Messe du 4e dimanche du temps ordinaire

 

Abbé Paul Frochaux, à l’églie St-Jean, Vevey, le 30 janvier 2011
Lectures bibliques :Sophonie 2,3; 3, 12-13; 1 Corinthiens 1, 26-31; Matthieu 5, 1-12 – Année A

A quelques kilomètres de notre église St-Jean se trouve un village très charmant qui fait d’ailleurs partie de notre paroisse et qui porte le nom de St-Saphorin (St-Saphorin en Lavaux). Ce village est très connu pour son charme, son aspect pittoresque et pour ses vins. Il est aussi connu pour l’un de ses habitants célèbre qui fut un grand poète et un grand chansonnier, vous l’aurez compris, je veux parler Gilles. Et, parmi les chansons de Gilles se trouve le fameux chant « le Bonheur » où celui-ci dit du bonheur qu’il est chose légère… La légèreté peut être une qualité, un sentiment de bien être agréable, tant de choses sont lourdes et difficiles à porter. D’ailleurs, pour voler, il faut que l’oiseau soit léger… Le bonheur, dit Gilles,  est chose légère que toujours notre cœur poursuit, mais en vain comme la chimère. On croit le saisir, il s’enfuit…
En parlant ainsi du bonheur, Gilles a bien décrit nos bonheurs humains. Et ces bonheurs humains, Dieu merci, nous en avons dans notre existence et ils font toujours du bien. Bonheur d’accueillir un enfant,  bonheur de réussir un examen, d’avoir trouvé un emploi, peut-être d’avoir gagné à la loterie etc… Mais aussi importants qu’ils soient ces bonheurs ne nous comblent qu’un moment. Qu’on le veuille ou non, les soucis arrivent, que ce soit pour un enfant, pour la suite après un examen réussi, pour un nouvel emploi. Nos bonheurs humains existent mais ils sont chose légère dans le sens que qu’ils s’effacent assez rapidement devant de nouveaux problèmes, ils ne nous comblent jamais parfaitement et en tout cas pas durablement.

Toutes les fois que j’entends le texte d’évangile des Béatitudes je ne peux m’empêcher de fredonner ce beau chant de Gilles.
Le bonheur que le Christ nous propose aujourd’hui est-il aussi chose légère ? Poser la question c’est y répondre : – Non – Et s’il n’est pas chose légère, est-il au contraire lourd et pesant ? Ces mots sont piégés parce qu’ils ont une connotation négative. Pourtant, je vous dirai : oui le bonheur proposé par le Christ a du poids, il est lourd, lourd de conséquences et de conséquences magnifiques puisqu’elles ne sont rien d’autres que la vie éternelle auprès de Dieu. Le bonheur promis par Dieu vaut son pesant d’or…

Mais, une question se pose : ce bonheur divin n’est-il qu’une promesse pour l’au-delà ? Est-il une promesse qui rend les fous joyeux et qui permet d’avancer dans cette vie avec une espèce de consolation dont on n’est pas sûr de la réalisation dans l’autre monde ? A Lourdes, la Vierge Marie a dit à Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse dans ce monde mais dans l’autre. »  Alors, peut-on tout de même goûter de ce bonheur ici bas ?

La réponse cette fois-ci est : Oui.  Le bonheur des Béatitudes est déjà donné en cette vie, ici-bas. Mais comme les bonheurs humains que nous connaissons,  il est lié à un effort, parfois à des souffrances. Il faut faire un effort pour réussir un examen, la recherche pour trouver un appartement (sur la Riviera par exemple) est épuisante et presque désespérante, lorsqu’elle accouche, une femme souffre. Mais quand tout s’est finalement bien passé, on est heureux…pour un moment du moins. Le bonheur que Dieu donne passe aussi par l’effort, par l’épreuve, peut-être la souffrance. Ainsi, la pauvreté de cœur, parente de la prière, invite à l’humilité, à la simplicité, ce qui n’est pas toujours facile quand on a une certaine estime de soi. La  douceur – qui n’est pas faiblesse – invite à la bienveillance et à la mansuétude quand on aurait envie de réagir peut-être plus violemment. La consolation après l’épreuve ne supprime pas le deuil ni la souffrance, mais nous permet de tirer de ces épreuves des valeurs qui les dépassent. La faim et la soif de la justice qui veut que nous avancions selon le cœur de Dieu nous invite au partage dont on n’a pas toujours envie. La miséricorde invite davantage à la tendresse qu’au jugement. La pureté du cœur qui va au-delà de la pureté rituelle nous invite à la lutte en nous-mêmes contre tant de tentations séduisantes. La paix qui se situe dans le sillage de l’amour nous invite parfois à faire un premier pas avec un parent, un voisin, premier pas si difficile à faire. Et même la persécution à cause de la justice et du Christ, persécution qui n’a pas manqué au cours des âges et se poursuit aujourd’hui, peut être source de bonheur. Accepter la persécution, c’est tenir bon, c’est être fort, quoi qu’il en soit, à la suite du Christ.

On l’aura donc compris, le chemin du bonheur passe par un dépassement et un dépassement n’est jamais évident. Il nous sort de nos habitudes, de manières de faire et de penser, il peut même nous déstabiliser quelque peu. Dans l’Evangile, Jésus ne nous propose pas la voie large et facile, mais la voie étroite, sinueuse. Dans nos randonnées en montagne, l’arrivée au sommet ne se fait pas sur une voie d’autoroute mais bien sur un chemin difficile, escarpé. Le bonheur de parvenir au sommet n’en est que plus grand. Bonheur de l’effort accompli, bonheur de contempler un paysage magnifique, bonheur d’avoir simplement réussi.

Ainsi, le bonheur des Béatitudes existe déjà ici bas, nous pouvons l’expérimenter, le goûter, mais au prix d’un effort, d’un dépassement. En même temps nous devons nous rappeler qu’il n’est qu’un reflet du bonheur qui nous attend au Ciel. Ici-bas déjà, notre cœur peut le poursuivre et le saisir, il ne s’enfuira pas. Ce bonheur-là n’est pas chose légère, il a un poids de gloire et d’éternité. Amen

Lien : la chanson « Le bonheur »

 

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