dit, parce qu’ils sont …parce que nous sommes – si telle est notre vie – sur le bon chemin. Heureux, non pas parce qu’il n’y a plus de difficulté et que tout va sur des roulettes. Heureux, parce que, en vivant de cette manière, vous vous attachez aux valeurs qui ne passent pas : l’accueil, l’ouverture, la justice, la paix, le pardon, la miséricorde, l’amour… et parce que ces mots ne sont pas moins que le portrait de Jésus lui-même.
Vous travaillez ainsi à ce que s’établisse ici-bas déjà le règne de Dieu et vous êtes promis, par conséquent, au partage de gloire avec le Christ auprès du Père. Alors oui, heureux êtes-vous !

Mais revenons maintenant à la question de tout à l’heure : sommes-nous vraiment impuissants ?
Impuissants oui, bien sûr, si chacun de nous, replié sur lui-même, compte sur son seul pouvoir, sur son savoir ou sur son avoir. Mais ce qui nous est dit aujourd’hui, c’est que la prise de conscience de notre impuissance est précisément la condition pour découvrir en nous, une autre puissance : dans notre puissance qui s’inscrit « en creux », Jésus peut verser la toute-puissance de son amour.

Et celle-là, personne ne peut nous l’enlever, car c’est une divine puissance et même une divine présence :
« Ce n’est plus moi qui vis, dit saint Paul,
C’est le Christ qui vit en moi. »
Amen !

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