Messe du 4e dimanche ordinaire – Apostolat des laïcs

 

 

Abbé François-Xavier Amherdt, à l’hôpital de Sierre, VS, le 1er février 2004.

Lectures bibliques : Jérémie 1, 4.19; 1 Corinthiens 12, 31 – 13, 13; Luc 4, 21-30

Jésus « tout craché »

« L’amour prend patience,
il ne s’emporte pas,
il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai;
il supporte tout,
il fait confiance en tout,
il espère tout,
il endure tout. »

Cela me fait toujours sourire lorsque des couples, gaillardement, inscrivent cette hymne à l’amour, insérée par Paul dans sa première épître à la communauté de Corinthe, au frontispice de leur célébration de mariage. Comme s’ils parvenaient à réaliser eux-mêmes cette charte de vie déclinée par l’Apôtre… Vous en connaissez beaucoup, vous, des couples qui « ne jalousent pas, ne se gonflent pas d’orgueil, ne font rien de malhonnête, ne cherchent pas leur intérêt ?» Et je me dis toujours : comment donc les époux de l’assemblée, unis depuis plusieurs années, reçoivent-ils de telles paroles ? Ne les ressentent-ils pas, s’ils osent se montrer un tant soit peu réalistes, en profond décalage avec la réalité de leur mariage ?

Idéal impossible aux humains…

Le Nouveau Testament n’a-t-il pas le chic pour nous proposer un idéal absolument inaccessible ? La Parole de Dieu ne place-t-elle pas la barre trop haut, au risque de nous décourager ? « L’amour ne passera jamais » : Comment oser encore dire cela, lors d’une cérémonie sacramentelle de mariage, alors que peut-être la moitié des couples présents sont séparés ou recomposés ?

Comment continuer de célébrer des unions indissolubles alors que les généticiens affirment que, si dans le génôme humain, l’on peut localiser une prédisposition à tomber amoureux, on ne discerne par contre aucune base chromosomique pour prétendre qu’on le restera, ni pour affirmer combien de temps les époux sont aptes à demeurer ensemble ?

Certains tenants de la psychologie comparative ne vont-ils pas jusqu’à affirmer que c’est plutôt la «poly-fidélité» qui serait naturelle et qu’il est tout à fait «dans l’ordre des choses » que l’homme ou la femme prennent de la distance avec leur conjoint à certaines périodes, dans certaines circonstances, ou après un certain temps ?

Beaucoup de jeunes ne croient plus à l’amour pour toujours. D’ailleurs vous, enfants et ados du Chœur de Noës, vous marierez-vous un jour ?

 

…mais possible au Christ

Et s’il fallait renverser le problème pour le poser selon le point de vue de S. Paul ? Si l’hymne aux Corinthiens était en réalité le portrait de Jésus, le seul homme qui fût jamais capable de toujours « rendre service, de se soumettre à l’autre, de tout supporter, de continuer à aimer envers et contre tout » ? Et si c’était par la grâce de Dieu, avec sa force et son soutien, puisés jour après jour, accueillis dans le dialogue quotidien du couple, dans la prière régulière, dans la joie des sacrements, dans la puissance du pardon divin, que ce qui est impossible à l’homme pouvait devenir possible ?

Car nous ne pouvons expérimenter un tel amour ici-bas que de manière fragmentaire certes, et pourtant bien réelle. A travers des couples concrets qui restent heureux « parce qu’ils ont des histoires », qui tiennent le coup, malgré les épreuves. Pas tout seuls. Épaulés par le Seigneur. Entourés d’amis, soutenus par leurs témoins de mariage. Se donnant les moyens de soigner la qualité de leur communication…

 

Nous laisser bousculer

Si des textes comme ceux de la deuxième lecture du jour «nous coulent dessus» et nous paraissent « jolis et lisses », ne serait-ce pas aussi parce qu’à force de les entendre, nous avons fini par édulcorer la Parole et en perdre le tranchant ? Nous l’entendons, mais nous ne l’écoutons pas. En réalité, Jésus continue de nous bousculer, de renverser notre «prêt-à-penser », de remettre en cause nos idées toutes faites, de nous provoquer.

A cet égard, la colère de la foule à Nazareth pourrait, si j’ose dire, nous inspirer et nous donner à méditer. Non pas que nous désirerions à notre tour pousser le Christ hors de notre cité et de notre société, pour le « remettre » à mort et l’évacuer de nos pensées. Non. Mais cette vive indignation de ses compatriotes peut nous amener à percevoir toute la provocation contenue dans les paroles de Jésus. Qu’il annonce un Seigneur d’amour et de tendresse pour tous ne correspondait pas, mais alors pas du tout, au Dieu véhiculé par les Juifs de l’époque, à savoir un Juge puissant réservant son salut et ses bienfaits au peuple élu et aux seuls justes!

Cependant, mesurons-nous, aujourd’hui encore, l’impertinence de ces propos ? Sommes-nous prêts à accueillir vraiment la Bonne Nouvelle de la miséricorde à l’égard de tous, sans exception, en faveur des gens qui ne pensent pas comme nous, dont nous aimerions bien «tordre le cou », pour la multitude de ceux qui ne croient pas comme nous, dont nous avons peine à comprendre les convictions, et dont nous craignons la violence et le fanatisme ?

Si nous y sommes disposés, alors, à l’exemple de Jérémie, nous pourrons devenir à notre tour des prophètes de l’amour, incompris, rejetés parfois, mais le cœur pénétré de la tendresse de Dieu qui ne nous laisse pas tomber. Qui est toujours à nos côtés.

C’est ainsi que nous pourrons exercer notre apostolat de laïcs, notre sacerdoce de baptisés, en tant que membres du peuple de prophètes, ici à l’hôpital, auprès des malades, partout où nous vivons et où nous oeuvrons, dénonçant les abus qui défigurent l’homme, annonçant la paix et la réconciliation. Prêts véritablement à tout endurer, à tout pardonner, à tout traverser. Dans l’exigence et la vérité. Dans la douceur et la compréhension.

Prêts à chanter, prier, célébrer le Seigneur, à crier son amour aux quatre coins du monde.

 

 

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